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Miette s’était drapée dans la couverture.


CHAPITRE VIII

Table des matières

Qu’en fera-t-il?

«Pauvre petite! Est-ce assez gentil un petit être comme cela! Elle n’a guère eu de bonheur dans la vie... pas seulement à manger son content! Bien sûr que je ne la laisserai pas reprendre à ces trois vilains hommes dont elle a si grand’peur; ils la feraient mourir. Je vais la cacher jusqu’à ce qu’ils aient quitté Nantes... leur baraque n’est pas ouverte ce matin; c’est sans doute qu’ils cherchent l’enfant... Oui, cherchez, mes gaillards! Vous pourrez chercher longtemps. Si la justice venait la reprendre pourtant? Bah! la justice ne peut pas la rendre à ces gens-là, puisqu’elle n’est pas leur fille. On la mettra à l’hôpital; là, elle sera bien chauffée, bien nourrie; elle aura de bonnes robes, de bons souliers; elle sera très-heureuse, elle ne manquera de rien. Oh! oui, elle sera très-heureuse, certainement!»

Ainsi pensait Carilès, en parcourant les rues de Nantes avec sa marchandise. Il était si préoccupé, qu’il oubliait de jeter au vent l’appel de son flageolet et son refrain si connu:

Pleurez, pleurez, petits enfants,

Vous aurez des moulins à vent!

Il fut distrait de sa rêverie par l’approche d’une longue colonne de petites filles qui marchaient deux à deux, sous la conduite d’une religieuse. A leur costume, Carilès reconnut les orphelines de l’hospice, et il s’arrêta pour les regarder défiler, admirant leur bonne tenue et leurs robes de laine, et se disant avec satisfaction: «Voilà comme sera Miette!» Mais cette satisfaction se dissipa devant un petit fait bien simple, comme le nuage au souffle du vent. Une des orphelines le regarda, lui et ses moulins; elle fit un pas de côté, hors de son rang, pour mieux le voir, et s’arrêta un instant. Un signe et un regard de la religieuse la firent vivement rentrer à sa place, et elle se remit en marche, rouge et le front baissé. Assurément, c’était tout naturel, et la religieuse ne pouvait pas laisser ses brebis se disperser au gré de leur caprice; mais Carilès, à qui rien n’était plus cher que l’indépendance, commença à trouver le sort des orphelines de l’hospice bien moins heureux qu’il ne l’avait jugé d’abord. «Ne pas pouvoir s’arrêter quand cela vous plaît! marcher au pas, en rang, deux à deux, les yeux baissés, ce n’est pas une vie, cela! Miette serait malheureuse; je ne peux pas la placer dans cette maison-là. Il faudra que je cherche autre chose... Cela doit se trouver, des gens qui se chargent d’un enfant. Je demanderai cela à la Robert, ou bien à la mère Gauvreau; mais il faut attendre que les saltimbanques soient partis. Oh! oh! midi qui sonne! il faut que je me dépêche de vendre, pour rapporter un bon dîner à la petite.»

Et Carilès reprit son flageolet et son refrain. Quand il se jugea assez riche, il entra chez le charcutier, fit l’emplette d’un magnifique morceau de saucisson, entra ensuite au Chêne d’Aaron, pour acheter une bouteille de vin, et se hâta d’aller dîner chez lui en compagnie de Miette. Ce n’était pas dans ses habitudes de dîner chez lui; il mangeait ordinairement, quand la faim le prenait, n’importe où, sur une borne, sur un banc d’une promenade, sous une porte cochère, ou même en continuant sa marche et son commerce; et, quand il avait mangé, il entrait pour boire dans le premier cabaret venu.

Mais ce jour-là, quoiqu’il eût faim à un bon quart de lieue de sa demeure, il ne mordit pas dans son pain et laissa intacts le saucisson et la bouteille dans les poches de sa lévite.

Miette lui sauta au cou en le revoyant. Carilès l’embrassa de bon cœur, et rit de lui voir la mine d’une princesse en manteau de cour, sans page pour porter sa queue. Cette queue, c’était la couverture dans laquelle Miette s’était drapée, moitié par souvenir de sa vie de saltimbanque, moitié pour se réchauffer, car le soleil ne donnait plus dans la chambre, et la petite jupe à paillettes était bien légère. Carilès se trouva bien sot et bien barbare de n’avoir pas pensé à faire du feu; il prit ses derniers morceaux de bois et les alluma. Puis, mettant le billot devant la cheminée, il fit asseoir Miette sur l’âtre; se plaça près d’elle, et étala sur le billot transformé en table ses abondantes provisions. Quand le dîner fut fini, il reprit ses moulins et sa casquette.

«Tu vas encore sortir? père Carilès, lui demanda l’enfant, tout à fait familiarisée avec lui. Je m’ennuie toute seule; emmène-moi avec toi!

— Il faut bien que je ressorte; il y a une rue où les petits enfants m’attendent; j’y gagne toujours au moins dix sous. Je voudrais bien t’emmener; mais comment faire avec ta jupe de sauteuse? les méchants hommes te reconnaîtraient tout de suite. Allons, sois bien sage et reste là : je ne serai pas longtemps dehors.»

Il partit sans retourner la tête, car la voix de Miette tremblait en lui disant adieu, et il lui semblait qu’elle devait avoir les yeux pleins de larmes: il ne voulait pas voir cela.


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