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Il y a une petite fille de bois dans le paquet.


CHAPITRE X

Table des matières

Projets de Miette pour gagner sa vie

Il faisait nuit lorsque Carilès ouvrit sa porte, et à sa grande surprise Miette ne vint pas lui sauter au cou. Il avait compté là-dessus, et cela lui manqua. Il alluma sa chandelle et chercha l’enfant. Elle était assise sur le foyer, ses deux bras croisés sur le billot, et sa tête reposant sur ses bras. Elle dormait, et sanglotait dans son sommeil, comme font les petits enfants qui se sont endormis à force de pleurer.


Elle s’éveilla en entendant marcher.

«Ah! père Carilès, s’écria-t-elle en se jetant dans ses


bras, j’ai cru que vous étiez parti pour tout à fait!

— Pour tout à fait, mon cher petit agneau! Bien sûr que non. Tu étais donc malheureuse toute seule?

— Oui, je m’ennuyais beaucoup; et puis j’ai eu peur quand il a fait noir; je n’ai pas osé appeler, de peur de faire venir les méchants saltimbanques; mais j’ai pleuré, et depuis je ne sais plus ce qui est arrivé.

— Tu as dormi; à présent tu vas souper; et demain tu auras une belle robe bien chaude, et des bas de laine et des souliers. J’irai voir dès le matin si les hommes sont partis, et s’ils n’y sont plus, je t’emmènerai remercier la bonne dame qui m’a donné tout cela pour toi. Vois quel gros paquet!»

Miette l’avait bien vu. Dès qu’elle comprit qu’il était pour elle, elle s’en empara, l’ouvrit, et essaya la robe.

«0 la belle robe! comme elle est longue! Miette sera une dame, à présent. Oh oui! une vraie dame, et même une maman, il y a une petite fille de bois dans lè paquet. Elle a une jolie bouche rose, et des yeux bleus, et des belles joues... Oh! elle a un bras cassé ! ce sont les méchants saltimbanques qui ont fait cela, parce qu’elle n’avait pas de maman pour la défendre. Pauvre petite fille! je t’aimerai bien pour te consoler, va! et je vais te coucher avec moi pour te réchauffer. Comment, père Carilès, c’est pour moi, tout cela? Une, deux, trois chemises, un beau jupon de laine, des bas! Où faut-il les serrer? Ah! il y a de la place dans le placard, une planche vide, au-dessus des pots... Voyez comme j’ai rangé toute ma belle toilette. Oh! le joli tablier noir! il a deux petites poches, père Carilès, ce sera pour mettre les sous qu’on me donnera. C’était toujours moi qui faisais la quête quand j’avais dansé ; et je disais: «Donnez, messieurs et mesdames, pour encourager mes petits talents.» Et puis je faisais une jolie révérence, et l’on me donnait toujours.»

Carilès fut un peu blessé. Il gagnait sa vie, lui, il n’était pas un mendiant. Au fait, se dit-il, elle dansait, c’était sa manière de travailler.

«A présent, dit-il à Miette, tu ne feras plus la quête, puisque tu n’es plus avec les saltimbanques et que tu ne danseras plus. Moi, je ne danse pas, je vends des moulins; c’est un autre métier.

— Ah! fit la petite, étonnée. Mais moi je danserai, puisque je ne vends pas de moulins. Il faut bien que je gagne mon pain.»

L’idée de Miette gagnant son pain parut si drôle à Carilès, qu’il s’assit sur le billot en éclatant de rire. Mais Miette était très-sérieuse.

«Oui, reprit-elle, Lavocat l’a dit assez souvent à ma mère, quand j’étais malade et qu’elle voulait me laisser reposer. «Faites-moi danser cette gamine-là, disait-il avec sa grosse voix: à quoi est-elle bonne si elle ne danse pas? chacun doit gagner le pain qu’il mange.» Et un jour que je n’avais pas pu danser, il m’a ôté mon souper, et ma mère m’a donné du pain en cachette quand il a été endormi.

— Pauvre petite! je, te donnerai du pain, moi, sans que tu danses. Il fait trop froid à présent pour que tu gardes ta petite jupe, et l’autre robe n’est pas une robe pour danser.

— Est-ce que vous êtes riche?»

Carilès rit de nouveau.

«Je t’ai déjà répondu là-dessus. Moi, riche! Es-tu folle, ma petite? Est-ce que j’ai l’air d’un riche, par hasard?»

Miette secoua la tête.

«Alors il faudra que je travaille. Il n’y a que les enfants des riches qui n’ont pas besoin de gagner leur vie.

. — Bien! bien! nous te chercherons de l’ouvrage un peu plus tard. Tu tiens donc bien à travailler! Est-ce que je te fais peur, comme le méchant Lavocat?

— Oh non! au contraire.

— Eh bien, alors?

— Eh bien, je travaillais pour lui parce qu’il me faisait peur; mais je veux travailler pour vous parce que je vous aime.»

Ce dernier mot se perdit presque dans un baiser que Miette appliqua sur la vieille joue ridée de Carilès, en lui serrant le cou de ses petits bras.

Quelle douce chose que d’être aimé ! Comme cela vous éclaire la vie et vous la rend précieuse! Carilès se sentit heureux comme il ne se souvenait pas de l’avoir jamais été. Il caressa la petite fille comme s’il eût été son père; il prit plaisir à exciter son babil et trouva charmant tout ce qu’elle disait; il la fit souper, lui préparant ses bouchées et lui choisissant les meilleurs morceaux; et quand elle fut commodément installée pour la nuit sur la paillasse et l’oreiller de Carilès, il passa un bon quart d’heure à la regarder dormir, avant de se rouler dans la couverture et de s’étendre devant le foyer. Il ne songeait plus du tout à consulter la Robert et la mère Gauvreau sur le sort à faire à sa protégée.


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