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DEUXIÈME ÉTUDE.

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Table des matières

LA CÉRAMIQUE ET L’ARCHITECTURE.

INFLUENCE DE LA CÉRAMIQUE SUR L’ARCHITECTURE GRECQUE.

CONDITIONS ET ANALOGIE DES DEUX ARTS.

Je vois aujourd’hui, dans ma mémoire, la Grèce comme un de ces cercles éclatants qu’on aperçoit quelquefois en fermant les yeux. Sur cette phosphorescence mystérieuse se dessinent des ruines d’une architecture fine et admirable, le tout rendu plus resplendissant encore par je ne sais quelle autre clarté des muses.

CHATEAUBRIAND.

Lorsque autrefois Démosthène dominait les Athéniens par sa divine éloquence, lorsque Phidias créait ses types immortels de la beauté parfaite, et que son émule Apelle atteignait aux sommets de l’art environné d’une gloire plus durable que ses œuvres mêmes, il existait à Athènes un sentiment de religieuse admiration et peut-être de reconnaissance pour l’ancien art des potiers.

Le quartier de la ville appelé Céramique avait été la première école du goût, le sanctuaire primitif où la forme abstraite, sans cesse élaborée, étudiée sous les yeux d’un peuple curieux et libre, s’était révélée aux premiers architectes. C’est dans le Céramique que venaient se reposer et s’inspirer les auteurs de ces antiques constructions qui, plus tard renouvelées avec les marbres du mont Pentélique, devinrent des temples dignes des dieux auxquels ils furent consacrés.

Les souvenirs de ces temps primitifs se sont effacés; les Grecs, vaincus par les Romains, ne transmirent à ceux-ci de leurs arcanes que la vue de leurs travaux, de leurs monuments. Ces restes précieux nous apparaissent après tant de siècles comme les tables d’une loi mystérieuse que les générations croient épeler en les mesurant. On se dit: voilà les proportions d’un ordre grec, voilà le guide, telle est la loi; mais on ne dit pas à qui le législateur avait emprunté ses mesures, d’où lui venait un goût si pur, si exercé, à quelle source il en avait puisé le sentiment.

Si la construction en bois décrite par Vitruve eût seule engendré le temple grec, pourquoi la même construction usitée dans les Gaules à la même époque n’a-t-elle rien produit de semblable? Attribuera-t-on le génie des architectes d’Athènes à l’influence du climat? De plus beaux climats eussent donc produit de plus belles œuvres. C’est trop restreindre l’influence du soleil que d’en concentrer les bienfaits sur le pays seul ou florissait Athènes.

Osons le dire, l’existence d’un centre de travaux céramiques au milieu des Athéniens prépara leur supériorité en exerçant leur goût: et si les noms des potiers célèbres ont été glorieusement conservés comme ceux des architectes, c’est parce que les travaux des uns étaient liés aux œuvres des autres par une communauté de principes.

Examinons l’analogie de ces principes et des lois de proportions dans chacun des deux arts.

Reconnaissons qu’ils sont mis en évidence par un potier cent fois dans un jour, tandis qu’un architecte les pratique réellement peu de fois en sa vie, et nous verrons alors de quelle part a du venir l’influence.

On comprend que la forme du vase Canopien a pu produire le tore du chapiteau du Parthénon, et l’on sait que le chapiteau du Parthénon n’a pas donné naissance à la forme canopienne, déjà antique avant la construction de ce temple.

Que l’on enlève au chapiteau corinthien ses ornements d’acanthe, sous le feuillage sculpté on trouvera un beau vase campaniforme. Le vase ne semble-t-il pas avoir précédé le chapiteau? le potier n’a-t-il pas inspiré l’architecte?

Les hommes, il est vrai, ont fait des abris avant de faire des poteries, cela était plus naturel et plus facile; mais, par les mêmes motifs, ils ont fait de beaux vases avant de faire de beaux monuments: cela était plus facile et aussi plus naturel. Les Égyptiens, les Grecs et les Arabes ont excellé dans les deux arts, mais on possède de chacun de ces peuples des vases fragiles et élégants antérieurs à l’époque florissante de leur architecture. Les bas-reliefs du temple d’Assos nouvellement exposés au Louvre en sont la preuve évidente.

L’art céramique est l’art des formes inventionnelles; l’analogie du principe unit encore cet art à l’architecture. C’est en s’exerçant à l’étude des formes céramiques qu’on arrive à produire des formes nouvelles, et que par conséquent l’on peut trouver les rudiments, les bases d’une architecture nationale et nouvelle. Problème dont la solution a été vainement tentée par les Romains et par les modernes.

Les lois de Proportions, de Symétrie, d’Ornementation, d’utilité même, sont communes à l’un et à l’autre de ces deux arts. Sous le rapport de l’invention, ils dérivent d’un sentiment qui les distingue particulièrement et les rend solidaires.

Ici l’imitation de la nature n’est qu’un point de départ; ses productions n’offrent qu’un germe, un thème à l’imagination, sans être, comme dans la peinture et dans la sculpture, arts d’imitation par excellence, l’objet essentiel: c’est à l’artiste qu’il appartient de découvrir ce germe et de le féconder par d’ingénieux développements. Mais quelles que soient l’invention, la pureté de ses contours et la richesse de ses ornements, il est des lois générales auxquelles sont soumises toutes les œuvres de ce genre qu’il voudra composer.

Loin de considérer l’utilité comme étrangère à l’esthétique, nous devons en faire la base, l’excipient pour ainsi dire, des œuvres de l’art.

Qu’un vase soit d’or, d’ivoire, de marbre, d’argile, de cristal ou d’électre, il doit pouvoir contenir, autrement il n’est qu’un appareil trompeur, une œuvre sans objet. Dût-il n’être jamais utilisé, un vase, même le plus riche, doit pouvoir être utile. Un édifice sans destination, où l’on ne pourrait pénétrer, qui n’offrirait d’utilité ni aux vivants ni aux morts, manquerait à la première des conditions architecturales.

L’équilibre et la stabilité sont aussi des lois de beauté et durée. La solidité est un principe d’art; la force n’exclut pas l’élégance, elle n’est même pas incompatible avec la légèreté, d’où résulte un genre de beauté.

L’accord des différentes parties d’un ensemble et la convenance de ses proportions sont l’effet quelquefois d’un hasard heureux, mais toujours un résultat nécessaire de certaines lois dont j’essaierai de constater ce qu’il m’a été possible d’en découvrir en appliquant les principes de l’analogie aux œuvres de ces grands architectes qui construisaient sans modèles les monuments qu’aujourd’hui nous nous bornons à copier et à mesurer.

L’application des mêmes lois à la coloration harmonieuse des reliefs et des édifices n’est pas étrangère à notre sujet; elle n’est pas non plus un paradoxe, mais un problème que j’ai tenté de résoudre. Puissé-je y avoir réussi.

Études céramiques

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