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SIXIÈME ÉTUDE.

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Table des matières

DES PROPORTIONS EN GÉNÉRAL.

DOCTRINE SECRÈTE DE PYTHAGORE. — THÉORIE DES PROPORTIONS DANS LES FORMES PRIMITIVES — MIXTES — COMPOSITES. — SYMÉTHIE EN LARGEUR. — INÉGALITÉ EN HAUTEUR. — HIÉRARCHIE ET UNITÉ. — LE TEMPLE ET LE CORPS HUMAIN. — BOSSUET ET FÉNELON.

En quelque chose que ce soit, la beauté résulte de la justesse des proportions.

PHOCYLIDE.

On raconte que Pythagore reçut de Zoroastre, d’Hermès et d’Orphée les trésors qu’il transmit à Platon. Aristoxème a dit qu’il tenait ses dogmes de la prêtresse de Delphes. Selon Diogène Laërce, il est le premier qui ait dit: «La terre est un des astres et tourne autour d’un centre. Les corps forment quatre éléments: le feu, l’air, la terre et l’eau.»

Parménide rapporte qu’il connut le premier que l’étoile du soir et celle du matin sont le même astre.

On lui doit la découverte du carré de l’hypoténuse, comme l’affirme Diogène Laërce. Est-il une figure plus ingénieuse et plus populaire que la table de multiplication à laquelle s’est attaché le nom de son illustre auteur?

Aristoxème prouve qu’avant tout autre il introduisit parmi les Grecs l’usage des poids et mesures. On lui doit aussi l’invention des mots Philosophe et Philosophie improvisés par lui dans un entretien qu’il eut avec Léonte, roi des Sicyoniens.

D’autres disent qu’après avoir voyagé en Phénicie, en Égypte, dans la Chaldée, où il avait conversé avec les prêtres et les savants, Pythagore rapporta dans sa patrie plusieurs découvertes, parmi lesquelles était l’ANALOGIE, une des plus importantes et des plus utiles. L’analogie était la clef des PROPORTIONS HARMONIQUES en architecture, musique, peinture, sculpture, etc., etc.

A partir de ce moment, 520 ans avant Jésus-Christ, les Grecs commencèrent à surpasser toutes les autres nations dans les sciences et dans les arts. Sans le secours de l’analogie les Romains, quoique maîtres de la Grèce, ne purent jamais en égaler les artistes. Les plus beaux ouvrages romains furent exécutés par des Grecs qui ne se soucièrent pas de faire connaître le secret de l’analogie, soit qu’ils voulussent se rendre nécessaires en conservant pour eux-mêmes cette science, soit parce que les Romains, qui mettaient toute leur ambition à gouverner en maîtres le monde connu, n’attachaient aucune importance à ce mystère dont ils ne connaissaient pas tout le prix. Si les Romains sont parvenus à employer les proportions dont les Grecs donnaient le modèle, ils ne connurent jamais la règle de l’analogie elle-même.

L’auteur qui cite ce passage reconnaît que les recherches sur cette matière sont restées infructueuses. Pythagore n’a rien laissé d’écrit; mais plus on étudie sa doctrine dans les œuvres éparses des pythagoriciens, plus on voit grandir l’image de ce premier des savants. Platon ordonna qu’on lui achetât pour le prix de cent mines les trois livres de Philolaüs, élève de Pythagore, contenant les leçons du maître. Diogène Laërce, qui rapporte ce fait, nous donne la mesure du sacrifice que faisait Platon en cette circonstance, par le testament même de Platon qui légua à son fils Adimante, outre deux métairies, dont l’une tient au nord à Callimaque, la somme de trois mines en espèces, un vase d’argent de 165 drachmes et une coupe de même métal de 65 drachmes. On voit par le même testament qu’il était dû à Platon trois mines par Euclide le tailleur de pierre.

Pythagore eut un grand nombre d’élèves qui n’étaient initiés à sa doctrine qu’après un temps d’épreuves; le dépôt ne leur en était confié que sous le serment d’en garder religieusement le secret.

L’espoir de retrouver les arcanes et les proportions analogiques de Pythagore serait une folle pensée; mais des recherches, des méditations sur le même sujet, sont un honneur auquel chacun peut prétendre.

THÉORIE DES PROPORTIONS.

Nous avons dit qu’une ligne droite prolongée dans l’espace sans commencement ni fin donnait l’idée de l’infini en longueur; que si cette ligne se développe en largeur il en résulte une surface infinie; que si à cette surface on ajoute une épaisseur infinie, on aura les trois termes de l’infini: longueur, largeur, hauteur.

Ces trois termes sont ce qu’on nomme Dimensions. Quelque effort que puisse faire la raison humaine, elle ne peut comprendre plus de trois dimensions générales. Dans le cube, chaque dimension étant limitée par deux surfaces, les trois dimensions produisent six surfaces.

Les rapports de ces surfaces sont dans cet exemple ce que nous nommons Proportions. — Ainsi les proportions d’un cube sont une égalité parfaite entre les six surfaces carrées qui le composent. Toute différence est aussi une proportion, et le langage a des termes pour désigner ces différences.

Les rapports entre la longueur, la largeur et la hauteur dans les formes primitives, les relations entre les différentes parties des formes mixtes, l’égalité ou la diversité entre les différents membres d’un ensemble composite, constituent donc ce que nous nommons proportions.

Notre dessein étant d’indiquer les proportions d’où résulte la beauté dans l’art céramique et l’architecture, les principes particuliers qui nous semblent régir chacune des catégories de formes primitives, mixtes et composites, seront exposés dans les chapitres suivants.

Les principes généraux trouvent ici naturellement leur place.

Dans certaines formes primitives, comme par exemple vases cylindriques, conoïdes, clavoïdes, tours, pavillons, édifices quadrilatéraux, etc., dont la hauteur excède la largeur, les proportions consistent dans un rapport de hauteur et de largeur tel que la hauteur soit de trois fois le demi-diamètre au moins et trois fois le diamètre au plus.

Si au contraire la largeur excède la hauteur, comme dans les temples grecs et la plupart des édifices, cette largeur doit être de deux fois au moins et de cinq fois au plus la hauteur.

Dans les formes composites, dans toutes les compositions céramiques, architecturales, etc., les belles proportions résultent d’un ensemble où toutes les parties symétriques ou égales dans le sens de la largeur dépendent d’une masse qui les domine par son volume et son importance, et à laquelle elles se rattachent en quantités inégales dans le sens de la hauteur, de sorte que d’un côté à l’autre il y a symétrie, égalité, et du haut en bas inégalité, diversité, hiérarchie, en tout sens unité.

J’entends par Hiérarchie la distribution harmonieuse des parties inégales; ce mot, qui déjà s’est présenté , se représentera encore dans le cours de cet ouvrage; il exigeait une définition spéciale.

Ces quantités inégales ont elles-mêmes une loi qui en dirige les fractionnements: on les obtient en divisant et subdivisant par le nombre trois les différents membres superposés d’un édifice, d’un vase, etc. Il résulte de ce mode de division et de subdivision des rapports hiérarchiques qui constituent la variété, l’ordre et l’unité, c’est-à-dire les proportions les plus satisfaisantes; ainsi un temple grec se divise au premier aspect en trois parties distinctes, savoir, l’entablement, la colonnade et les gradins. Le corps du temple revêtu de ses colonnes est ce que j’ai nommé la masse qui domine les autres membres par son volume et son importance. A cette masse se rattachent l’entablement et les gradins.

L’entablement se subdivise en trois parties inégales qui sont la corniche, la frise et l’architrave.

Les gradins se subdivisent aussi en trois parties que la perspective rend suffisamment inégales.

L’architrave et la corniche se subdivisent à leur tour chacune en trois bandes inégales. Les colonnes elles-mêmes ont un chapiteau, un fût et une base.

Le fût enfin, cette pièce simple sans socle et sans chapiteau, est mentalement divisé en trois régions par suite de l’analogie. Ainsi, lorsque la partie supérieure des colonnes est cannelée, l’évidement commence à partir du premier tiers de la hauteur. Lorsqu’une console, ce qui n’est arrivé qu’aux époques de décadence, lorsqu’une console, destinée à supporter une statue, est fixée à la colonne comme dans celle de Palmyre, cette console est placée au sommet du tiers inférieur. On conserve à la bibliothèque du Vatican une colonne avec console saillante placée au sommet du deuxième tiers du fût. Enfin, dans les colonnes renflées, quelque vicieux que soit le renflement, il n’est admissible qu’autant que la diminution part du tiers inférieur.

On voit aussi que chaque colonne correspond solidairement à trois triglyphes, chaque triglyphe correspond solidairement à trois mutules et se subdivise en trois nervures. Ces rapports, qui dépendent de l’Eurythmie, ne méritent pas moins d’être cités ici. La division par trois est une loi mystérieusement inscrite dans les plus beaux modèles d’arcs de triomphe, de piédestaux, vases, etc., etc.

Par l’analogie la plus évidente, nous retrouverons les mêmes proportions et divisions dans tout ce qui concerne les phénomènes de la couleur.

Le corps humain, le chef-d’œuvre du Créateur, nous offre le modèle de la symétrie dans la largeur. De droite à gauche, l’œil correspond à l’œil, le bras au bras, le pied au pied, tandis que dans le sens de la hauteur toutes les divisions sont inégales.

Le torse domine les autres parties par son volume et son importance: les bras se divisent en trois parties, l’avant-bras, le bras et la main. Il en est de même des jambes. La région du front, celle du nez et celle de la bouche, divisent également le visage de la manière la plus variée, et les milieux y sont indiqués comme l’exige une loi qui sera ultérieurement exposée. Enfin, c’est un édifice dont la façade et les côtés sont clairement indiqués. Qui pourrait méconnaître en tout ceci la grande loi de l’analogie et des proportions, de même que la loi du Sens?

Ainsi l’amour de lui-même dirige l’homme dans la recherche et l’appréciation de la beauté en toutes choses. L’étude et l’analyse approfondies du beau dans les arts conduisent directement à cette conclusion, qui, du reste, rentre dans la grande question agitée par les philosophes lors de la lutte de Bossuet et de Fénelon, au sujet de la vie mystique. Fénelon pensait que l’amour de Dieu était indépendant de l’amour d’une Béatitude éternelle;

Bossuet entreprit de prouver que le désir de béatitude, c’est-à-dire l’amour de nous-mêmes, est le motif déterminant, nécessaire, de toutes nos actions et de toutes nos pensées.

Dans la même question, Malebranche soutint que la volonté n’étant autre chose que l’amour naturel de la béatitude, nous ne pouvons rien aimer et rien faire que par le motif de cet amour. Vers le même temps, tous les philosophes de l’Europe discutèrent la question de savoir si tous nos amours ont leur source primitive dans l’amour de nous-mêmes. L’affirmative, par la victoire de M. de Meaux sur M. de Cambrai devint en philosophie l’opinion presque générale.

Cette excursion historique et métaphysique sur les causes de notre admiration était nécessaire à l’analyse du beau, dans la forme en général. Ce mobile secret de nos jugements apparaîtra plus d’une fois dans le cours de nos études. Déjà nous avons constaté son influence, reconnue par les Architectes de l’Attique dont Vitruve fut l’interprète.

Études céramiques

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