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LES ENFANTS D’ÉDOUARD.

Table des matières

Voici deux pauvres petits princes qui seraient restés confondus parmi la foule de ces rois dont l’histoire n’a rien à mentionner que la date de leur naissance et de leur mort, si une belle peinture de Paul Delaroche, si une tragédie touchante de Casimir Delavigne, deux grands artistes de ce temps-ci, ne les avaient rendus plus célèbres que ne l’ont fait tous les historiens ensemble. Ce que peut le génie!

L’aîné de ces deux enfants, Édouard, prince de Galles, avait à peine treize ans quand il eut le malheur de devenir roi d’Angleterre, par la mort de son père, Édouard IV. — An de J.-C. 1483. — Richard, duc d’York, son frère, entrait dans sa neuvième année.

Richard était blond, beau comme un ange, mais vif, joueur, espiègle comme un lutin, plein de courage et d’ardeur: tête chaude, bon cœur! Édouard, d’une santé faible, était déjà calme, digne, noble, mais aussi déjà sérieux et triste comme un roi. Tous deux étaient aimables, bons, généreux; de caractères différents, ils s’aimaient d’un amour égal et dévoué.

A cette époque l’Angleterre offrait au monde un spectacle épouvantable; depuis longtemps deux familles rivales, York et Lancastre, se disputaient le pouvoir; l’échafaud était en permanence dans ce malheureux pays; le trône semblait être devenu le partage du plus féroce. Cependant les troubles avaient cessé quelque peu sur la fin du règne d’Édouard IV; mais à peine ce prince eut-il fermé les veux, que les ambitions se réveillèrent et qu’une nouvelle série de crimes commença.

Élisabeth de Wydeville, veuve d’Édouard, prit la régence du royaume avec la tutelle de ses enfants. Née loin du trône, elle y avait été appelée par son royal époux, en dépit de la noblesse, qui ne lui pardonnait pas cette élévation, qu’elle méritait par ses vertus. Richard, duc de Gloucester, oncle paternel des enfants d’Édouard, résolut de profiter des dissensions qui déchiraient la patrie pour ravir le trône à ses neveux, dont il aurait dû être le premier, le plus dévoué défenseur. Richard était un homme rusé, méchant, ambitieux; il portait une vilaine âme dans un vilain corps; rien ne lui coûtait pour arriver à son but, ni perfidie, ni trahison, ni meurtre, ni sacrilége. Au lieu de chercher à apaiser les troubles, il les excita sourdement; en même temps qu’il obtenait la confiance de la reine-mère par des protestations du plus sincère dévouement, il gagnait à sa cause plusieurs seigneurs, notamment le duc de Buckingham, par les promesses les plus pompeuses.

A la mort du roi son père, le jeune Édouard était à Ludlow, sur les frontières du pays de Galles. Bientôt Élisabeth demanda que son fils fût ramené à Londres, sous la protection d’une armée; elle ne put obtenir qu’un cortége de deux mille cavaliers. Gloucester, qui commandait l’armée d’Écosse, s’avançait aussi vers la métropole dans le dessein, disait-il, d’assister au couronnement de son neveu; mais en route il attira traîtreusement près de lui le comte Rivers et lord Gray, oncles maternels du jeune roi, les fit arrêter et emprisonner; puis il se rendit auprès d’Édouard, et avec les démonstrations du plus grand respect il lui enleva tous ses gens de confiance et l’emmena à Londres, où ils firent bientôt une entrée triomphale. Gloucester était à cheval en avant d’Édouard, et il le désignait aux acclamations du peuple.

Le jeune prince reçut dans le palais de l’évêque le serment de fidélité et l’hommage des prélats, des lords, des communes; après cette cérémonie, Gloucester, sous prétexte du couronnement prochain, fit conduire le jeune roi à la Tour de Londres et se déclara protecteur du royaume.

Cependant la reine-mère, voyant ce qui se passait et avec quelle précaution Gloucester se rendait maître de son fils ainé, fut effrayée, et se réfugia avec Richard dans l’abbaye de Westminster. Cette conduite dérangeait les plans de Gloucester: une seule victime ne lui eût pas suffi; aussi résolut-il d’attirer Richard auprès de son frère. Il redoubla de protestations de dévouement et d’hypocrites démonstrations. Édouard, prisonnier dans ses propres états, entouré de gens à la dévotion de son oncle, dépérissait d’ennui et de chagrin; Gloucester lui conseilla d’écrire à sa mère pour lui demander Richard. Une députation de lords, l’évêque de Cantorbéry en tète, se rendit auprès d’Élisabeth pour lui faire la même demande. Une mère est difficile à tromper sur le sort de ses enfants, la reine résista longtemps; enfin, vaincue par toutes les sollicitations, elle prit Richard dans ses bras, le couvrit de baisers, de larmes, et lui dit: «Allez, Richard, allez auprès du roi votre frère;

«consolez-le et aimez-le; dites-lui combien je l’aime; et,

«quel que soit le sort qui vous attend, montrez-vous tous

«deux dignes de votre rang.» Puis elle le laissa partir.

Les deux pauvres enfants eurent quelques jours de bonheur. Ils s’abandonnèrent à toute la joie de se voir réunis. Ils jouaient, ils riaient ensemble, parlaient de leur mère, de l’avenir brillant qui leur était promis, et ils étaient heureux.

Néanmoins, les projets de Gloucester commençaient à percer. Les amis, les fidèles serviteurs du jeune roi conspirèrent pour les faire échouer; mais les âmes honnêtes sont lentes à croire à la perfidie; ils mirent quelque hésitation dans leurs actes, et Gloucester les devança; il les fit arrêter et mettre à mort. Alors périt la fleur de la noblesse anglaise, fidèle à son roi: Rivers, Hastings, sir Richard Gray, sir Thomas Vaughan, et plusieurs autres encore. Après ces crimes, le protecteur ne garda plus aucune contrainte; il devint évident qu’il aspirait à la couronne d’Angleterre; il gagna la noblesse par de grandes promesses: il acheta toutes les âmes vénales, flatta toutes les passions de ceux dont il avait besoin, fit haranguer le peuple, ou plutôt la populace, qui se décida enfin à lui offrir la couronne. D’abord il fit mine de la refuser, et l’accepta bientôt, disait-il, par amour pour la patrie.

Bientôt il se rendit en grande cérémonie à Saint-Paul, où il fut reçu par le clergé ; c’était le 24 juin, et il data de ce jour le commencement de son règne.

Pendant cette déloyale usurpation, Édouard et Richard, attendant avec impatience le jour promis du couronnement, étaient toujours prisonniers dans cette horrible Tour de Londres, qui vit tant de crimes.

Ire VUE DE LA TOUR DE LONDRES. — (Les tours Blanches.)


En vain inventait-on mille mensonges pour leur cacher leur véritable position; en vain colorait-on par mille prétextes les retards apportés à leur liberté ; l’inquiétude, de noirs pressentiments avaient gagné leurs cœurs. Richard, qui était toujours vif et joyeux, prompt aux danses et aux ébats, disait à son frère, le voyant mélancolique et triste:

«Venez, Édouard, que je vous montre à danser, afin que

«vous soyez admiré au château de Windsor, où bientôt

«nous serons au milieu des fêtes et des joies. — Il vaudrait

«mieux que vous et moi apprissions à mourir, lui répon-

«dait Édouard, car je crois bien savoir que guère de temps

«ne serons au monde.» Puis ils se mirent à pleurer. Mais comme ils avaient appris de leur mère à être pieux et confiants en Dieu, ils priaient et trouvaient dans la prière de nouvelles forces, de nouvelles espérances.

Le peuple était loin d’être du parti de Gloucester, mais il n’avait plus de chefs: ceux qui auraient pu le guider avaient été assassinés. Cependant quelques sujets fidèles, et la reine-mère à la tête de tous, faisaient dans l’ombre des préparatifs pour la délivrance des deux petits prisonniers. Mais Gloucester n’était pas homme à se laisser surprendre; il voulut d’un seul coup se débarrasser de toutes ses craintes; il envoya ordre au gouverneur de la Tour de mettre à mort les deux jeunes princes. Ce gouverneur, nommé Brackenburg, était un homme d’honneur; il ne voulut pas tremper ses mains dans le sang innocent de son roi. Il refusa. Mais les tyrans trouvent toujours des instruments pour exécuter leurs crimes. Il y avait alors à Londres un nommé James Tyrrel, homme perdu de dettes et de débauches, qui ne conservait de l’humanité que les passions les plus viles, les plus honteuses. Gloucester vit bien que celui-là était son homme, il lui confia cette horrible besogne.

Tyrrel choisit trois complices; ils se mirent quatre hommes pour étouffer deux pauvres petits enfants. Presque toujours le crime est lâche.

Eux, ils étaient endormis l’un près de l’autre; ils se tenaient enlacés dans leurs bras innocents et blancs comme l’albâtre. Un livre de prières était posé sur leur chevet. Cette vue attendrit les assassins; mais l’ordre était donné, il fallut obéir. Les scélérats s’approchèrent des jeunes princes. Richard veillait; il s’écria aussitôt en voyant briller les poignards: «Réveillez-vous, Édouard, on vient nous

«tuer.» Puis, se jetant au-devant des assassins, il ajouta:

«Tuez-moi, mais laissez-le vivre.» Aussitôt Édouard, éveillé, s’écria: «Non; c’est moi qui suis le roi.» Mais bientôt ils furent étouffés tous deux sous leurs oreillers.

Ainsi périrent ces deux malheureux princes, comme deux roses encore en boutons que le pied lourd et cruel d’un jardinier écrase au printemps. Les assassins les enterrèrent au pied d’un escalier, dans une fosse profonde que l’on creusa sous un monceau de pierres.

Ce meurtre horrible fut avoué par les assassins sous le règne suivant. James Tyrrel, après en avoir fait connaître tous les détails, reçut le juste châtiment de son crime; mais ce ne fut que sous le règne de Charles II que furent retrouvés les restes des jeunes princes. Alors on leur rendit les honneurs funèbres et on leur éleva dans l’abbaye de West6 minster ce monument en marbre qu’on voit encore aujourd’hui.

Sur leur tombe on a gravé l’inscription suivante:

ICI

REPOSENT LES RESTES

D’ÉDOUARD V, ROI D’ANGLETERRE,

DE RICHARD, DUC D’YORK.

CES DEUX FRÈRES,

ENFERMÉS DANS LA TOUR DE LONDRES,

ÉTOUFFÉS SOUS LEURS OREILLERS,

FURENT ENTERRÉS EN CACHETTE ET SANS HONNEURS

PAR ORDRE DE LEUR ONCLE PATERNEL

RICHARD,

PERFIDE USURPATEUR DE LEUR ROYAUME.

LEURS RESTES, LONGTEMPS ET BEAUCOUP CHERCHÉS, FURENT, APRÈS 191 ANS, RETROUVÉS,

D’APRÈS LES INDICES LES PLUS CERTAINS, DANS LES DÉCOMBRES DES ESCALIERS (CES

ESCALIERS CONDUISAIENT AUPARAVANT AU FAÎTE DES TOURS BLANCHES), LE 17e JOUR DE JUILLET, AN DE J.-C. 1674. CHARLES, ROI TRÈS-CLÉMENT, LEUR RENDIT LES HONNEURS FUNÈBRES L’ANNÉE DE J.-C. 1678, ET DE SON RÈGNE LA 30.

Richard ne jouit pas longtemps en paix de son crime. Buckingham, qui l’avait aidé à le commettre, se révolta bientôt contre lui; l’usurpateur écrasa son complice et le fit mettre à mort; mais peu de temps après cette victoire, le duc de Richemont, qui prétendait à la couronne d’Angleterre, et qui était réfugié en France, vint l’attaquer. Les deux armées se rencontrèrent dans le comté de Leicester (le 23 août 1485). Richard combattit vaillamment; mais, trahi et se voyant abandonné par tous, il se précipita en poussant un cri horrible au milieu des ennemis, où il trouva une mort trop belle pour lui, celle du soldat.

Après le combat, son corps, souillé de sang, fut ramassé, dépouillé, jeté en travers sur le dos d’un cheval, et conduit de cette manière ignoble à Leicester, où il fut enterré sans aucune pompe.

Ainsi finit ce prince sanguinaire, trahi par les siens comme il avait trahi les autres, maudit de ses contemporains et de la postérité.

IIe VUE DE LA TOUR DE LONDRES. — (Porte des Traîtres.)


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