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VIII
UNE VISITE AU TRÉSOR NATIONAL.–LE MORT ET LE VIVANT

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Table des matières

Huit jours plus tard, je rentrais dans la capitale pourvu de tous les renseignements désirables; Bertrand était arrivé la veille, et il m’attendait avec impatience.

–Encore vingt-quatre heures, mon ami, lui dis-je, et nous recueillerons le fruit de nos travaux. Peux-tu répondre du Picard?

–J’en ferai tout ce que je voudrai, j’ai des lettres pour lui. Et toi?

–Moi, je suis le neveu du caissier, le mari de sa nièce, marié depuis un mois, et qu’il n’a jamais vu. Reposons-nous donc, dormons bien afin d’être frais et dispos au moment de mettre la main à l’œuvre.

Nous passâmes une partie de la journée du lendemain à faire nos préparatifs: je me munis d’un poignard, de deux pistolets de poche; Bertrand en fit autant, bien que cela fût à peu près inutile pour le rôle qui lui était destiné, et, un peu avant quatre heures, nous arrivâmes à la porte du Trésor. Bertrand entra le premier, pénétra sans peine jusqu’au garçon de bureau, lui parla de sa famille, lui remit les lettres dont il était chargé, et finit par le décider à l’accompagner chez le marchand de vin, afin de causer un peu plus amplement du pays en vidant une bouteille. Au moment où ils allaient sortir du bureau, je me présentai à mon tour, et demandai à parler à M.N....

–Votre nom? me demanda le garçon qui s’apprêtait à suivre Bertrand.

–Annoncez M. de Meilleran, de Dijon.

A peine le caissier eut-il entendu ce nom, qu’il sortit de son cabinet et vint à moi les bras ouverts.

–Soyez le bien venu, mon cher neveu, s’écria-t-il; vraiment je ne m’attendais pas au plaisir de faire si tôt votre connaissance!

Nous nous embrassâmes avec toute l’effusion de cœur imaginable; puis il me fit entrer dans son cabinet, et nous commençâmes à causer de la famille. Grâce à l’excellente mémoire dont je suis doué, je parlai avec assurance, sans balbutier, sans hésiter, et je prenais l’initiative sur une foule de particularités, mais, en même temps, je regardais avec soin autour de moi. De la pièce où nous étions, on entrait dans une espèce de cabinet grillé qui, d’un autre côté, donnait sur une sortie de couloir; mais il n’y avait, de ce côté, d’autre issue que deux petits guichets destinés à livrer passage à l’argent. Dans une pièce voisine étaient plusieurs employés; mais quatre heures ayant sonné, je les entendis sortir, comme je l’avais prévu, et je me trouvai seul avec mon oncle prétendu, qui, déjà lui-même, parlait de m’emmener dîner cher lui.

–Restez! lui dis-je en le retenant fortement par le bras au moment où il allait se lever, nous avons des comptes à régler avant que de sortir d’ici.

Il me regarda avec effroi; son visage changea de couleur.

–Qu’est-ce que cela signifie? s’écria-t-il; que me voulez-vous?… Suis-je à la merci d’un assassin?…

–Silence!

–Michel! Mich!… au secours!

–Un mot de plus et vous êtes mort.

Et tandis que de la main gauche je le tenais cloué sur son fauteuil, de l’autre, je lui présentais le canon de mon pistolet.

–Vos clefs1vos clefs! repris-je en armant le pistolet.

Il eut à peine la force de m’indiquer l’endroit où ellee étaient déposées, et il s’évanouit.

–Voilà qui simplifie singulièrement l’opération, me dis-je en m’élançant vers la caisse; je n’aurais pas pris tant de peine si j’avais su avoir si bon marché de ce pauvre homme.

Ce ne fut pas sans mal que je parvins à faire jouer les serrures, car malgré la tournure toute favorable que prenait mon expédition, je ne laissais pas que d’être un peu troublé. Enfin, je touche aux espèces; déjà plusieurs rouleaux d’or sont dans mes poches lorsqu’une crise nerveuse arrache tout à coup le caissier de l’état de torpeur dans lequel il se trouvait, et des gémissements prolongés s’échappent de sa poitrine. Le sentiment du danger que je cours double la rapidité de mes mouvevements; j’allais mettre la main sur un immense portefeuille qui devait contenir des valeurs considérables, lorsque des pas précipités se font entendre dans le corridor. Je cours aussitôt vers la porte; mais elle s’ouvre avant que j’y sois arrivé, et un homme paraît comme pour me disputer le passage; je recule alors de deux pas, et d’un bras dont bien des gens ont depuis éprouvé la vigueur, je lance au milieu de la poitrine de cet homme un sac d’argent que je tenais à la main.

Le malencontreux visiteur tombe à la renverse en jetant des cris perçants. J’ai su, depuis, que c’était le concierge qui, en faisant sa ronde après quatre heures, avait été attiré par les gémissements du caissier.

L’opération était manquée, car je n’avais encore pu mettre dans mes poches que quelque milliers de francs; mais au moins rien ne semblait plus s’opposer à ma retraite, lorsque, au moment où je me disposais à mettre le pied dans la cour, j’aperçus une douzaine de soldats qui sortaient précipitamment du corps de garde. Les cris du concierge avaient été entendus. Aussitôt, je fais volte-face, je me jette dans le premier escalier que je vois, et, en un clin d’œil, je gagne les gouttières.

Blotti entre deux cheminées, non seulement j’entendais tout le bruit qui se faisait autour de moi, la rumeur qui partait de la rue, le cliquetis des armes, le bruit des portes que l’on fermait, mais je pouvais même voir quelques-unes des sentinelles que l’on plaçait à toutes les issues.

La position était critique. Que faire? Comment sortir– de là? J’avais, il est vrai, un poignard, des pistolets; je pouvais jeter par terre les trois ou quatre premières personnes qui me barreraient le passage, mais cela était insuffisant; seul contre tous, la victoire était impossible.

Heureusement, le jour allait finir, et il n’était pas probable que l’on entreprît, la nuit, une excursion sur les toits; j’avais donc le temps de réfléchir et de chercher un expédient, ce qui, toutefois, ne paraissait pas facile à trouver dans cette circonstance.

Au bout d’une heure, je me trouvai capable d’examiner ma situation avec tout le sang-froid convenable.

–Si l’on m’arrêtait, pensai-je, le mal ne serait pas sans remède; il n’est pas impossible de sortir de prison autrement que par la porte, et tout ce qui n’est pas humainement impossible, je me sens capable de l’entreprendre; mais c’est un pis-aller auquel il sera toujours temps d’avoir recours; tâchons de trouver mieux. Avant une heure, il fera noir comme dans un four, et je ne pourrai plus m’orienter: risquons quelque chose.

Audaces fortuna juvat, telle doit être la devise d’un homme comme moi.

Là dessus, je me levai doucement, et, me traînant sur les mains et sur les genoux, je m’avançai sur le toit, au risque de faire une culbute de cinquante pieds, et d’écraser, en tombant, quelqu’un des animaux qui, l’arme au bras, espéraient me couper la retraite. J’arrivai ainsi jusqu’à la maison voisine, et là, il fallut doubler d’audace car il s’en fallait de la hauteur d’un homme que le faîte de cette maison fût de niveau avec le plan incliné que je venais de parcourir: j’hésitai, mais pendant quelques secondes seulement. Je compris bien vite qu’en franchissant ce pas périlleux, je mettrais une grande distance entre moi et les gens qui me cherchaient, et il n’en fallut pas davantage pour me déterminer. Me cramponnant de toute la force de mes poignets à l’édifice que j’allais quitter, je me suspendis, .pour ainsi dire, au-dessus de l’abîme; de la pointe des pieds, seulement, je touchais les ardoises de la maison voisine. J’avoue que ce fut un moment terrible, car la distance ne m’avait pas d’abord paru si grande; or, je ne pouvais plus rétrograder, et il y avait à parier cent contre un qu’en me laissant tomber, j’arriverais presque sans transition sur le pavé de la rue.

Oh! qu’ils me font pitié ces fanfarons qui vont partout clamant qu’ils ne craignent pas la mort!… Misérables avortons! Vous mentez! Vous mentez à autrui et à votre conscience; le sentiment de la conservation est dans tous les cœurs. Je n’hésite pas à l’avouer, moi qui tant de fois ai vu la mort de près, j’eus peur! Oui, je le confesse ici, cet homme audacieux qui a rempli l’Europe du bruit de son nom, Robert Macaire a ressenti les angoisses de la peur. Mes doigts se contractaient sur l’extrémité saillante des tuiles auxquelles je me tenais suspendu; mais bien que mes forces se trouvassent doublées, je sentais bien qu’il me serait impossible de rester encore dix secondes dans cette situation. Enfin, je lâchai prise, et il me sembla que je me lançais dans l’éternité. Mon corps glisse sur les ardoises. le choc du pavé va faire jaillir ma cervelle de son enveloppe osseuse mais non! un obstacle m’arrête tout à coup, et je me trouve à califourchon sur la lucarne d’une mansarde. Cette position était sans doute moins périlleuse que l’autre, malheureusement je ne pouvais la conserver sans courir le risque d’être aperçu. Je tâchai donc d’arriver jusqu’à la fenêtre de la mansarde, et j’y parvins sans trop de difficulté. Oh! bonheur, elle était ouverte! D’un bond je m’élançai au milieu d’un galetas éclairé par une chandelle placée sur une mauvaise table. Je m’attendais bien à quelque algarade de la part des habitants de ce chétif logis, et je comptais, pour me les rendre promptement favorables sur plusieurs sortes d’arguments qui garnissaient mes poches, savoir: de l’or, d’abord, et des pistolets ensuite.

A ma grande surprise, je ne trouvai personne, mais j’avais à peine eu le temps de regarder autour de moi, qu’une clef fit résonner la serrure de la porte; je me jetai promptement sous le lit, et je vis entrer deux vieilles femmes.

–C’que c’est que d’nous pourtant, dit l’une d’elles en entrant; dire que c’te pauv’ mère Galibois était encore sur ses jambes hier au soir!

–Ah! dame! nous sommes tous mortels, m’ame Flochard; mais c’est tout de même une fière corvée que de rouler comme ça une créature du bon Dieu en manière de carotte de tabac!

–Allons! un peu de courage; ça sera bientôt fait, allez! ça me connaît, moi! j’en ai tant emballé comme ça!…

Je sus bien vite à quoi m’en tenir. Il était clair que la maîtresse du logis où je me trouvais était tout fraîchement passée de vie à trépas, et qu’il s’agissait de l’ensevelir.

Ce fut effectivement à cette opération que procédèrent les deux vieilles, tout en commérant et clabaudant sur les us et coutumes de la défunte.

Cette opération terminée, elles délibérèrent sur la question de savoir si l’on passerait la nuit près de la morte, et cette question ayant été, à ma grande satisfaction, résolue négativement, les deux vieilles se retirèrent; je pus alors quitter ma retraite où je me trouvais fort mal à l’aise.

–Voilà qui ne tourne pas trop mal, me dis-je; mais il s’en faut pourtant de quelque chose que je sois hors d’affaire. Voyons d’abord ce qui se passe autour de nous.

Je commençai par éteindre la chandelle que les vieilles avaient laissée tout allumée dans l’âtre; puis je mis la tête à la fenêtre pour voir ce qui se passait dans la rue.

Grâce aux réverbères, et malgré le bruit des voitures qui se croisaient incessamment, j’aperçus distinctement des soldats se promenant, l’arme au bras, et gardant avec soin toutes les issues des maisons voisines, et j’entendis les qui vive répétés des fréquentes patrouilles qui battaient le pavé à mon intention. Je ne pouvais donc tenter de sortir de cette maison; car, d’une part, n’en connaissant pas les êtres, je courais risque d’éveiller les soupçons de ceux de ses habitants qui me rencontreraient; et, en supposant que j’échappasse à ce danger, je ne pouvais mettre le pied dans la rue sans donner tête baissée dans le piège qui m’y était tendu. Pour comble, mon voyage sur les toits, et les événements qui l’avaient précédé, m’avaient horriblement fatigué, le sommeil m’accablait, et je sentais l’impossibilité d’y résister longtemps.

–Après tout, me dis-je, je n’ai rien à craindre ici jusqu’au point du jour: dormons donc jusqu’à demain, et qui vivra verra.

Là-dessus, je m’arrangeai le moins mal possible dans un vieux fauteuil vermoulu, et je ne tardai pas à goûter le sommeil réparateur dont j’avais un si grand besoin. Toutefois, je ne dirai pas que je dormis là comme dans mon lit; j’avais laissé la fenêtre ouverte, et le plus léger mouvement, un qui vive, le pas d’une patrouille, le maniement des armes d’une sentinelle qu’on relevait, le moindre bruit, enfin, me réveillait en sursaut; je prêtais une oreille attentive, puis, après quelques minutes, je me rendormais de nouveau pour me réveiller enoore de la même manière.

Au point du jour j’étais debout; et, afin de réchauffer mes membres engourdis, je me promenais de long en large en songeant au parti que je devais prendre, lorsqu’il me sembla entendre quelque bruit au-dessus de l’endroit où je me trouvais. Or, au-dessus de cette pièce, il n’y avait que le toit. Je m’approche avec précaution de la fenêtre, je me retranche derrière un vieux rideau, blanc jadis, et jauni par le temps, et, une main sur mes pistolets, l’autre sur mon poignard, je demeure immobile et attentif. Bientôt, j’entends distinctement des paroles venant du dehors, mais très près de moi.

–Quand je te dis que nous sommes sur la voie. Tiens, des tuiles écornées, des ardoises détachées; le brigand a passé par là.

–Hé bien! alors il a du toupet, le camarade; il y a de quoi dégringoler cent fois pour une; ce n’est pas moi qui prendrai ce chemin-l.

–Et la gratification promise?

–Parbleu; elle me fera une belle jambe, la gratification, quand je me serai cassé les reins!

–Alors, va me chercher une corde, et je tenterai l’aventure pour nous deux; j’ai dans l’idée que le voleur n’est pas loin.

Ma position, comme on le voit, devenait de plus en plus périlleuse. Je délibérais sur le parti à prendre, lorsque j’entendis de nouveau le bruit d’une clef introduite dans la serrure de la porte. D’un bond, je me jette sous le lit; la porte s’ouvre. c’est un homme qui apporte la bière destinée à la défunte.

–Allons! dit-il en jetant le cercueil sur le carreau, encore une corvée pour moi tout seul! Est-il bien possible qu’un compagnon soit comme ça sur sa bouche! six tournées de blanc, c’était bien honnête. Bah! le voilà au rouge, à présent. Il a payé pour moi, c’est vrai, mais je vas faire la besogne tout seul, ça n’est pas régalant. Voyons, ma vieille, à nous deux.

Là-dessus, mon gaillard saisit à bras le corps le cadavre placé sur le lit, et l’étend dans le cercueil, puis il ajuste les deux planches supérieures et il s’écrie:

–Que le diable emporte cet ivrogne d’Antoine! c’est lui qui a les clous dans sa poche; il faut que j’aille le chercher maintenant.

Il sortit, et je quittai encore une fois ma retraite. Mes regards s’arrêtèrent alors sur la bière qui était à mes pieds; je remarquai d’abord sa longueur peu ordinaire; puis cette remarque me fit imaginer un expédient pour sortir sain et sauf de cette maiso; le moyen était bizarre, hardi, mais je n’avais pas le choix, et c’est surtout dans ces circonstances qu’il faut savoir oser.

Je pris donc le cadavre de la vieille, je l’enlevai du cercueil où il venait d’être placé, et je le poussai sous le lit; puis, m’enveloppant tant bien que mal dans un drap, je pris la place et parvins à rajuster les planches qui devaient être clouées dans quelques instants. La prison était étroite; mais, j’avais mon poignard à la main, et je m’étais arrangé de façon à pouvoir l’introduire entre deux planches pour me livrer passage quand il serait temps.

Tout cela était à peine terminé lorsque l’homme revint achever sa besogne, et le bruit des coups de marteau annonça au voisinage que la bonne vieille avait revêtu son dernier habit.

Que cette journée me parut longue! Ce fut un siècle de tortures. Je ne respirais qu’avec peine à travers les jointures des planches; j’éprouvais des douleurs atroces dans mes membres contractés; des crampes horribles m’obligeaient à des efforts surhumains pour retenir des cris sans cesse près de m’échapper.

Cependant j’étais hors de la chambre; au plus grand volume d’air que je recevais, je jugeai que l’on venait d’exposer la prétendue morte sur le seuil de la porte cochère, et je repris courage. Enfin, je me sentis hisser dans le corbillard; la pluie tombait par torrents, et il n’était pas probable que, par un temps si mauvais, quelqu’un s’avisât d’accompagner la pauvre vieille à sa dernière demeure.

–Je suis sauvé! me dis-je lorsque je sentis le char mortuaire se mettre en marche.

Profitant du bruit qui se faisait dans les rues populeuses où nous passâmes d’abord, je fis jouer la lame de mon poignard; l’une des planches se détacha après quelques efforts, une seconde céda immédiatement, et je commençai à me trouver soulagé. Toutefois, il me fallut encore prendre patience jusque sur les boulevards extérieurs.

Le jour allait finir, lorsque nous y arrivâmes; le temps était sombre, la pluie tombait toujours et le boulevard était absolument désert. Autant que mon rayon visuel pouvait s’étendre, je n’apercevais que les arbres aux feuilles jaunies; moi seul, le cocher et les chevaux, animions cette solitude, toutes choses que je pouvais facilement observer maintenant, car j’avais relevé sans façon l’un des coins du drap mortuaire.

Je me glissai donc hors du corbillard, sans m’inquiéter du cocher qui me tournait le dos. En un tour de main je fus débarrassé du drap qui m’enveloppait, et cinq minutes après, j’arpentais rapidement les rues de la capitale.

Une chose m’inquiétait encore assez vivement: je ne savais pas ce que Bertrand était devenu; je craignais qu’il n’eût pas réussi à se débarrasser du garçon de bureau. Sa poltronnerie m’effrayait, et je n’osais me rendre à notre domicile. Fort heureusement, au moment où je mettais le pied dans la rue où nous habitions depuis plusieurs mois, je fus accosté par un homme enveloppé; dans un large manteau; il s’arrêta, jeta les yeux sur moi. C’était Bertrand1

–Ah! mon cher Robert, me dit-il, que nous l’avons échappé belle!

–Poltron! je te reconnais là. Quel danger as-tu donc couru?

–Tu ne sais donc pas quel vacarme tout cela a fait? Au premier bruit, mon Picard est sorti pour savoir de quoi il s’agissait; je l’ai suivi à distance, et j’ai bien fait, car, de la porte cochère voisine sous laquelle je m’étais réfugié, je l’ai vu revenir au cabaret, accompagné de quatre soldats, l’arme au bras. Enfin, j’ai passé toute la nuit dans les environs du Trésor, espérant toujours apprendre quelque chose de nouveau sur ton compte; puis, ce matin, je suis rentré chez nous, j’ai fait argent de tout, et me voici lesté de manière à faire le tour de la France si cela peut t’être agréable.

–Et tu as conservé nos passeports?

–Les voici; il y en a huit, ce qui équivaut à cent, avec les talents que tu possèdes.

–Bertrand, je suis content de toi!.... Tu as raison, mon ami; quitter Paris est ce que nous avons de mieux à faire pour le moment. Nous irons à Lyon; les grandes villes offrent toujours des ressources, et, pour ne pas éveiller les soupçons, nous voyagerons en artistes. Ainsi, nous nous rendrons d’abord à Auxerre.

–Va pour Auxerre. Quand partons-nous?»

–Ce soir, si nous trouvons de la place dans la voiture publique.

Deux heures après, et alors que toute la police de Paris était sur pied à notre intention, nous roulions paisiblement vers la Bourgogne.

Mémoires de Robert-Macaire

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