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CHAPITRE IV.

Table des matières

LE GRAND FRÈRE DE MLLE SUZANNE.


Dans la salle à manger où Suzanne conduisait son grand-père se trouvaient déjà Mme de Sannois et M. Paul.

Paul était le frère de Mlle Suzanne, son «grand frère», comme elle l’appelait. Sorti de l’École polytechnique, il était ingénieur des ponts et chaussées. Il aimait grandement sa petite sœur, qui le taquinait souvent, mais qui l’aimait aussi beaucoup. Paul n’était jamais embarrassé devant les questions multiples de Suzanne.

A ses «pourquoi», il trouvait toujours des «parce que» qui satisfaisaient la curiosité de Mlle Suzanne.

On se mit à table, et le silence qui préside aux débuts de tous les repas se fit pendant quelques instants.

Bientôt, pourtant, Mme de Sannois s’aperçut que Suzanne ne touchait pas à ce qu’on lui avait servi.

— Il faut manger, ma chérie! dit-elle.

— Je n’ai pas faim, répondit Suzanne.

— Tu ne veux donc pas grandir? demanda M. de Beaucourt.

— Pourquoi me dis-tu cela, bon papa?

— Parce que, si tu ne manges pas, tu resteras toute petite! répondit le grand-père très sérieux.

— Vrai?

— Mais oui, «vrai!» dit Paul à son tour.

Suzanne regarda son frère.

— Pourquoi? dit-elle.

— Ah! te voilà encore avec tes questions! dit Paul en souriant.

— Oui, pourquoi? reprit Suzanne sans se déconcerter.

— Parce qu’il faut manger d’abord pour vivre, ensuite pour grandir, enfin pour réparer les forces que l’on perd continuellement.

Et, comme Suzanne attendait une explication complète, son grand frère lui dit:

— Je vais tâcher de te faire comprendre pourquoi il faut manger et à quoi cela sert, mais je te préviens que je serai assez long; auras-tu la patience de m’écouter jusqu’au bout?


— Oui, oui! répondit rapidement Suzanne.

— Eh bien, sache donc que ton corps est composé d’une multitude d’organes qui attendent que tu manges pour se développer et croître. Quand tu manges, tu donnes, pour ainsi dire, à manger toi-même à tes muscles, à tes nerfs, à tes os, à ta chair et même à tes ongles et à tes cheveux.

— Oh! fit Suzanne étonnée.

— Mais oui, tout cela attend le bon plaisir de ton estomac et le travail de tes petites quenottes. Tous ces organes ont besoin de trouver dans les aliments que tu avales les substances nécessaires à leur croissance.

— Cependant, quand je n’ai pas faim, ce n’est pas de ma faute!

— Quand tu n’as pas faim, c’est que tu n’as pas pris assez d’exercice, ou que tu as trop mangé au repas précédent, car, de toute chose, il faut user avec mesure.

— Alors, ce morceau de viande va nourrir, si je le mange, tout ce que tu as nommé tout à l’heure?

— Oui, une fois que tes petites dents l’auront divisé, séparé, réduit en particules très fines. Alors il passera de ton gosier dans un tube que les savants appellent l’œsophage et qui le conduira dans ton estomac.

— L’estomac?

— L’estomac n’est autre chose qu’une sorte de sac où viennent tomber les aliments que tu as avalés. Mais son rôle est des plus importants. C’est la cuisine où les aliments se transforment au goût de chacun de tes organes. Aussi est-il tapissé de nombreuses petites glandes qui fournissent une liqueur appelée le suc gastrique. Ce suc imbibe les aliments à l’intérieur de l’estomac comme la salive l’a déjà fait dans la bouche.

— Ce suc gastrique, dit Suzanne, c’est la sauce qui assaisonne?...

— Justement, dit Paul en continuant. Dans la bouche, il y a les dents qui servent déjà à mâcher, à mastiquer les aliments. Ici, les dents sont remplacées par des mouvements de contraction de l’estomac lui-même. En se resserrant, il presse les aliments, les pétrit et en fait une bouillie nommée chyme, qui descend, cette fois, dans un autre tube replié plusieurs fois sur lui-même. Ce tube, c’est le tube digestif ou l’intestin.

Là, le chyme se trouve encore imbibé par trois sucs nouveaux, le suc pancréatique, la bile et le suc intestinal, et l’intestin se contractant aussi comme l’estomac, le chyme devient une magnifique bouillie blanche comme du lait, auquel on a donné le nom de chyle.

— Chyme d’abord et chyle ensuite! murmura Suzanne pour se rappeler ces deux mots.

— Oui, et c’est le chyle qui va passer dans le sang.

— Comment va-t-il faire?

— Il va s’adresser aux villosités de l’intestin.

— Villosités! dit Suzanne effrayée du mot.

— Ces villosités sont des espèces de petites racines qui tapissent tout l’intestin et qui jouent le même rôle que les racines des plantes. Ce sont elles qui viennent puiser dans l’intestin le chyle laiteux pour le transporter dans le sang et pour régénérer ce sang qui nourrit tous les organes, depuis nos os jusqu’à nos cheveux, comme je te l’ai dit tout à l’heure.

Paul avait tenu ce petit discours tout en déjeunant, et Mme de Sannois et M. de Beaucourt ne l’avaient pas interrompu, enchantés de voir Suzanne prendre tant d’intérêt à ces explications.


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