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CHAPITRE PREMIER.

Table des matières

POURQUOI NEIGE-T-IL?

— Pourquoi neige-t-il?...

Telle est la question que se posait à elle-même, un matin d’hiver terrible, une jolie brunette de neuf à dix ans.

La physionomie de cette petite fille était marquée d’un cachet extrêmement original par des yeux bleus, abrités sous de longs cils noirs, toujours grands ouverts et emplis d’un perpétuel étonnement.

Cette enfant semblait assurément surprise de tout, peut-être même de vivre.

La bouche, mi-close, avait la lèvre intelligente, curieuse et interrogative.

Ces yeux bleus voyaient-ils une chose nouvelle qui les frappât? Aussitôt cette bouche rose s’ouvrait, qui demandait: «Pourquoi?»

Suzanne de Sannois était une question vivante.

— Pourquoi neige-t-il? répétait-elle, toute songeuse, en tenant soulevé le rideau de sa fenêtre.

Suzanne habitait l’un de ces superbes hôtels parisiens qui enserrent le parc Monceaux dans un somptueux cadre de briques et de pierre.

Ce matin-là, la façade de l’hôtel de Sannois disparaissait sous une masse de neige qui s’accrochait aux corniches, aux mascarons, aux saillies des sculptures, aux pointes des grilles dorées, s’étendait en tapis sur les marches du perron descendant jusqu’au parc et mettait de blanches arabesques à l’armature de fer forgé d’une longue serre accotée à l’habitation, où se montraient à travers les vitres, par un contraste étrange, les vertes et luxuriantes plantes des Tropiques.

Suzanne voyait le parc Monceaux tout blanc et tout triste sous la neige épaisse que cette nuit d’hiver avait apportée. Quelques hommes travaillaient à déblayer la route des voitures. Un gardien, le capuchon sur la tête, les surveillait. Plus loin, une rue déserte bordée de petits hôtels, avec des ateliers de peintre, et, çà et là, quelques arbres qui semblaient grelotter.

Cette vue donna à Suzanne la sensation du froid du dehors; elle revint vite au milieu de sa petite chambre qu’un bon feu éclairait dans le ronflement de ses longues flammes jaunes.

Pour la première fois, peut-être, elle sut apprécier le confortable des choses qui l’entouraient.

La chambre à coucher de Mlle Suzanne était fort coquette dans sa simplicité voulue.

Toute calfeutrée, bien à l’abri des courants d’air avec ses fenêtres garnies d’une double mousseline sous les lourds rideaux à gobelets flamands, elle était entièrement tendue de perse rose pâle, et le plafond, en étoile, envoyait dans tous les sens ses rayons de même étoffe.

Le fond du lit, caché par des rideaux de perse à embrasses bouillonnées, était de satinette rose recouverte de tulle avec appliques de fleurs. Auprès, une petite toilette duchesse, puis une étagère chargée de bibelots, le berceau d’une grande poupée qui avait dormi toute la nuit comme sa maîtresse, une table avec des cahiers et des livres, et quelques chaises bébés qui posaient sur un tapis de moquette veloutée dont Suzanne, en marchant, regarda les bouquets de fleurs brillamment enluminés.

Mlle de Sannois s’approcha de son lit où la femme de chambre acheva de l’habiller.

Suzanne continuait à réfléchir.

— Qu’avez-vous donc ce matin, mademoiselle? dit la femme de chambre.

Suzanne leva ses grands yeux et dit:

— Sais-tu pourquoi il neige, toi, Louisette?


— Mais, oui, mademoiselle!

— Ah! Eh bien, dis-le-moi! fit Suzanne avec vivacité.

— Il neige parce qu’il fait froid! C’est bien simple!

Il est probable que Suzanne ne trouva pas cette réponse satisfaisante, car elle reprit:

— Et pourquoi fait-il froid?

— Dame! parce que... parce que... Ah! ma foi, mademoiselle, s’écria Louisette en riant, vous m’en demandez trop! je ne sais pas.

Suzanne garda le silence; puis, après quelques minutes, elle dit, poursuivant son idée:

— Pourquoi ne sais tu pas?

— Parce que, mademoiselle Suzanne, on ne m’a pas appris ces choses-là.

— Mais moi, je veux qu’on me les apprenne! murmura Suzanne.

— Adressez-vous à madame. Elle pourra, sans doute, vous répondre.

— Tu as raison! Dépêche-toi de m’habiller.

Et Suzanne, venant en aide à la femme de chambre, eut bientôt fini sa toilette.


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