Читать книгу LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан - Страница 72

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Comme les autres fois, dès sa rentrée en cellule. Lupin se coucha, et tout en bâillant il songeait :

« Au fond, rien n’est plus pratique pour la conduite de mes affaires que cette existence. Chaque jour je donne le petit coup de pouce qui met en branle toute la machine, et je n’ai qu’à patienter jusqu’au lendemain. Les événements se produisent d’eux-mêmes. Quel repos pour un homme surmené ! »

Et, se tournant vers le mur :

« Steinweg, si tu tiens à la vie, ne meurs pas encore ! ! ! Je te demande un petit peu de bonne volonté. Fais comme moi : dors. »

Sauf à l’heure du repas, il dormit de nouveau jusqu’au matin. Ce ne fut que le bruit des serrures et des verrous qui le réveilla.

– Debout, lui dit le gardien ; habillez-vous… C’est pressé.

M. Weber et ses hommes le reçurent dans le couloir et l’amenèrent jusqu’au fiacre.

– Cocher, 29, villa Dupont, dit Lupin en montant… Et rapidement.

– Ah ! Vous savez donc que nous allons là ? dit le sous-chef.

– évidemment, je le sais, puisque, hier, j’ai donné rendez-vous à M. Formerie, au 29 de la villa Dupont, sur le coup de dix heures. Quand Lupin dit une chose, cette chose s’accomplit. La preuve…

Dès la rue Pergolèse, les précautions multipliées par la police excitèrent la joie du prisonnier. Des escouades d’agents encombraient la rue. Quant à la villa Dupont, elle était purement et simplement interdite à la circulation.

– L’état de siège, ricana Lupin. Weber, tu distribueras de ma part un louis à chacun de ces pauvres types que tu as dérangés sans raison. Tout de même, faut-il que vous ayez la venette ! Pour un peu, tu me passerais les menottes.

– Je n’attendais que ton désir, dit M. Weber.

– Vas-y donc, mon vieux. Faut bien rendre la partie égale entre nous ! Pense donc, tu n’es que trois cents aujourd’hui !

Les mains enchaînées, il descendit de voiture devant le perron, et tout de suite on le dirigea vers une pièce où se tenait M. Formerie. Les agents sortirent. M. Weber seul resta.

– Pardonnez-moi, monsieur le juge d’instruction, dit Lupin, j’ai peut-être une ou deux minutes de retard. Soyez sûr qu’une autre fois je m’arrangerai…

M. Formerie était blême. Un tremblement nerveux l’agitait. Il bégaya :

– Monsieur, Mme Formerie…

Il dut s’interrompre, à bout de souffle, la gorge étranglée.

– Comment va-t-elle, cette bonne Mme Formerie ? demanda Lupin avec intérêt. J’ai eu le plaisir de danser avec elle, cet hiver, au bal de l’Hôtel de Ville, et ce souvenir…

– Monsieur, recommença le juge d’instruction, monsieur, Mme Formerie a reçu de sa mère, hier soir, un coup de téléphone lui disant de passer en hâte. Mme Formerie, aussitôt, est partie, sans moi malheureusement, car j’étais en train d’étudier votre dossier.

– Vous étudiez mon dossier ? Voilà bien la boulette, observa Lupin.

– Or, à minuit, continua le juge, ne voyant pas revenir Mme Formerie, assez inquiet, j’ai couru chez sa mère ; Mme Formerie n’y était pas. Sa mère ne lui avait point téléphoné. Tout cela n’était que la plus abominable des embûches. À l’heure actuelle, Mme Formerie n’est pas encore rentrée.

– Ah ! fit Lupin avec indignation.

Et, après avoir réfléchi :

– Autant que je m’en souvienne, Mme Formerie est très jolie, n’est-ce pas ?

Le juge ne parut pas comprendre. Il s’avança vers Lupin, et d’une voix anxieuse, l’attitude quelque peu théâtrale :

– Monsieur, j’ai été prévenu ce matin par une lettre que ma femme me serait rendue immédiatement après que le sieur Steinweg serait découvert. Voici cette lettre. Elle est signée Lupin. Est-elle de vous ?

Lupin examina la lettre et conclut gravement :

– Elle est de moi.

– Ce qui veut dire que vous voulez obtenir de moi, par contrainte, la direction des recherches relatives au sieur Steinweg ?

– Je l’exige.

– Et que ma femme sera libre aussitôt après ?

– Elle sera libre.

– Même au cas où ces recherches seraient infructueuses ?

– Ce cas n’est pas admissible.

– Et si je refuse ? s’écria M. Formerie, dans un accès imprévu de révolte.

Lupin murmura :

– Un refus pourrait avoir des conséquences graves… Mme Formerie est jolie…

– Soit. Cherchez… vous êtes le maître, grinça M. Formerie. Et M. Formerie se croisa les bras, en homme qui sait, à l’occasion, se résigner devant la force supérieure des événements.

M. Weber n’avait pas soufflé mot, mais il mordait rageusement sa moustache, et l’on sentait tout ce qu’il devait éprouver de colère à céder une fois de plus aux caprices de cet ennemi, vaincu et toujours victorieux.

– Montons, dit Lupin.

On monta.

– Ouvrez la porte de cette chambre.

On l’ouvrit.

– Qu’on m’enlève mes menottes.

Il y eut une minute d’hésitation. M. Formerie et M. Weber se consultèrent du regard.

– Qu’on m’enlève mes menottes, répéta Lupin.

– Je réponds de tout, assura le sous-chef.

Et, faisant signe aux huit hommes qui l’accompagnaient :

– L’arme au poing ! Au premier commandement, feu !

Les hommes sortirent leurs revolvers.

– Bas les armes, ordonna Lupin, et les mains dans les poches.

Et, devant l’hésitation des agents, il déclara fortement :

– Je jure sur l’honneur que je suis ici pour sauver la vie d’un homme qui agonise, et que je ne chercherai pas à m’évader.

– L’honneur de Lupin… marmotta l’un des agents.

Un coup de pied sec sur la jambe lui fit pousser un hurlement de douleur. Tous les agents bondirent, secoués de haine.

– Halte ! cria M. Weber en s’interposant. Va, Lupin… je te donne une heure… Si, dans une heure…

– Je ne veux pas de conditions, objecta Lupin, intraitable.

– Eh ! Fais donc à ta guise, animal ! grogna le sous-chef exaspéré.

Et il recula, entraînant ses hommes avec lui.

– À merveille, dit Lupin. Comme ça, on peut travailler tranquillement. Il s’assit dans un confortable fauteuil, demanda une cigarette, l’alluma, et se mit à lancer vers le plafond des anneaux de fumée, tandis que les autres attendaient avec une curiosité qu’ils n’essayaient pas de dissimuler. Au bout d’un instant :

– Weber, fais déplacer le lit. On déplaça le lit.

– Qu’on enlève tous les rideaux de l’alcôve.

On enleva les rideaux.

Un long silence commença. On eût dit une de ces expériences d’hypnotisme auxquelles on assiste avec une ironie mêlée d’angoisse, avec la peur obscure des choses mystérieuses qui peuvent se produire. On allait peut-être voir un moribond surgir de l’espace, évoqué par l’incantation irrésistible du magicien. On allait peut-être voir…

– Quoi, déjà ! s’écria M. Formerie.

– Ça y est, dit Lupin.

– Croyez-vous donc, monsieur le juge d’instruction, que je ne pense à rien dans ma cellule, et que je me sois fait amener ici sans avoir quelques idées précises sur la question ?

– Et alors ? dit M. Weber.

– Envoie l’un de tes hommes au tableau des sonneries électriques. Ça doit être accroché du côté des cuisines. Un des agents s’éloigna.

– Maintenant, appuie sur le bouton de la sonnerie électrique qui se trouve ici, dans l’alcôve, à la hauteur du lit… Bien… Appuie fort… Ne lâche pas… Assez comme ça… Maintenant, rappelle le type qu’on a envoyé en bas.

Une minute après, l’agent remontait.

– Eh bien ! L’artiste, tu as entendu la sonnerie ?

– Non.

– Un des numéros du tableau s’est déclenché ?

– Non.

– Parfait. Je ne me suis pas trompé, dit Lupin. Weber, aie l’obligeance de dévisser cette sonnerie, qui est fausse, comme tu le vois… C’est cela… commence par tourner la petite cloche de porcelaine qui entoure le bouton… Parfait… Et maintenant, qu’est-ce que tu aperçois ?

– Une sorte d’entonnoir, répliqua M. Weber, on dirait l’extrémité d’un tube.

– Penche-toi… applique ta bouche à ce tube, comme si c’était un porte-voix…

– Ça y est.

– Appelle… Appelle : « Steinweg !… Holà ! Steinweg !… » Inutile de crier… Parle simplement… Eh bien ?

– On ne répond pas.

– Tu es sûr ? écoute… On ne répond pas ?

– Non.

– Tant pis, c’est qu’il est mort… ou hors d’état de répondre. M. Formerie s’exclama :

– En ce cas, tout est perdu.

– Rien n’est perdu, dit Lupin, mais ce sera plus long. Ce tube a deux extrémités, comme tous les tubes ; il s’agit de le suivre jusqu’à la seconde extrémité.

– Mais il faudra démolir toute la maison.

– Mais non… mais non… vous allez voir…

Il s’était mis lui-même à la besogne, entouré par tous les agents qui pensaient, d’ailleurs, beaucoup plus à regarder ce qu’il faisait qu’à le surveiller.

Il passa dans l’autre chambre, et, tout de suite, ainsi qu’il l’avait prévu, il aperçut un tuyau de plomb qui émergeait d’une encoignure et qui montait vers le plafond comme une conduite d’eau.

– Ah ! Ah ! dit Lupin, ça monte !… Pas bête… Généralement on cherche dans les caves…

Le fil était découvert ; il n’y avait qu’à se laisser guider. Ils gagnèrent ainsi le second étage, puis le troisième, puis les mansardes. Et ils virent ainsi que le plafond d’une de ces mansardes était crevé, et que le tuyau passait dans un grenier très bas, lequel était lui-même percé dans sa partie supérieure.

Or, au-dessus, c’était le toit.

Ils plantèrent une échelle et traversèrent une lucarne. Le toit était formé de plaques de tôle.

– Mais vous ne voyez donc pas que la piste est mauvaise, déclara M. Formerie.

Lupin haussa les épaules.

– Pas du tout.

– Cependant, puisque le tuyau aboutit sous les plaques de tôle.

– Cela prouve simplement que, entre ces plaques de tôle et la partie supérieure du grenier, il y a un espace libre où nous trouverons… ce que nous cherchons.

– Impossible !

– Nous allons voir. Que l’on soulève les plaques… Non, pas là… C’est ici que le tuyau doit déboucher.

Trois agents exécutèrent l’ordre. L’un d’eux poussa une exclamation :

– Ah ! Nous y sommes !

On se pencha. Lupin avait raison. Sous les plaques que soutenait un treillis de lattes de bois à demi pourries, un vide existait sur une hauteur d’un mètre tout au plus, à l’endroit le plus élevé.

Le premier agent qui descendit creva le plancher et tomba dans le grenier.

Il fallut continuer sur le toit avec précaution, tout en soulevant la tôle.

Un peu plus loin, il y avait une cheminée. Lupin, qui marchait en tête et qui suivait le travail des agents, s’arrêta et dit :

– Voilà.

Un homme – un cadavre plutôt – gisait, dont ils virent, à la lueur éclatante du jour, la face livide et convulsée de douleur. Des chaînes le liaient à des anneaux de fer engagés dans le corps de la cheminée. Il y avait deux écuelles auprès de lui.

– Il est mort, dit le juge d’instruction.

– Qu’en savez-vous ? riposta Lupin.

Il se laissa glisser, du pied tâta le parquet qui lui sembla plus solide à cet endroit, et s’approcha du cadavre. M. Formerie et le sous-chef imitèrent son exemple.

Après un instant d’examen. Lupin prononça :

– Il respire encore.

– Oui, dit M. Formerie, le cœur bat faiblement, mais il bat. Croyez-vous qu’on puisse le sauver ?

– évidemment ! Puisqu’il n’est pas mort, déclara Lupin avec une belle assurance.

Et il ordonna :

– Du lait, tout de suite ! Du lait additionné d’eau de Vichy. Au galop ! Et je réponds de tout.

Vingt minutes plus tard, le vieux Steinweg ouvrit les yeux. Lupin, qui était agenouillé près de lui, murmura lentement, nettement, de façon à graver ses paroles dans le cerveau du malade :

– écoute, Steinweg, ne révèle à personne le secret de Pierre Leduc. Moi, Arsène Lupin, je te l’achète le prix que tu veux. Laisse-moi faire.

Le juge d’instruction prit Lupin par le bras et, gravement :

– Mme Formerie ?

– Mme Formerie est libre. Elle vous attend avec impatience.

– Comment cela ?

– Voyons, monsieur le juge d’instruction, je savais bien que vous consentiriez à la petite expédition que je vous proposais. Un refus de votre part n’était pas admissible…

– Pourquoi ?

– Mme Formerie est trop jolie.

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