Читать книгу LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан - Страница 82

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– Monsieur le juge d’instruction, c’est aujourd’hui que j’ai le regret de vous faire mes adieux.

– Comment, monsieur Lupin, vous auriez donc l’intention de nous quitter ?

– À contrecœur, monsieur le juge d’instruction, soyez-en sûr, car nos relations étaient d’une cordialité charmante. Mais il n’y a pas de plaisir sans fin. Ma cure à Santé-Palace est terminée. D’autres devoirs me réclament. Il faut que je m’évade cette nuit.

– Bonne chance donc, monsieur Lupin.

– Je vous remercie, monsieur le juge d’instruction.

Arsène Lupin attendit alors patiemment l’heure de son évasion, non sans se demander comment elle s’effectuerait, et par quels moyens la France et l’Allemagne, réunies pour cette œuvre méritoire, arriveraient à la réaliser sans trop de scandale.

Au milieu de l’après-midi, le gardien lui enjoignit de se rendre dans la cour d’entrée. Il y alla vivement et trouva le directeur qui le remit entre les mains de M. Weber, lequel M. Weber le fit monter dans une automobile où quelqu’un déjà avait pris place.

Tout de suite, Lupin eut un accès de fou rire.

– Comment ! C’est toi, mon pauvre Weber, c’est toi qui écopes de la corvée ! C’est toi qui seras responsable de mon évasion ? Avoue que tu n’as pas de veine ! Ah ! Mon pauvre vieux, quelle tuile ! Illustré par mon arrestation, te voilà immortel maintenant par mon évasion.

Il regarda l’autre personnage.

– Allons, bon, monsieur le Préfet de police, vous êtes aussi dans l’affaire ? Fichu cadeau qu’on vous a fait là, hein ? Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de rester dans la coulisse. À Weber tout l’honneur ! Ça lui revient de droit. Il est solide, le bougre !…

On filait vite, le long de la Seine et par Boulogne. À Saint-Cloud on traversa.

– Parfait, s’écria Lupin, nous allons à Garches ! On a besoin de moi pour reconstituer la mort d’Altenheim. Nous descendrons dans les souterrains, je disparaîtrai, et l’on dira que je me suis évanoui par une autre issue, connue de moi seul. Dieu ! Que c’est idiot !

Il semblait désolé.

– Idiot, du dernier idiot ! Je rougis de honte… Et voilà les gens qui nous gouvernent !… Quelle époque ! Mais malheureux, il fallait vous adresser à moi. Je vous aurais confectionné une petite évasion de choix, genre miracle. J’ai ça dans mes cartons ! Le public aurait hurlé au prodige et se serait trémoussé de contentement. Au lieu de cela… Enfin, il est vrai que vous avez été pris un peu de court… Mais tout de même…

Le programme était bien tel que Lupin l’avait prévu. On pénétra par la maison de retraite jusqu’au pavillon Hortense. Lupin et ses deux compagnons descendirent et traversèrent le souterrain. À l’extrémité, le sous-chef lui dit :

– Vous êtes libre.

– Et voilà ! dit Lupin, ce n’est pas plus malin que ça ! Tous mes remerciements, mon cher Weber, et mes excuses pour le dérangement. Monsieur le Préfet, mes hommages à votre dame.

Il remonta l’escalier qui conduisait à la villa des Glycines, souleva la trappe et sauta dans la pièce.

Une main s’abattit sur son épaule. En face de lui se trouvait son premier visiteur de la veille, celui qui accompagnait l’Empereur. Quatre hommes le flanquaient de droite et de gauche.

– Ah ! ça mais, dit Lupin, qu’est-ce que c’est que cette plaisanterie ?

Je ne suis donc pas libre ?

– Si, si, grogna l’Allemand de sa voix rude, vous êtes libre… libre de voyager avec nous cinq si ça vous va.

Lupin le contempla une seconde avec l’envie folle de lui apprendre la valeur d’un coup de poing sur le nez.

Mais les cinq hommes semblaient diablement résolus. Leur chef n’avait pas pour lui une tendresse exagérée, et il pensa que le gaillard serait trop heureux d’employer les moyens extrêmes. Et puis, après tout, que lui importait ?

Il ricana :

– Si ça me va ! Mais c’était mon rêve ! Dans la cour, une forte limousine attendait. Deux hommes montèrent en avant, deux autres à l’intérieur. Lupin et l’étranger s’installèrent sur la banquette du fond.

– En route, s’écria Lupin en allemand, en route pour Veldenz.

Le comte lui dit :

– Silence ! Ces gens-là ne doivent rien savoir. Parlez français. Ils ne comprennent pas. Mais pourquoi parler ?

– Au fait, se dit Lupin, pourquoi parler ?

Tout le soir et toute la nuit on roula, sans aucun incident. Deux fois on fit de l’essence dans de petites villes endormies.

À tour de rôle, les Allemands veillèrent leur prisonnier qui, lui, n’ouvrit les yeux qu’au petit matin.

On s’arrêta pour le premier repas, dans une auberge située sur une colline, près de laquelle il y avait un poteau indicateur. Lupin vit qu’on se trouvait à égale distance de Metz et de Luxembourg. Là on prit une route qui obliquait vers le nord-est du côté de Trêves.

Lupin dit à son compagnon de voyage :

– C’est bien au comte de Waldemar que j’ai l’honneur de parler, au confident de l’Empereur, à celui qui fouilla la maison d’Hermann III à Dresde ?

L’étranger demeura muet.

« Toi, mon petit, pensa Lupin, tu as une tête qui ne me revient pas. Je me la paierai un jour ou l’autre. Tu es laid, tu es gros, tu es massif ; bref, tu me déplais. »

Et il ajouta à haute voix :

– Monsieur le comte a tort de ne pas me répondre. Je parlais dans son intérêt : j’ai vu, au moment où nous remontions, une automobile qui débouchait derrière nous à l’horizon. Vous l’avez vue ?

– Non, pourquoi ?

– Pour rien.

– Cependant…

– Mais non, rien du tout, une simple remarque… D’ailleurs, nous avons dix minutes d’avance et notre voiture est pour le moins une quarante chevaux.

– Une soixante, fit l’Allemand, qui l’observa du coin de l’œil avec inquiétude.

– Oh ! Alors, nous sommes tranquilles.

On escalada une petite rampe. Tout en haut, le comte se pencha à la portière.

– Sacré nom ! jura-t-il.

– Quoi ? fit Lupin.

Le comte se retourna vers lui, et d’une voix menaçante :

– Gare à vous… S’il arrive quelque chose, tant pis.

– Eh ! Eh ! Il paraît que l’autre approche… Mais que craignez-vous, mon cher comte ? C’est sans doute un voyageur… peut-être même du secours qu’on vous envoie.

– Je n’ai pas besoin de secours, grogna l’Allemand.

Il se pencha de nouveau. L’auto n’était plus qu’à deux ou trois cents mètres. Il dit à ses hommes en leur désignant Lupin :

– Qu’on l’attache ! Et s’il résiste… Il tira son revolver.

– Pourquoi résisterais-je, doux Teuton ? ricana Lupin.

Et il ajouta tandis qu’on lui liait les mains :

– Il est vraiment curieux de voir comme les gens prennent des précautions quand c’est inutile, et n’en prennent pas quand il le faut. Que diable peut vous faire cette auto ? Des complices à moi ? Quelle idée !

Sans répondre, l’Allemand donnait des ordres au mécanicien :

– À droite ! Ralentis… Laisse-les passer… S’ils ralentissent aussi, halte !

Mais à son grand étonnement, l’auto semblait au contraire redoubler de vitesse. Comme une trombe elle passa devant la voiture, dans un nuage de poussière.

Debout, à l’arrière de la voiture qui était en partie découverte, on distingua la forme d’un homme vêtu de noir.

Il leva le bras.

Deux coups de feu retentirent.

Le comte, qui masquait toute la portière gauche, s’affaissa dans la voiture.

Avant même de s’occuper de lui, les deux compagnons sautèrent sur Lupin et achevèrent de le ligoter.

– Gourdes ! Butors ! cria Lupin qui tremblait de rage… Lâchez-moi au contraire ! Allons, bon, voilà qu’on arrête ! Mais triples idiots, courez donc dessus… Rattrapez-le !… C’est l’homme noir… l’assassin… Ah ! Les imbéciles…

On le bâillonna. Puis on s’occupa du comte. La blessure ne paraissait pas grave et l’on eût vite fait de la panser. Mais le malade, très surexcité, fut pris d’un accès de fièvre et se mit à délirer.

Il était huit heures du matin. On se trouvait en rase campagne, loin de tout village. Les hommes n’avaient aucune indication sur le but exact du voyage. Où aller ? Qui prévenir ?

On rangea l’auto le long d’un bois et l’on attendit.

Toute la journée s’écoula de la sorte. Ce n’est qu’au soir qu’un peloton de cavalerie arriva, envoyé de Trêves à la recherche de l’automobile. Deux heures plus tard, Lupin descendait de la limousine, et, toujours escorté de ses deux Allemands, montait, à la lueur d’une lanterne, les marches d’un escalier qui conduisait dans une petite chambre aux fenêtres barrées de fer.

Il y passa la nuit.

Le lendemain matin un officier le mena, à travers une cour encombrée de soldats, jusqu’au centre d’une longue série de bâtiments qui s’arrondissaient au pied d’un monticule où l’on apercevait des ruines monumentales.

On l’introduisit dans une vaste pièce sommairement meublée. Assis devant un bureau, son visiteur de l’avant-veille lisait des journaux et des rapports qu’il biffait à gros traits de crayon rouge.

– Qu’on nous laisse, dit-il à l’officier.

Et s’approchant de Lupin :

– Les papiers.

Le ton n’était plus le même. C’était maintenant le ton impérieux et sec du maître qui est chez lui, et qui s’adresse à un inférieur – et quel inférieur ! Un escroc, un aventurier de la pire espèce, devant lequel il avait été contraint de s’humilier !

– Les papiers, répéta-t-il.

Lupin ne se démonta pas. Il dit calmement :

– Ils sont dans le château de Veldenz.

– Nous sommes dans les communs du château de Veldenz.

– Les papiers sont dans ces ruines.

– Allons-y. Conduisez-moi.

Lupin ne bougea pas.

– Eh bien ?

– Eh bien ! Sire, ce n’est pas aussi simple que vous le croyez. Il faut un certain temps pour mettre en jeu les éléments nécessaires à l’ouverture de cette cachette.

– Combien d’heures vous faut-il ?

– Vingt-quatre.

Un geste de colère, vite réprimé.

– Ah ! Il n’avait pas été question de cela entre nous.

– Rien n’a été précisé, Sire… cela pas plus que le petit voyage que Sa Majesté m’a fait faire entre six gardes du corps. Je dois remettre les papiers, voilà tout.

– Et moi je ne dois vous donner la liberté que contre la remise de ces papiers.

– Question de confiance, Sire. Je me serais cru tout aussi engagé à rendre ces papiers si j’avais été libre, au sortir de prison, et Votre Majesté peut être sûre que je ne les aurais pas emportés sous mon bras. L’unique différence, c’est qu’ils seraient déjà en votre possession. Sire. Car nous avons perdu un jour. Et un jour, dans cette affaire… c’est un jour de trop… Seulement, voilà, il fallait avoir confiance.

L’Empereur regardait avec une certaine stupeur ce déclassé, ce bandit qui semblait vexé qu’on se méfiât de sa parole.

Sans répondre, il sonna.

– L’officier de service, ordonna-t-il.

Le comte de Waldemar apparut, très pâle.

– Ah ! C’est toi, Waldemar ? Tu es remis ?

– À vos ordres. Sire.

– Prends cinq hommes avec toi… les mêmes puisque tu es sûr d’eux. Tu ne quitteras pas ce… monsieur jusqu’à demain matin. Il regarda sa montre.

– Jusqu’à demain matin, dix heures… Non, je lui donne jusqu’à midi. Tu iras où il lui plaira d’aller, tu feras ce qu’il te dira de faire. Enfin, tu es à sa disposition. À midi, je te rejoindrai. Si, au dernier coup de midi, il ne m’a pas remis le paquet de lettres, tu le remonteras dans ton auto, et, sans perdre une seconde, tu le ramèneras droit à la prison de la Santé.

– S’il cherche à s’évader

– Arrange-toi.

Il sortit.

Lupin prit un cigare sur la table et se jeta dans un fauteuil.

– À la bonne heure ! J’aime mieux cette façon d’agir. C’est franc et catégorique.

Le comte avait fait entrer ses hommes. Il dit à Lupin :

– En marche !

Lupin alluma son cigare et ne bougea pas.

– Liez-lui les mains ! fit le comte.

Et lorsque l’ordre fut exécuté, il répéta :

– Allons… en marche !

– Non.

– Comment, non ?

– Je réfléchis.

– À quoi ?

– À l’endroit où peut se trouver cette cachette.

Le comte sursauta.

– Comment ! Vous ignorez ?

– Parbleu ! ricana Lupin, et c’est ce qu’il y a de plus joli dans l’aventure, je n’ai pas la plus petite idée sur cette fameuse cachette, ni les moyens de la découvrir. Hein, qu’en dites-vous, mon cher Waldemar ? Elle est drôle, celle-là… pas la plus petite idée…

LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur

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