Читать книгу LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан - Страница 77
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ОглавлениеÀ son grand étonnement, le cachot lui fut épargné. M. Borély, en personne, vint lui dire, quelques heures plus tard, qu’il jugeait cette punition inutile.
– Plus qu’inutile, monsieur le Directeur, dangereuse, répliqua Lupin… dangereuse, maladroite et séditieuse.
– Et en quoi ? fit M. Borély, que son pensionnaire inquiétait décidément de plus en plus.
– En ceci, monsieur le Directeur. Vous arrivez à l’instant de la Préfecture de police où vous avez raconté à qui de droit la révolte du détenu Lupin, et où vous avez exhibé le permis de visite accordé au sieur Stripani. Votre excuse était toute simple, puisque, quand le sieur Stripani vous avait présenté le permis, vous aviez eu la précaution de téléphoner à la Préfecture et de manifester votre surprise, et que, à la Préfecture, on vous avait répondu que l’autorisation était parfaitement valable.
– Ah ! Vous savez…
– Je le sais d’autant mieux que c’est un de mes agents qui vous a répondu à la Préfecture. Aussitôt, et sur votre demande, enquête immédiate de qui-de-droit, lequel qui-de-droit découvre que l’autorisation n’est autre chose qu’un faux, établi, on est en train de chercher par qui, et soyez tranquille, on ne découvrira rien…
M. Borély sourit, en manière de protestation.
– Alors, continua Lupin, on interroge mon ami Stripani qui ne fait aucune difficulté pour avouer son vrai nom, Steinweg ! Est-ce possible ! Mais en ce cas le détenu Lupin aurait réussi à introduire quelqu’un dans la prison de la Santé et à converser une heure avec lui ! Quel scandale ! Mieux vaut l’étouffer, n’est-ce pas ? On relâche M. Steinweg, et l’on envoie M. Borély comme ambassadeur auprès du détenu Lupin, avec tous pouvoirs pour acheter son silence. Est-ce vrai, monsieur le Directeur ?
– Absolument vrai ! dit M. Borély, qui prit le parti de plaisanter pour cacher son embarras. On croirait que vous avez le don de double vue. Et alors, vous acceptez nos conditions ?
Lupin éclata de rire.
– C’est-à-dire que je souscris à vos prières ! Oui, monsieur le Directeur, rassurez ces messieurs de la Préfecture. Je me tairai. Après tout, j’ai assez de victoires à mon actif pour vous accorder la faveur de mon silence. Je ne ferai aucune communication à la presse du moins sur ce sujet-là.
C’était se réserver la liberté d’en faire sur d’autres sujets. Toute l’activité de Lupin, en effet, allait converger vers ce double but : correspondre avec ses amis, et, par eux, mener une de ces campagnes de presse où il excellait.
Dès l’instant de son arrestation, d’ailleurs, il avait donné les instructions nécessaires aux deux Doudeville, et il estimait que les préparatifs étaient sur le point d’aboutir.
Tous les jours il s’astreignait consciencieusement à la confection des enveloppes dont on lui apportait chaque matin les matériaux en paquets numérotés, et qu’on remportait chaque soir, pliées et enduites de colle.
Or, la distribution des paquets numérotés s’opérant toujours de la même façon entre les détenus qui avaient choisi ce genre de travail, inévitablement, le paquet distribué à Lupin devait chaque jour porter le même numéro d’ordre.
À l’expérience, le calcul se trouva juste. Il ne restait plus qu’à suborner un des employés de l’entreprise particulière à laquelle étaient confiées la fourniture et l’expédition des enveloppes.
Ce fut facile.
Lupin, sûr de la réussite, attendait donc tranquillement que le signe, convenu entre ses amis et lui, apparût sur la feuille supérieure du paquet.
Le temps, d’ailleurs, s’écoulait rapide. Vers midi, il recevait la visite quotidienne de M. Formerie, et, en présence de Me Quimbel, son avocat, témoin taciturne, Lupin subissait un interrogatoire serré.
C’était sa joie. Ayant fini par convaincre M. Formerie de sa non-participation à l’assassinat du baron Altenheim, il avait avoué au juge d’instruction des forfaits absolument imaginaires, et les enquêtes aussitôt ordonnées par M. Formerie aboutissaient à des résultats ahurissants, à des méprises scandaleuses, où le public reconnaissait la façon personnelle du grand maître en ironie qu’était Lupin.
Petits jeux innocents, comme il disait. Ne fallait-il pas s’amuser ?
Mais l’heure des occupations plus graves approchait. Le cinquième jour, Arsène Lupin nota sur le paquet qu’on lui apporta le signe convenu, une marque d’ongle, en travers de la seconde feuille.
– Enfin, dit-il, nous y sommes.
Il sortit d’une cachette une fiole minuscule, la déboucha, humecta l’extrémité de son index avec le liquide qu’elle contenait, et passa son doigt sur la troisième feuille du paquet.
Au bout d’un moment, des jambages se dessinèrent, puis des lettres, puis des mots et des phrases.
Il lut :
Tout va bien. Steinweg libre. Se cache en province. Geneviève Ernemont en bonne santé. Elle va souvent hôtel Bristol voir Mme Kesselbach malade. Elle y rencontre chaque fois Pierre Leduc. Répondez par même moyen. Aucun danger.
Ainsi donc, les communications avec l’extérieur étaient établies. Une fois de plus les efforts de Lupin étaient couronnés de succès. Il n’avait plus maintenant qu’à exécuter son plan, à mettre en valeur les confidences du vieux Steinweg, et à conquérir sa liberté par une des plus extraordinaires et géniales combinaisons qui eussent germé dans son cerveau.
Et trois jours plus tard, paraissaient dans le Grand Journal, ces quelques lignes :
« En dehors des mémoires de Bismarck, qui, d’après les gens bien informés, ne contiennent que l’histoire officielle des événements auxquels fut mêlé le grand Chancelier, il existe une série de lettres confidentielles d’un intérêt considérable. Ces lettres ont été retrouvées. Nous savons de bonne source qu’elles vont être publiées incessamment. »
On se rappelle le bruit que souleva dans le monde entier cette note énigmatique, les commentaires auxquels on se livra, les suppositions émises, en particulier les polémiques de la presse allemande. Qui avait inspiré ces lignes ? De quelles lettres était-il question ? Quelles personnes les avaient écrites au Chancelier, ou qui les avait reçues de lui ? était-ce une vengeance posthume ? Ou bien une indiscrétion commise par un correspondant de Bismarck ?
Une seconde note fixa l’opinion sur certains points, mais en la surexcitant d’étrange manière.
Elle était ainsi conçue :
« Santé-Palace, cellule 14,2e division.
« Monsieur le Directeur du Grand Journal.
« Vous avez inséré dans votre numéro de mardi dernier un entrefilet rédigé d’après quelques mots qui m’ont échappé l’autre soir, au cours d’une conférence que j’ai faite à la Santé sur la politique étrangère. Cet entrefilet, véridique en ses parties essentielles, nécessite cependant une petite rectification. Les lettres existent bien, et nul ne peut en contester l’importance exceptionnelle, puisque, depuis dix ans, elles sont l’objet de recherches ininterrompues de la part du gouvernement intéressé. Mais personne ne sait où elles sont et personne ne connaît un seul mot de ce qu’elles contiennent
« Le public, j’en suis sûr, ne m’en voudra pas de le faire attendre, avant de satisfaire sa légitime curiosité. Outre que je n’ai pas en mains tous les éléments nécessaires à la recherche de la vérité, mes occupations actuelles ne me permettent point de consacrer à cette affaire le temps que je voudrais.
« Tout ce que je puis dire pour le moment, c’est que ces lettes furent confiées par le mourant à l’un de ses amis les plus fidèles, et que cet ami eut à subir, par la suite, les lourdes conséquences de son dévouement. Espionnage, perquisitions domiciliaires, rien ne lui fut épargné.
« J’ai donné l’ordre aux deux meilleurs agents de ma police secrète de reprendre cette piste à son début, et je ne doute pas que, avant deux jours, je ne sois en mesure de percer à jour ce passionnant mystère.
« Signé : Arsène LUPIN. »
Ainsi donc, c’était Arsène Lupin qui menait l’affaire ! C’était lui qui, du fond de sa prison, mettait en scène la comédie ou la tragédie annoncée dans la première note. Quelle aventure ! On se réjouit. Avec un artiste comme lui, le spectacle ne pouvait manquer de pittoresque et d’imprévu.
Trois jours plus tard on lisait dans le Grand Journal :
« Le nom de l’ami dévoué auquel j’ai fait allusion m’a été livré. Il s’agit du grand-duc Hermann III, prince régnant (quoique dépossédé) du grand-duché de Deux-Ponts-Veldenz, et confident de Bismarck, dont il avait toute l’amitié.
« Une perquisition fut faite à son domicile par le comte de W. accompagné de douze hommes. Le résultat de cette perquisition fut négatif, mais la preuve n’en fut pas moins établie que le grand-duc était en possession des papiers.
« Où les avait-il cachés ? C’est une question que nul au monde, probablement, ne saurait résoudre à l’heure actuelle.
« Je demande vingt-quatre heures pour la résoudre.
« Signé : Arsène LUPIN. »
De fait, vingt-quatre heures après, la note promise parut :
« Les fameuses lettres sont cachées dans le château féodal de Veldenz, chef-lieu du grand-duché de Deux-Ponts, château en partie dévasté au cours du XIXe siècle.
« À quel endroit exact ? Et que sont au juste ces lettres ? Tels sont les deux problèmes que je m’occupe à déchiffrer et dont j’exposerai la solution dans quatre jours.
« Signé : Arsène LUPIN. »
Au jour annoncé on s’arracha le Grand Journal. À la déception de tous, les renseignements promis ne s’y trouvaient pas. Le lendemain même silence, et le surlendemain également.
Qu’était-il donc advenu ?
On le sut par une indiscrétion commise à la Préfecture de police. Le directeur de la Santé avait été averti, paraît-il, que Lupin communiquait avec ses complices grâce aux paquets d’enveloppes qu’il confectionnait. On n’avait rien pu découvrir, mais, à tout hasard, on avait interdit tout travail à l’insupportable détenu.
Ce à quoi l’insupportable détenu avait répliqué :
– Puisque je n’ai plus rien à faire, je vais m’occuper de mon procès. Qu’on prévienne mon avocat, le bâtonnier Quimbel.
C’était vrai. Lupin, qui, jusqu’ici, avait refusé toute conversation avec M. Quimbel, consentait à le recevoir et à préparer sa défense.