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De l’Indépendance Nationale.

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SI nous remontons à la source de l’indépendance nationale, que madame de Staël croit aussi compromise par la jouissance des biens communs de la vie, nous trouverons qu’elle découle du principe conservateur des droits sociaux.

Pourquoi ces armées soldées, ces places fortifiées, ces arsenaux où se fabriquent les instrumens de la guerre et de la mort, ces magasins fournis de vivres et de munitions, ces ambassadeurs entretenus à grands frais auprès des puissances étrangères, cette diplomatie surveillante et quelquefois ombrageuse, cette valeur de nos soldats brûlans de se signaler? Est-ce pour faire la loi à nos voisins? Non, répondra un diplomate-philosophe, c’est pour ne pas la recevoir d’eux? Est-ce pour faire des conquêtes? Non, c’est pour n’être pas conquis nous-mêmes? Est-ce pour porter le ravage, l’incendie, tous les fléaux destructeurs? Non, c’est pour en préserver notre patrie: parlons plus clairement; si nous sommes armés, c’est pour conserver nos dieux Pénates, les champs de nos pères, la maison qui nous a vus naître, nos femmes, nos enfans, les lois et les institutions qui nous protègent, tout ce qui nous est cher, tout ce que nous possédons. Les anciens ne prenaient-ils pas pour devise dans leurs guerres; pro aris et focis?

Laisserez-vous sans défense les objets les plus chers de vos affections? Les livrerez-vous lâchement à l’insolence, à la férocité de vos ennemis? dit un général à ses soldats, pour ranimer leur courage.

Ne craignez rien, dit un conquérant au peuple qu’il veut soumettre et tromper; ne craignez rien, je ferai respecter vos personnes et vos propriétés, je soulagerai vos misères, je diminuerai vos impôts, je conserverai vos lois, ou vous en donnerai de meilleures.

C’est ainsi que la liberté des peuples est souvent proclamée au moment qu’elle est menacée d’être violée, et par ceux mêmes qui ne reconnaissent pour droit que la force. L’hypocrisie des conquérans est un hommage forcé rendu au principe conservateur.

Il peut arriver néanmoins qu’une nation soit tellement opprimée par son Gouvernement, que la conquête qu’elle subit lui soit avantageuse. Alors, on peut dire qu’elle trouve sa liberté dans sa défaite, et qu’elle est tout-à-la-fois libre et vaincue. Montesquieu n’a-t-il pas fait un chapitre exprès, des avantages des peuples conquis ?

L’indépendance nationale n’est donc pas la liberté ; elle la soutient, elle la défend contre les entreprises extérieures, comme la justice publique la maintient parmi les citoyens.

On dit communément que la guerre a pour objet la défense de l’Etat, la dignité ou le maintien de son Gouvernement. Cela est vrai; mais l’Etat est un composé de citoyens, et le Gouvernement, le bouclier qui pare ou reçoit les coups qui leur sont portés. C’est donc toujours aux membres de la cité que viennent aboutir, en dernière analyse, tous les biens de la paix et tous les maux de la guerre.

Ce qui déroute dans la marche des idées, ce qui dérobe à nos yeux le dernier anneau de la longue chaîne qui lie tous les rapports du monde social, ce sont les termes généraux et abstraits qu’on est obligé d’employer pour exprimer les résultats et les objets complexes: telles sont les expressions de patrie, d’état, de cité, de bien général, d’intérêt général, d’ordre public, de paix publique, et tant d’autres. Mais toutes ces généralités ne sont composées que d’individualités réunies; le genre humain n’est que le grand ensemble des individus; ce n’est qu’en formant des aggrégations qu’ils ont pris des termes génériques. Mais les termes ne changent pas la nature des choses, et il n’est pas moins vrai que les effets, bons ou mauvais, produits par la civilisation, arrivent tôt ou tard, médiatement ou immédiatement, aux individus qu’on a appelés citoyens.

Quelle lumière ne jettent donc pas sur tous les points législatifs, sur tous les problèmes politiques, la définition que j’ai donnée de la liberté, et les caractères qui ne permettent plus de la méconnaître? Le principe conservateur est la pierre de touche qui fait reconnaître ce qu’il y a de bon et de mauvais dans les lois, les doctrines et les institutions; c’est le creuset où se décomposent les matières politiques, et où l’alliage se sépare de l’or pur. Passons à d’autres exemples.

De la liberté considérée dans ses rapports avec les institutions judiciaires

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