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De la Liberté de la presse.

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S’AGIT-IL de la liberté de la presse? le seul point à examiner, c’est de savoir si elle est plus propre à garantir la réputation des citoyens qu’à la compromettre, à contenir les mauvais magistrats qu’à décourager les bons, à maintenir la tranquillité publique qu’à la troubler, à fortifier le gouvernement qu’à l’affaiblir, à éclairer l’opinion publique qu’à l’égarer. Sans doute la pensée est libre, et quel est le tyran qui a jamais pu l’asservir? Mais la manifestation qui en est faite, si elle tend à jeter le désordre dans la société , ne peut-elle être soumise à toutes les restrictions que les législateurs croiront convenables? Y aurait-il de la prudence à souffrir qu’un orateur populacier, à voix de Stentor, haranguât quotidiennement sur la place publique la multitude assemblée? Les journalistes ne prêchent-ils pas chaque jour à trente, à quarante mille lecteurs?

Mais que craignez-vous, nous dit-on sans cesse? Si la presse est libre, la discussion publique ne fera qu’éclaircir les sujets controversés, les fausses idées seront repoussées par les bons principes, la calomnie par la justification, l’esprit de sédition par l’amour du repos. Dans ce conflit d’opinions et de personnalités, la vérité finira par l’emporter sur l’erreur, parce que la vérité a toujours un ascendant qui assure encore mieux la victoire.

Imprudens! ne savez-vous pas qu’il n’en est pas de l’art de gouverner comme des sciences exactes, comme de l’histoire, de la littérature? Ne savez-vous pas que, dans la lutté de plume, la partie n’est pas égale entre le gouvernement et le corps des pamphlétaires; qu’il est plus facile d’exciter les passions de la multitude que de les calmer, de faire crier à l’énormité des impôts que d’en faire sentir la nécessité, de rendre l’autorité odieuse que de la faire aimer, d’épouvanter les esprits par la crainte du despotisme que de les retenir par celle de l’anarchie, et que vous aurez plutôt fait goûter au peuple l’égalité extrême, que les supériorités indispensables à l’ordre public? Ne savez-vous pas que les vérités politiques ne sont pas à la portée de l’intelligence ordinaire? Si vous dites qu’un roi n’est qu’un homme, on croira vous comprendre; mais qui percera dans les secrets mystères de la royauté ? qui saura expliquer ce dogme-incompréhensible au commun des hommes, en faire l’objet de la vénération publique, et rendre sensibles les élémens déliés et inaperçus de cette seconde Providence ?

Il faut donc, pour rétablir l’équilibre dans ce combat des illusions contre les froides et imperceptibles vérités, que le gouvernement soit investi d’un pouvoir préventif, si la force répressive ne suffit pas; c’est ce dont le lecteur sera à même de mieux juger quand il aura lu mes derniers chapitres .

De la liberté considérée dans ses rapports avec les institutions judiciaires

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