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Du principe absolu.

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UN grand avantage de mon système, c’est qu’à la différence de tous les autres, il ne peut devenir dangereux, fût-il poussé jusqu’à ses dernières conséquences. On a dit qu’il n’y a pas de principe absolu, parce que, de tous ceux dont on nous a entretenus jusqu’à présent, il n’en est aucun dont on ne puisse abuser, qui n’ait besoin d’être modifié par son contraire, et dont il ne faille arrêter la marche, pour qu’il n’aille pas trop loin; retenue difficile, à cause de la rapidité que l’esprit de système donne à ses inventions, et du goût du public pour tout ce qui est exagéré.

Qu’on laisse faire aux abstractions, aux fausses doctrines, à celles mêmes qui sont reconnues pour bonnes, vous verrez que l’égalité des droits nous conduira à la loi agraire, la souveraineté du peuple à la dissolution des sociétés, le système représentatif au vote universel, l’indépendance nationale à la fureur des conquêtes et à la suprématie militaire, l’admissibilité à tous les emplois, à leur envahissement par les êtres les plus vils, la liberté de la presse à la diffamation des personnes et des objets les plus sacrés, l’indifférence pour les cultes à l’athéisme et à l’immoralité publique: que dirai - je? l’esprit religieux même, ce sentiment si noble et si sublime, sans lequel il est douteux qu’une société puisse subsister, l’esprit religieux ne peut-il pas, en s’exaltant, dégénérer en superstition et en fanatisme? le principe républicain et le principe monarchique, bons en eux-mêmes, suivant les localités, n’ont-ils pas une tendance naturelle, l’un à l’anarchie, et l’autre au despotisme ?

«Bonnes mœurs, s’écrie Bentham, égalité,

» berté..... puissance, commerce, religion

» même, objets respectables qui doivent entrer

» dans les vues du législateur, mais qui

» l’égarent trop souvent, parce qu’il les

» considère comme but et non pas comme

» moyen; il les substitue au lieu de les

» subordonner.»

C’est la difficulté de garder un juste milieu entre tant d’écueils, et de se préserver d’un excès pour tomber dans un contraire, qui a jeté tant de divergence dans les systèmes, tant d’inconstance dans l’opinion, tant d’incertitude dans la marche des gouvernemens, tant d’inquiétude dans les esprits. Les gouvernans, avec de bonnes intentions et du talent, ne savent plus comment tenir les rênes; ils essaient de tout, parce qu’on n’est content de rien: après avoir admis un principe, ils croient devoir en éluder les conséquences: pour réprimer un parti, ils ne trouvent pas d’autre moyen que de lui en opposer un autre: à une règle générale, il faut chercher des exceptions; on marche de provisoire en provisoire, de contradiction en contradiction; les plus belles promesses sont démenties par les effets: on ne voit que ténèbres au milieu de tant de flambeaux allumés, et au lieu de remonter à la source du mal, on ne sait qu’en déplorer, qu’en agraver les effets par de nouvelles aberrations.

Mais qu’on exagère tant qu’on voudra le principe conservateur fondé sur le respect des personnes et des propriétés, qu’on l’abandonne à sa propre impulsion, qu’on écarte tout ce qui pourrait en ralentir la marche, il pourra trouver des obstacles, mais jamais des dangers; il pourra arriver à des barrières, mais non à des précipices; et ses antagonistes diront qu’il est impraticable, plutôt que de soutenir qu’il est dangereux. Quel excès, en effet, pourrait-on trouver dans ce dogme conservateur, poussé jusqu’à la superstition? dogme éternel, immuable, inné dans le cœur humain, émané de la Divinité même; le seul qui n’admette point d’exception; le seul qui soit de tous les pays, de tous les climats, de tous les gouvernemens, de toutes les religions; le seul qui puisse servir de type aux institutions sociales; le seul, en un mot, qui donne la liberté.

Les autres théories, brillantes dans le lointain, plaisent à l’esprit, flattent les passions; mais de près et en les pressant, elles exhalent une odeur fétide, et répandent un poison mortel; au lieu que la nôtre, simple et modeste, ne fait de promesses qu’autant qu’elle peut les tenir, donne des réalités au lieu de vaines espérances, et, en dissipant toutes les illusions, elle montre à l’homme social le bonheur dont il est susceptible, et au législateur, les moyens qui seuls peuvent l’opérer.

De la liberté considérée dans ses rapports avec les institutions judiciaires

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