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Convictions juridiques populaires.

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10. Comment les principes juridiques sont allés se développant dans la conscience des peuples. — 11. Comment les États ont été naturellement disposés à les observer. — 12. Les gouvernements ont reconnu leur autorité. — 13. Influence de l’opinion publique sur la conduite des gouvernements. — 14. Les visées politiques de ceux-ci retardent la reconnaissance et l’adoption des principes exacts. — 15. Comment le présent état des choses peut être changé. — 16. Importance des résultats obtenus malgré tous les obstacles rencontrés. — 17. Substitution de la doctrine de l’autonomie particulière des peuples à l’ancienne théorie du pouvoir absolu des princes. — 18. Conséquences importantes de ces nouveaux principes. — 19. L’esclavage devant la conscience publique. — 20. Les droits de la personne humaine. — 21. Le droit de guerre. Idées juridiques reçues. — 22. Importance des idées juridiques populaires.

10. Les règles juridiques de tout rapport humain trouvent leur fondement immédiat dans la raison et la conscience populaires. Je n’entends pas dire par là que les individus isolés dont l’ensemble forme le peuple peuvent à leur volonté les créer de toutes pièces. Je reconnais, au contraire, que tout principe de droit est une règle de mesure et d’équilibre nécessaire, fondée sur la nature des choses et sur les nécessités sociales, résultat du passé historique et des évolutions morales des nations.

Comme tel, il s’épanouit peu à peu dans la conscience populaire éclairée par la raison. Ne procédant en rien du hasard ou du caprice, révélé naturellement et nécessairement à l’intelligence des peuples, il doit suivre le mouvement incessant du progrès et de l’histoire. Si la civilisation et la science font sentir leur influence sur la formation et le développement du droit dans chaque nation considérée isolément, elles n’ont pas moins d’action pour l’établissement d’un droit commun entre les différents États. Il est tout naturellement arrivé que la similitude de civilisation et de culture intellectuelle chez des peuples divers a fait naître chez chacun d’eux des idées et des sentiments semblables à ceux des autres sur les règles juridiques applicables à leurs rapports réciproques et sur les conditions nécessaires pour le maintien de leur coexistence, pour le développement méthodique de leurs forces et pour l’obtention des plus grands avantages réciproques. Ces règles n’ont pas été le résultat du hasard ou du caprice. Elles ont leur source dans la reconnaissance générale et uniforme par les nations de certaines nécessités morales qui leur ont apparu comme indispensables au maintien de cette grande société qu’a créée entre elles la communauté des intérêts, des rapports et des besoins économiques ou intellectuels.

11. Tout en n’admettant aucune autorité supérieure commune, malgré leur complète indépendance et autonomie dans l’accomplissement de leur fin et le choix des moyens pour y arriver, les États ont cependant été tout naturellement portés à observer peu à peu dans leurs relations réciproques les principes de la justice naturelle, conditions nécessaires pour leur maintien dans la grande société que l’on appelle l’humanité.

Ces principes n’ont, à vrai dire, eu jusqu’alors aucune sanction humaine analogue à celle attachée aux lois promulguées par un souverain pour assurer l’existence et la conservation de l’État ou le respect des droits des personnes qui le composent. Une sanction naturelle ne leur a toutefois pas manqué : c’est ce sentiment supérieur et intime éprouvé par chacun, sentiment qui trouve sa plus haute expression dans la conscience populaire et dans l’opinion publique, et qui fait réprouver et blâmer tous ceux qui transgressent les préceptes de la justice naturelle, qu’ils soient individus ou gouvernements.

Ce sentiment intime auquel nous faisons allusion est un reflet de la raison et de la conscience universelle. Il va se développant au fur et à mesure que celle-ci s’éclaire et que celle-là s’épanouit sous l’influence de la civilisation et de la science.

12. C’est un fait constant que les gouvernements reconnaissent certaines règles juridiques comme devant présider à leurs relations. Ces règles n’ont pas été proclamées par une autorité supérieure ayant le pouvoir d’en imposer à tous le respect et l’observation, et cependant elles ont force impérative vis-à-vis de tout État qui veut agir selon le droit et la justice.

Nous lisons dans une note adressée par le gouvernement de la Grande-Bretagne à la Russie en 1780: «Sa Majesté a

«agi vis-à-vis des puissances amies de la même façon qu’elles

«procèdent vis-à-vis de la Grande-Bretagne et conformément

«aux principes les plus incontestablement reconnus comme

«formant le droit des nations, seul droit applicable entre puissances

« qui ne sont pas liées par des traités.»

Fort remarquable également à ce point de vue est la note-circulaire qui suit, adressée pas le gouvernement russe aux puissances alliées pour attirer leur attention sur les atrocités commises par les Turcs en Serbie et exposer la nécessité de mettre un terme à tant d’iniquités: «Il existe en Europe un

«Code du droit des gens qui a force de loi en temps de paix

«comme en temps de guerre. Ce palladium de l’ordre politique

«est sans contredit le fruit le plus précieux de l’état de

«civilisation. En vertu de ce droit universellement adopté,

«l’individu pris les armes à la main ne devient pas pour toute

«sa vie la propriété de son vainqueur; les droits de conquête

«sont mitigés; les nations se respectent l’une l’autre; toute

«cruauté gratuite et arbitraire est bannie des rapports entre

«les peuples.

«C’est en vertu de ce Code auguste qu’une parité de droits

«est reconnue à toutes les races d’hommes. C’est en se fondant

«sur ce qu’il statue pour le bien de l’espèce humaine que la

«cause des nègres a été portée au tribunal des souverains;

«c’est en invoquant les mêmes principes que les chefs de la

«famille européenne ont le droit d’exiger de la Porte la ces-

« sation de tant d’atrocités.»

15. Une autre considération non moins importante à laquelle je dois m’arrêter, est celle tirée de l’influence de l’opinion publique. Non seulement l’opinion publique va se formant, comme il a été dit précédemment, et reflétant les principes et les lois de conduite des États tels que les conçoit la conscience universelle, mais elle a aussi une influence mystérieuse sur la conduite des gouvernements. Sans avoir à sa disposition une force organisée, sans moyens d’action légaux, elle exerce un pouvoir invisible et pourtant reconnu de tous. Le prouver est facile. Un gouvernement a-t-il violé les préceptes de la justice naturelle, et l’opinion publique lui a-t-elle infligé un blâme, a-t-elle stigmatisé ses actes? vous voyez immédiatement le gouvernement, auteur de l’offense, chercher à se défendre, nier les faits ou tout au moins les excuser.

N’est-ce pas là la preuve la plus manifeste que les principes de justice naturelle révélés à la conscience universelle des peuples civilisés ont une autorité effective lorsqu’il s’agit de la conduite des États et de leurs rapports réciproques? Cet hommage rendu à l’autorité supérieure de l’opinion publique n’est-il pas la confession la plus éclatante de l’importance et de l’efficacité de ces idées juridiques qui se retrouvent dans la conscience universelle des peuples et dont cette opinion n’est qu’un reflet?

14. Ce qui aujourd’hui encore empêche l’opinion publique d’exercer toute son influence bienfaisante sur les rapports internationaux, c’est l’antagonisme qui existe entre l’intérêt politique, tel que l’entendent les gouvernements, et les intérêts des peuples. En séparant la politique de la justice, en donnant pour but principal à l’art de gouverner la satisfaction des besoins actuels et passagers du pays, on fait faire fausse route aux gouvernements et l’on égare l’opinion publique sur laquelle on cherche à influer pas tous moyens. Un jour viendra où, sans détourner l’art politique de son but, savoir, la réalisation et l’accroissement de la prospérité de chaque société, les gouvernements comprendront que, pour donner plus de stabilité et de garantie au bien-être des peuples, il convient de concilier les divers intérêts nationaux avec l’intérêt international, en mettant au-dessus des intérêts égoïstes et passagers de chaque pays les intérêts permanents de l’humanité. Alors la politique tendra principalement à vaincre les résistances et les obstacles nés des circonstances et des événements, facilitant ainsi les voies à l’humanité, et resserrant toujours davantage les liens de solidarité qui doivent unir entre eux les différents États. Son objet essentiel sera de conduire chaque société à la prospérité sans sortir des limites imposées par le respect dû au droit d’autrui, sans fouler aux pieds les principes de la justice naturelle et de la morale publique. Ainsi la politique interne et externe des États civilisés parvenus à un même degré de culture aura pour règle suprême: respecter autrui, se faire respecter de lui, accroître sans cesse la prospérité du pays, sans provoquer pour y arriver la ruine des autres.

15. Pour réaliser une pareille révolution il faudra non seulement que l’opinion publique soit éclairée, que les idées juridiques dégagées en pleine lumière se soient généralisées, mais surtout que cette même opinion ait un champ d’action plus vaste et une plus grande liberté pour se manifester.

Il est avant tout désirable que la bourgeoisie industrielle, les agriculteurs et les autres classes sociales dont le commerce et la division internationale du travail font la prospérité, aient une action et une influence plus considérables dans l’administration de la République. Ces classes forceront alors les représentants de la nation à mettre les intérêts de l’humanité au-dessus de ces intérêts factices et trompeurs, résultats de la politique étroite des gouvernements. Alors les conducteurs des peuples comprendront que la prospérité doit être le résultat d’une politique honnête et large, que le mauvais usage de la liberté et du pouvoir constitue un danger pour les autres et pour nous-mêmes.

16. Mais ne devançons pas l’humanité, ne jetons pas les regards sur un avenir si lointain. L’état international que nous rêvons ne pourra certes être facilement établi. L’antagonisme des intérêts contingents et passagers des gouvernements et des principes immuables du droit individuel et international continuera à retarder le développement des idées juridiques dans la conscience universelle et les empêchera, par suite, de se refléter clairement dans l’opinion publique. Malgré cela et malgré les mille obstacles qui, sous des formes toujours nouvelles, s’opposent et s’opposeront toujours à ce que les principes juridiques de conduite des États civilisés entre eux soient tous mis en lumière, réduits en articles de loi définitifs et respectés, puis rendus uniformément familiers à la conscience des peuples, il faut bien reconnaître que sur certains points les convictions juridiques sont déjà faites, qu’elles ont aujourd’hui une véritable force impérative, et que sur d’autres la science contemporaine tend à les dégager et à les former. Pour s’en convaincre il suffit de jeter un coup d’œil sur l’histoire. Nous la verrons enregistrer successivement l’établissement des grands principes qui sont un hommage rendu au droit des peuples et de l’humanité.

17. Au siècle passé, et jusqu’au début du siècle présent, on considérait un royaume comme le patrimoine du prince, et ses habitants comme un accessoire du territoire qui lui appartenait et dont il pouvait à son gré disposer. C’est encore cette idée qui prévaut dans cette assemblée de dictateurs formée par les puissances coalisées contre Bonaparte, réunie d’abord à Paris, puis à Vienne en 1815, et qui s’était donné pour objet de tracer définitivement la carte de l’Europe et de rendre aux princes leurs possessions territoriales telles qu’elles étaient avant la Révolution française.

Qu’on lise les actes du congrès de Vienne de 1815, qu’on examine attentivement les principes qui forment la base du traité auquel il aboutit, et l’on reconnaîtra facilement que les potentats réunis à Vienne ont élevé à la hauteur d’une règle internationale le droit absolu, pour les souverains régnants, de diviser et de céder États ou provinces en vertu d’accords ou pactes consentis entre eux au mieux de leurs propres intérêts, sans consulter les habitants et sans oroire nécessaire une adhésion de leur part.

Ainsi fut-il établi que le pouvoir des rois était absolu; que l’intérêt des peuples se confondait avec celui des princes; que les partages de territoires pouvaient se justifier par la nécessité du maintien de l’équilibre politique; que les souverains avaient le droit d’intervenir et d’employer la force pour empêcher toute rupture de l’équilibre établi par eux et toute atteinte aux possessions territoriales qu’ils s’étaient réciproquement garanties.

Aujourd’hui, au contraire, il est généralement admis que chaque peuple est autonome, et qu’il peut, avec la plus entière liberté, déterminer, changer, modifier sa propre constitution politique; que cette faculté souveraine ne peut rencontrer de limites dans l’intérêt du prince; que les gouvernements étrangers n’ont jamais le droit d’intervenir et de s’entremettre de force dans les affaires intérieures d’un autre pays. Ainsi, sans être consignés dans aucun code, sans avoir été promulgués par aucune autorité supérieure légitimement établie, ces principes sont généralement acceptés comme constituant la règle juridique des rapports internationaux et entourés d’un respect jaloux par tous les États civilisés de l’Europe et de l’Amérique. Chacun d’eux peut ainsi, avec la plus complète indépendance, s’occuper de sa propre organisation politique sous l’égide du principe de la non-intervention des gouvernements étrangers, principe que ceux-ci durent accepter sous la pression de l’opinion publique et qu’aucun d’eux n’oserait violer.

18. Nombre de faits politiques d’une indéniable importance, accomplis en Europe et en Amérique, sont un véritable hommage rendu à ces idées. Qu’il me suffise de rappeler que, grâce à elles, l’Italie a pu se constituer en État indépendant et, faisant droit aux vœux des Romains, établir sa capitale à Rome. Tous les autres États ont compris qu’ils n’avaient pas à intervenir dans les questions d’organisation politique du royaume d’Italie, qu’ils n’étaient nullement autorisés à soutenir les intérêts temporels de la papauté, alors que la plus complète liberté dans l’exercice de sa puissance religieuse lui avait été laissée et garantie.

Sous l’égide du même principe de non-intervention s’est réalisée la constitution de l’Empire germanique, et ont été reconnues les graves modifications politiques survenues en France, en Espagne et en Amérique. La règle qui prohibe toute immixtion armée dans les affaires intérieures d’un pays étranger est aujourd’hui une vérité acceptée par la conscience des peuples civilisés, et, comme telle, possède une autorité en vertu de laquelle elle s’impose à leurs gouvernements.

Les souverains ont eux-mêmes, dans la suite, compris la nécessité de proclamer et de confirmer par leur adhésion le principe de non-intervention devant la représentation nationale. Je me bornerai à rappeler que le roi de Prusse qui, en 1815, avait signé le traité de la Sainte-Alliance consacrant au. profit des princes le droit d’intervenir et de se prêter un mutuel secours pour le maintien de l’ordre politique établi par eux, s’exprimait ainsi, le 4 février 1860, en ouvrant la session du Parlement.

«Une conviction fait des progrès triomphants parmi les

«gouvernements aussi bien que parmi les peuples: c’est

«que toute communauté politique a le droit et le devoir de

«pourvoir chez elle, d’une manière indépendante, à ce

«qu’exigent la prospérité, la liberté, la justice, et que la

«force militaire de chaque pays n’est destinée qu’à protéger

«sa propre indépendance, et non à empiéter sur celle des

«autres nations .»

19. On peut enregistrer l’admission de bien d’autres vérités juridiques et leur diffusion progressive dans la conscience des peuples civilisés chez lesquels elles ont été élevées à la hauteur de véritables lois internationales. Ainsi est-il advenu du principe qui condamne l’esclavage comme contraire à la loi naturelle et aux droits de l’humanité. C’est à notre époque un sentiment unanime chez toutes les nations civilisées que l’on ne saurait admettre la possession d’un homme par un autre.

Pour y satisfaire, non seulement l’esclavage a été aboli par la législation interne de la plupart des pays où il était légalement reconnu, mais tous les Codes criminels des États civilisés ont frappé de peines sévères ceux qui feraient la traite dans les régions où elle est encore tolérée. Pour rendre en pratique la prohibition plus efficace et la punition plus assurée, les gouvernements combinent leurs efforts et prennent les mesures les plus propres à empêcher la continuation d’un pareil commerce. Ainsi est né un nouveau principe de droit international assurant protection à la liberté native de l’homme et respect à sa personnalité.

Est-il assez considérable le chemin parcouru en ce point par l’humanité ! En d’autres temps, la liberté du commerce des nègres était reconnue dans des traités solennels, et les gouvernements des nations chrétiennes n’étaient en désaccord que sur la question de savoir qui d’entre eux en aurait le monopole. Dans le traité d’Utrecht, signé en 1713, un des avantages que l’Angleterre cherche avec un soin jaloux à procurer à ses nationaux, est consigné dans une clause qui leur garantit pour trente années le monopole du commerce des nègres dans les colonies américaines .

Grotius n’en est pas encore à considérer l’esclavage comme contraire au droit naturel; il se borne à condamner les injustices et les abus commis envers les esclaves. Aujourd’hui, c’est une règle communément reçue en droit international que l’esclavage est illicite et que la traite est un attentat aux droits de l’humanité.

20. Relativement aux droits de la personne humaine, bien des notions juridiques se sont fait jour dans la conscience des peuples et ont acquis à leurs yeux autorité et force de loi.

Cela est vrai de nombre de facultés qu’on reconnaît aujourd’hui constituer chez l’homme des attributs essentiels de sa personnalité et par suite de véritables droits naturels.

Au début de notre siècle, à la suite de la grande révolution faite pour l’émancipation de la personnalité humaine, les droits naturels de l’homme furent déclarés intangibles pour le législateur interne. De nos jours on admet que le champ ouvert à l’activité humaine n’est pas limité au territoire national, mais comprend le monde tout entier. Par suite, on dut en venir peu à peu à reconnaître que les droits de cette personnalité (autrement dit les Droits de l’homme) sont inviolables non seulement pour le législateur interne, celui du pays dont nous sommes citoyens, mais encore pour les pouvoirs établis dans tout État de l’univers qui prétend respecter les principes de la justice naturelle. A la notion juridique des droits imprescriptibles de l’homme vis-à-vis du législateur national s’est dès lors ajoutée une notion semblable donnant les mêmes garanties à la personne en droit public international.

Ainsi tendent à disparaître les différences entre nationaux et étrangers en ce qui concerne les droits de la personne humaine. Pour certains d’entre eux, des notions juridiques communes sont déjà formées, répandues, généralisées dans la conscience publique et ont acquis autorité et force impérative vis-à-vis des gouvernements et des pouvoirs constitués. Qui oserait à cette heure nier que le droit à une propriété inviolable n’est pas un privilège du national, mais doit appartenir également à l’étranger, sauf les restrictions nécessaires pour la sauvegarde des droits et des intérêts de l’État?

L’Angleterre même, qui considérait le régime de la propriété foncière comme étroitement uni à son organisation politique, avait longtemps refusé aux étrangers le droit de posséder des immeubles, puis ensuite autorisé à leur profit la seule possession temporaire, a dû réformer sa législation et consacrer en principe l’assimilation de l’étranger au national pour tout ce qui concerne l’acquisition par les modes légaux de la propriété mobilière et immobilière .

De la même façon est née de nos jours cette règle du droit international qui veut que toute propriété privée, tant sur terre que sur mer, soit réputée inviolable, sauf dans les cas et circonstances déterminées par la loi du pays où se trouve l’objet et dans les hypothèses exceptionnelles prévues par le droit des gens.

Un autre principe juridique non moins répandu est celui de la liberté de conscience, garantissant à chacun, national ou étranger, le droit d’adopter librement, de conserver une confession religieuse ou d’en changer, sans en devoir compte à qui que ce soit.

21. En tout ce qui touche à l’état de guerre on constate moins de notions juridiques précises, définitives et bien assises dans la conscience publique. Cela tient surtout à la divergence de vues des savants eux-mêmes sur la façon dont la guerre doit être considérée, sur le but auquel elle doit tendre, sur les moyens dont on peut user pour la faire. Il faut reconnaître cependant que sur certains points des convictions se sont formées qui, bien établies dans l’esprit des peuples civilisés, sont aujourd’hui en voie d’acquérir force impérative.

Qui de nos jours voudrait affirmer que tout est permis contre l’ennemi pour assurer la victoire? Qui oserait, comme en d’autres temps, empoisonner les fontaines et justifier l’assassinat? Aujourd’hui, l’usage de certaines armes a été d’un commun accord prohibé ; il est généralement admis que les particuliers ne prenant pas part aux opérations de guerre demeurent sous la garantie du droit de la paix; que les combattants eux-mêmes qui déposent les armes et se rendent doivent être respectés et protégés dans leur personne et dans leurs biens; qu’ils peuvent seulement être faits prisonniers de guerre: et nous passons sous silence bien d’autres règles qui, sans être écrites dans aucun code, proclamées par aucune autorité supérieure reconnue, ou stipulées dans des traités, n’en ont pas moins autorité auprès de tous les gouvernements des nations civilisées.

22. De tout ce qui précède résulte bien la preuve de l’existence dans la conscience générale des peuples civilisés d’un certain nombre de notions juridiques servant à déterminer les règles applicables à leurs relations mutuelles. Ces règles n’ont certainement ni l’autorité d’un droit positif, ni celle qui peut résulter d’un accord de volontés réalisé dans un traité. Elles s’imposent cependant à tous les gouvernements qui dans leur conduite ne voudraient pas fouler aux pieds les principes que la vox communis répute nécessaires à l’organisation de la société des États.

Ces notions populaires sont la source la plus pure du droit international. Des principes, que l’on trouve innés dans la conscience générale des nations qui entretiennent des rapports réciproques, ne doivent-ils pas être considérés comme l’expression la plus exacte de certaines nécessités morales et du droit en général?

Le droit international codifié et sa sanction juridique

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