Читать книгу Le droit international codifié et sa sanction juridique - Pasquale Fiore - Страница 17

Législations modernes. Conventions particulières. Documents diplomatiques.

Оглавление

29. Comment les législations particulières des États peuvent être une source du droit international. — 30. Exemples tirés des législations en vigueur. — 31. En quels cas elles doivent être considérées comme l’expression des notions juridiques universelles. — 32. Idée des traités particuliers: à quel point de vue ils peuvent devenir une source du droit commun. — 33. Éclaircissement par des exemples. — 34. Des actes diplomatiques, des documents d’Etat, des protocoles, des congrès en tant que sources du droit international. — 35. Des sentences des tribunaux d’arbitrage-et des prises.

29. A mon avis, les législations particulières des États civilisés constituent une des sources du droit international. Cela doit être entendu en ce sens que, dans les cas où il n’est pas pour les États de principes de conduite établis et transformés en règles positives et obligatoires par le consensus gentium, on peut encore en trouver dans les législations modernes, alors qu’elles s’accordent à réglementer d’une façon identique certains rapports internationaux.

Mais ce point demande à être bien compris pour éviter toute équivoque. La loi, promulguée par le souverain revêtu de l’autorité et du pouvoir vis-à-vis du peuple auquel cette loi est destinée, constitue toujours pour ce peuple son droit positif. Son objet peut être soit de droit public, soit de droit privé. Il peut s’agir de rapports territoriaux ou de rapports extraterritoriaux, c’est-à-dire formés et destinés à se développer hors du territoire de l’État, mais tombant cependant à certains égards sous l’empire de la loi territoriale. En ce qui concerne ces derniers, la législation de chaque pays, en proclamant et sanctionnant des principes de droit international, ne perd pas pour cela son caractère propre, celui de droit particulier de l’État ou de droit civil, ces expressions entendues dans le sens que leur attribuaient les Romains, c’est-à-dire «jus quod quisque populus ipse sibi constituit et proprium ipsius civitatis est, quod vocatur JUS CIVILE, quia quasi jus proprium ipsius civitatis .

50. Dans la législation italienne, par exemple, nous possédons un règlement pour le service des armées en temps de guerre, où se trouvent formulées nombre de règles de droit international entre belligérants .

D’autres dispositions analogues se rencontrent dans le Code pénal militaire et dans le Code de la marine marchande, qui contient un titre sur le droit maritime en temps de guerre déterminant les actes d’hostilité licites, le traitement des navires et des marchandises neutres, les devoirs de la neutralité, l’énumération des objets de contrebande de guerre, etc.

Dans les législations des autres pays civilisés, on remarque des parties réglementant des rapports de droit international. Aux États-Unis d’Amérique, les instructions pour les armées en campagne publiées en 1863 contiennent une théorie complète du droit de la guerre, théorie dont l’application est rendue obligatoire pour l’armée américaine par l’autorité fédérale. On pourrait citer encore les lois particulières publiées en France, le règlement promulgué en Russie, etc.

Mais il ne faut pas perdre de vue que ces lois particulières des différents États, même lorsqu’elles proclament des principes et des règles de droit international, ne peuvent avoir autorité que sur le territoire soumis à chaque souverain, ou sur les personnes qui leur doivent encore obéissance lorsqu’elles sont en pays étranger, parce qu’elles constituent le jus proprium ipsius civitatis. Aucun législateur n’aura jamais l’étrange prétention de dicter la loi au monde et de sanctionner des règles internationales auxquelles il entendrait attribuer force impérative même au regard des États étrangers se trouvant en relation avec lui.

51. On reconnaîtra toutefois que si une communauté d’idées et de sentiments juridiques entre jurisconsultes suffit à donner l’autorité du droit aux principes sur lesquels l’accord s’est réalisé, les règles internationales reçues et sanctionnées par la majorité des législations des pays civilisés doivent, elles aussi, jouir d’une autorité considérable vis-à-vis de ces États et même au regard des autres. On ne peut nier que les lois positives soient la plus haute expression des notions juridiques qui constituent le patrimoine d’une époque donnée. Dès lors il faut bien admettre que l’accord de plusieurs législations sur certains points de droit international suffit pour qu’on puisse attribuer à ces lois (qui en elles-mêmes et considérées isolément ne sont que des dispositions particulières à certains États) la valeur de règles de droit commun international. Elles doivent, à ce point de vue, être réputées l’expression de ces notions juridiques, patrimoine commun des nations civilisées de l’époque.

Il sera plus facile de comprendre ce que j’avance, si l’on reporte un instant sa pensée sur la règle qui proclame l’inviolabilité de la propriété privée en temps de guerre maritime, inviolabilité depuis longtemps acquise dans lès guerres terrestres. Cette règle n’a pas reçu l’adhésion définitive d’un certain nombre de pays civilisés et ne peut encore être regardée aujourd’hui comme une loi positive et concrète en matière de droit international.

L’accord de tous les savants à affirmer la nécessité de l’admission de ce principe de justice internationale était déjà un argument considérable en faveur de sa légitimité ; mais il faut attribuer une valeur bien plus grande encore à la reconnaissance faite par les gouvernements, lors des dernières guerres, de l’insaisissabilité de la propriété privée ennemie, ainsi qu’aux lois, décrets et règlements qui dans les guerres postérieures à 1860 l’ont consacrée, notamment en Autriche, en Italie, en Prusse et en France.

Nous pourrons en dire autant des dispositions de droit international relatives à la condition civile des étrangers dans l’État. La question de savoir jusqu’où va la compétence législative des différentes souverainetés au regard des étrangers n’est pas encore tranchée. Les règles devant servir à en tracer les limites n’ont pas encore obtenu la reconnaissance définitive de tous les gouvernements; et cependant, de ce fait que la majorité des législations modernes proclame l’assimilation de l’étranger au national quant à la jouissance des droits naturels dans le champ des rapports privés, on peut conclure que le droit international actuel des États civilisés dénie au législateur le pouvoir discrétionnaire de refuser à l’étranger la jouissance de tous les droits civils.

32. Les traités particuliers conclus entre deux ou plusieurs États donnent en général naissance à des dispositions obligatoires seulement entre les cocontractants. Hâtons-nous toutefois d’ajouter que de ces conventions on peut quelquefois tirer de véritables règles de droit international obligatoires pour tous les États, bien qu’ils n’y aient pas encore donné leur adhésion, et qu’un accord général ne les ait pas élevées au rang de lois concrètes et positives.

Les traités particuliers servent en fait à mettre le droit international en harmonie avec les lois en vigueur dans les pays contractants. Ils réalisent une combinaison de ce droit avec le droit territorial public et privé. C’est précisément pour cela qu’on ne peut leur attribuer l’autorité acquise aux traités généraux. Cependant je ferai remarquer que, principalement dans les traités de ce genre postérieurs à 1856, on constate une certaine uniformité de principes sur quantité de points d’intérêt international, et que cette uniformité doit être prise en sérieuse considération pour attribuer à ces principes l’autorité même du droit général et permettre de les considérer comme obligatoires vis-à-vis de tous les autres pays se trouvant au même niveau de culture et de civilisation.

33. Je citerai à titre d’exemples certaines règles que l’on trouve dans des conventions particulières, notamment celles relatives aux droits des consuls, à l’extradition des malfaiteurs, à la protection des marques de fabrique et de commerce, etc. Mais il me faut éviter ici une équivoque et bien faire comprendre ma pensée. Je n’entends certes pas soutenir que les principes de droit consignés dans quelques traités particuliers puissent avoir, aux regards des États non contractants, la même autorité qu’ils ont vis-à-vis des signataires. Cela serait inadmissible. Car le traité est au regard des parties une loi positive et concrète faite par elles, loi qui donne naissance à de véritables obligations légales réciproques, conséquences de l’échange des consentements et de l’engagement pris d’en observer et d’en exécuter les clauses. C’est un titre juridique se suffisant à lui-même, conférant à l’un la faculté d’exiger, imposant à l’autre l’obligation d’accomplir tout ce qui a été stipulé.

Ces principes juridiques que nous avons cru pouvoir trouver dans les traités particuliers, en tant qu’ils renferment des clauses uniformes sur certains points, ne sont pas encore des règles de droit positif et concret, mais des notions de droit rationnel réputées fondées sur les exigences de la justice naturelle. Ils doivent d’autant plus sûrement être considérés comme formant le droit commun des États civilisés, qu’ils ont été plus souvent confessés et affirmés.

En disant qu’ils deviennent obligatoires, même pour les États non signataires, je fais allusion à l’obligation morale incombant à tous les gouvernements qui ont à cœur d’agir honnêtement et de conformer leur conduite aux exigences de la morale sociale et de la justice, de reconnaître et d’observer, même en dehors de tout traité, ces règles que, dans les circonstances actuelles, la généralité des États considèrent comme imposées par les nécessités de leur coexistence.

34. Les actes diplomatiques et les documents d’État sont également une des sources du droit international. Parmi les actes diplomatiques, le premier rang appartient aux notes qui, sous forme de manifestes ou sous forme de circulaires, destinées à faciliter la solution de questions pendantes entre deux ou plusieurs États, renferment la reconnaissance, l’affirmation de principes généraux admis sans conteste par les divers gouvernements auxquels elles ont été communiquées par voie diplomatique. Ces principes, hautement affirmés par l’une des parties, tacitement admis par l’autre, doivent évidemment jouir d’une grande autorité au regard de chacune d’elles. L’accord qui s’est tacitement réalisé quant à eux équivaut à une solennelle reconnaissance de leur exactitude et suffit à leur attribuer la valeur et l’autorité du droit.

Ainsi ont été dégagées les règles applicables à la question dite romaine, c’est-à-dire à la détermination de la condition juridique internationale du Souverain Pontife comme chef de l’Église catholique. En 1870, après le plébiscite à la suite duquel les provinces romaines, jadis soumises au Pape, furent annexées au royaume d’Italie, une note circulaire, émanée du gouvernement italien, affirma le principe admis aujourd’hui par la majorité des États, savoir: que les gouvernements étrangers n’ont pas à intervenir dans le règlement des questions d’organisation constitutionnelle d’un autre pays, ou à propos de l’exercice des droits de souveraineté interne. La note revendiquait pour les Romains le droit d’user, ainsi qu’ils l’avaient fait, de leur liberté naturelle en demandant leur annexion au royaume d’Italie; elle maintenait que leur volonté solennellement exprimée par un plébiscite devait être respectée.

En présence de l’assentiment tacite de tous les gouvernements, on doit considérer ces règles comme constituant aujourd’hui une véritable loi de droit international. Il faut, par suite, rejeter comme contraire au droit public moderne le sophisme cher aux partisans de la papauté, qui s’en vont soutenant qu’afin de sauvegarder les intérêts prétendus et l’indépendance du Souverain Pontife, les Romains doivent être mis hors du droit commun, et leur liberté politique confisquée au profit de ce dernier pour le maintien d’un pouvoir temporel réclamé comme nécessaire.

On peut en dire autant de la note diplomatique émanée du gouvernement italien, à l’occasion des difficultés soulevées par les mesures prises à Massaouah. L’acte en question contient une affirmation des principes internationaux relatifs à la valeur et à la suppression du régime des Capitulations dans les pays d’Orient.

Les protocoles dans lesquels les représentants des différentes puissances, avant de trancher une difficulté, s’entendent sur une ou plusieurs maximes générales de droit, peuvent être également consultés avec grand profit, lorsqu’on veut connaître les principes servant de base aux résolutions adoptées par le congrès.

35. Il faudra en dire autant des règles juridiques appliquées par les tribunaux arbitraux ou par les tribunaux des prises, du moins lorsqu’ils ne présenteront plus le caractère qu’ils ont actuellement, savoir: celui de juridictions purement territoriales, instituées par le souverain de l’État pour le compte duquel la prise a été faite; lorsqu’ils seront ce qu’ils devraient être, des tribunaux mixtes internationaux, appelés à trancher, conformément aux principes généraux du droit, les controverses entre belligérants à raison des prises faites durant les hostilités.

Toutes les fois qu’on trouve dans un document d’État ou dans une sentence des tribunaux internationaux l’affirmation d’un principe général de droit, on peut invoquer l’autorité de ces actes, non pour soutenir qu’ils ont créé une règle nouvelle de droit positif, mais pour en tirer un argument sérieux en faveur de l’admission d’une règle de droit rationnel, argument qui aura d’autant plus de valeur que l’affirmation dans les actes en question aura été plus solennelle et plus souvent répétée.

Le droit international codifié et sa sanction juridique

Подняться наверх