Читать книгу Le droit international codifié et sa sanction juridique - Pasquale Fiore - Страница 15
Droit scientifique.
Оглавление23. But de la science. — 24. Résultat utile du travail scientifique. — 25. — Importance du droit scientifique. — 26. Comment son autorité peut s’accroître. — 27. L’effet utile de la science se fera toujours sentir. — 28. Les savants ont à tenir compte des besoins actuels et réels de l’humanité.
23. L’objet de la science en général est ici d’examiner attentivement les faits dont l’homme est l’auteur, puis, après s’en être rendu un compte exact, de rechercher, grâce aux ressources naturelles de l’intelligence, la loi qui préside à ces mêmes faits en s’aidant de l’induction, de l’observation, de la réflexion et de la déduction pour découvrir et formuler les règles de tous les rapports auxquels ils peuvent donner naissance.
Poursuivre ce but est la tâche d’une catégorie spéciale de personnes, possédant et accroissant sans cesse certaines facultés de l’esprit, ayant par suite acquis ainsi l’habitude et la force intellectuelle nécessaires pour étudier les rapports des faits entre eux et comprendre la loi de leur existence et de leur développement progressif.
24. Les convictions juridiques populaires dont il a été parlé au paragraphe précédent constituent, il faut le reconnaître, la base fondamentale du droit international. Elles ne sont que le résumé des principes essentiels et supérieurs qui doivent présider à l’organisation de la société des États. Mais leur élaboration est lente, et cela s’explique: car, dans la-lutte entre les intérêts passagers et particuliers d’un peuple et les intérêts permanents et généraux de l’humanité, la formation d’une conviction uniforme touchant les obligations et avantages réciproques des nations rencontre et doit rencontrer nécessairement bien des obstacles. Il faut ajouter qu’une fois les principes fondamentaux dégagés, le peuple tout seul est incapable de leur donner une formule, de les spécialiser et d’en faire une application aux diverses espèces particulières. C’est ici la tâche des savants, juristes ou publicistes, s’adonnant à l’étude du droit international. A eux de les développer, de les mettre en pleine lumière pour en faciliter le progrès; à eux d’en faire application aux rapports variés nés de la complication des relations entretenues par les États; à eux d’élaborer ainsi peu à peu un système complet de règles juridiques conforme aux besoins actuels et réels des peuples.
25. Le droit scientifique ainsi travaillé par les hommes d’étude acquiert en pratique une réelle importance et une véritable efficacité. Son autorité s’accroît à raison de l’absence d’un système de règles positives et concrètes admises et proclamées à la suite d’un accord intervenu entre les États. Par là on s’explique qu’il s’impose aux gouvernements eux-mêmes, qui ne peuvent se refuser à considérer les règles formulées par les juristes comme l’expression et la manifestation du sentiment juridique des temps, non plus qu’à reconnaître l’obligation morale de s’y conformer dans leur conduite.
26. L’autorité du droit scientifique est d’autant plus grande que l’opinion des principaux publicistes sur un point donné est plus concordante. Est-il possible, lorsqu’il s’agit de la légitimité d’un principe, de méconnaître l’importance capitale de l’accord des jurisconsultes les plus écoutés des diverses nations, alors qu’ils se réunissent pour le soutenir dans leurs études et travaux sur les lois des rapports internationaux, et cela en dehors de toute considération des intérêts politiques des gouvernements ?
27. L’efficacité pratique de la science considérée comme un des facteurs spéciaux du droit international ne disparaîtra jamais. Il n’existe pas, au-dessus des États, de législateur qui puisse enfermer dans des lois concrètes la réglementation des intérêts nombreux et variés d’où dépendent la vie et la prospérité des peuples, et qui vont se transformant et se modifiant sous l’influence de causes si diverses. Que sur certains points on arrive par un accord entre États à un système de règles juridiques, cela est possible. Mais ces règles ne pourront jamais prévoir toutes les éventualités qu’on ne saurait englober d’avance dans une formule unique.
De là cette conséquence nécessaire: le mouvement incessant de la vie des peuples modifiant le côté moral et juridique de leurs rapports, et les nouvelles règles qui doivent les régir n’étant pas formulées d’une façon concrète par le consensus gentium, la loi précise à leur appliquer fera défaut, et il faudra bien recourir au droit scientifique, en cherchant dans le sentiment uniforme des principaux publicistes l’indication de la conduite à tenir en des circonstances nouvelles.
De là résulte encore que le travail d’élaboration progressive des notions juridiques accompli par les jurisconsultes et les publicistes, et dont nous avons désigné le résultat sous le nom de droit scientifique, est bien une des bases sur lesquelles on peut induire et déduire les lois d’existence et d’action des États qui se trouvent en rapports réciproques.
28. Pour que l’œuvre des savants soit profitable, pour que le droit scientifique élaboré par eux puisse acquérir une autorité sérieuse et durable, il est avant tout nécessaire qu’ils s’accordent à étudier la situation réelle de l’humanité, et qu’en recherchant les lois de la société des États ils s’attachent à l’examen des rapports qui, en fait, ont existé ou existent. Ils ne doivent pas se proposer de faire table rase du passé historique, d’élaborer des règles idéales applicables à l’humanité telle qu’elle devrait être. Il leur faut avant tout tenir compte des exigences de la vie pratique et des besoins de l’époque. A ce point de vue l’on peut se féliciter de voir substituer au travail scientifique individuel le travail scientifique collectif dans ces congrès où les publicistes des pays les plus divers sont appelés à discuter et à élaborer les règles des rapports internationaux. C’est au droit résultant d’un travail de ce genre que nous attribuons la plus grande importance. Car nous considérons (cela a déjà été dit) l’opinion unanime des principaux jurisconsultes sur un point quelconque comme l’expression de la communauté d’idées et de sentiments des peuples sur les principes appelés à prévaloir à une époque donnée.