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Sources du droit international considéré comme science.

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63. Objet de la science dite droit international. — 64. Méthode avec laquelle il faut procéder. — 65. Sources de notre science. — 66. La philosophie du droit. — 67. L’histoire. — 68. Le traité de Westphalie comme fait historique capital. — 69. Le droit historique a besoin d’être sainement interprété. — 70. Aide fournie par d’autres sciences connexes.

65. La science du droit international est une branche de la science générale du droit. Elle a pour objet la recherche des lois de l’existence et de l’action des États formant la Magna civitas, en tenant compte des conditions actuelles et réelles dans lesquelles ils se trouvent, ainsi que de leurs besoins réciproques dans des circonstances déterminées de temps et de lieux.

La science du droit en général, et celle du droit international en particulier, doivent se donner pour but d’élaborer et de formuler les règles juridiques concrètes les plus appropriées à obtenir le mieux et à éviter le pire, sans jamais perdre de vue les exigences de la vie réelle telles qu’elles se manifestent aux diverses époques de l’histoire de l’humanité. Ce n’est pas le développement hypothétique de l’humanité qui doit les occuper, mais bien son développement réel et tangible.

64. Pour faire œuvre utile, il faut aux savants ne pas s’inquiéter exclusivement de ce qui devrait être, mais tenir avant tout le plus grand compte de ce qui est. Il leur faut principalement travailler à élaborer un système de règles juridiques propres à créer entre les États qui forment une société de fait une véritable communauté de droit. On comprend facilement qu’un ensemble de solutions qui ne seraient applicables qu’à une humanité idéale, telle qu’on la peut rêver et telle qu’elle devrait être, serait absolument vain et inutile. Le résultat de leurs travaux ne doit-il pas, au contraire, aboutir à l’organisation des rapports actuels entre les États, étant données les conditions réelles et présentes dans lesquelles ceux-ci se trouvent?

Un système juridique n’est effectif et pratique que si l’application peut en être faite à l’humanité vivante. Il faut bien se représenter que toute nouvelle règle de droit suppose abrogation de toutes celles jusqu’alors suivies qui se trouvent en contradiction avec elle. Par suite, pour juger de sa valeur pratique, on doit toujours prendre en considération la perturbation qui résulterait de la suppression du droit préexistant. Le discrédit qui frappe les spéculations de droit international est, il faut le reconnaître, l’œuvre involontaire des savants, qui trop souvent ont oublié le précepte socratique, à savoir qu’il fallait faire descendre la philosophie du ciel sur la terre et la faire modestement converser avec les hommes. A méconnaître ce principe, il est arrivé que de très bons esprits, en essayant de formuler les lois de la coexistence des États dans l’humanité telle qu’elle devrait être, ont usé leurs forces pour aboutir à des vues générales et à des théories idéologiques plus propres à faire connaître la vigueur de leur pensée, l’étendue de leur savoir ou les ressources de leur imagination, qu’à contribuer à la création d’un système pratique et acceptable de règles concrètes de droit international.

65. Des considérations précédentes on déduira facilement, qu’à notre point de vue la science du droit international ayant pour objet l’étude des conditions d’existence actuelles et réelles des sociétés politiques ainsi que des rapports de fait qui les unissent, et prétendant arriver à en conclure les lois qui doivent présider à l’organisation de leur communauté et au développement régulier de leur activité, a besoin de s’éclairer des lumières de la raison et de l’histoire. J’indique par là même à la fois comment notre science doit procéder pour faire œuvre utile, et à quelles sources elle doit puiser.

66. La philosophie du droit est la principale. Mais le publiciste, en matière de droit international, ne doit pas se fier à la raison pure. Il lui faut s’aider de l’observation attentive des rapports établis par suite de la coexistence et des relations commerciales, et faire trésor de réflexions pour arriver à une appréciation exacte de leur nature. Trouver les lois rationnelles de rapports réels et actuels, tel est son but. A cet effet, il méditera sur leurs antécédents connus et leurs conséquences probables, il scrutera le passé et interrogera l’avenir. Il parviendra ainsi, grâce à l’observation et à la réflexion, à induire et déduire les lois de la vie et de l’activité des États qui se trouvent en société de fait. L’internationaliste doit être un philosophe expérimental.

67. L’histoire sera l’autre source principale de notre science. Le droit historique doit être étudié avant tout, parce qu’il est essentiellement le résultat de l’activité humaine. Il doit l’être aussi, parce que le progrès réel de toute branche de la science juridique consiste à trouver dans le passé et le présent le point d’attache et de raccordement des améliorations ou transformations futures.

68. A ce point de vue, un des faits les plus importants dans l’histoire de la civilisation est la lutte soutenue par la Réforme pour combattre les prétentions excessives de la papauté et arriver à la reconnaissance du droit des peuples à se gouverner librement en échappant à la tutelle de l’Église catholique qui, jusqu’alors, avait réussi à faire prédominer sa volonté dans les questions d’organisation des États.

Le résultat fut la reconnaissance des trois confessions, catholique d’une part, luthérienne et calviniste d’autre part. Soustraites à l’autorité de l’Église qui tendait à faire de l’État une communauté politico-reliogioso-théocratique, et qui réputait hors du droit commun toute association politique ne se proposant pas de réaliser l’unité de la foi et de la croyance catholique, elles se virent attribuer le droit de s’organiser librement.

Le traité de Westphalie de 1648 qui mit fin aux guerres de religion est incontestablement le document capital en matière de droit historique; car il renferme les principes essentiels du droit public moderne interne et externe. Pour la première fois on y reconnaît aux peuples la faculté de se constituer librement, sans rencontrer d’entraves insurmontables dans les croyances religieuses; pour la première fois on y voit séparer les intérêts de l’Église des intérêts de l’État; on y admet la liberté et l’égalité des cultes; on jette ainsi les premières bases d’une communauté de droits entre les États catholiques et non catholiques. Il en résulte bientôt la nécessité d’imaginer un système d’organisation juridique de la société des États capable d’assurer et de faciliter leur coexistence régulière.

C’est pour cela que l’on fait généralement naître le droit international moderne en 1648. On entend par là que le traité de Westphalie est, en matière de droit historique, l’acte le plus important, celui dont la science doit tenir le plus grand compte, comme renfermant la consécration des principaux événements d’où naquit la nécessité de transformer la société de fait des États en une société juridiquement organisée.

Les autres traités signés depuis marquent l’évolution du droit international, ses progrès successifs. Ils doivent être étudiés par qui veut connaître et suivre son développement dans l’histoire de la civilisation jusqu’aux temps modernes. A ce point de vue, ils constituent la source principale de notre science.

69. Mais le droit historique ne laisse pas que d’être pour nous, dans certains cas, une source dangereuse. A raison de l’antagonisme existant entre la politique et le droit, à raison surtout de ce fait que celui-ci est souvent sacrifié à celle-là, il nous présente fréquemment des transactions imposées par la force, acceptées sous la pression des circonstances et, comme résultat nécessaire, des dérogations aux vrais principes du droit rationnel recevant une consécration obligée dans un de ces moments critiques de la vie des peuples.

Le publiciste doit consulter l’histoire en ayant toujours l’œil fixé sur les principes supérieurs du droit rationnel pour redresser et corriger au besoin le droit existant. Se limiter à l’étude des faits, tenir toujours pour bonnes les règles juridiques consacrées par des traités généraux ou particuliers, ce serait élever le fait à la hauteur du droit. En puisant à la source de l’histoire diplomatique, il ne faudra jamais oublier la règle formulée par le jurisconsulte Paul: «Quod vero

«contra rationem juris receptum est non est producendum ad

«consequentias.»

Aux autres raisons pour lesquelles le droit historique est en opposition avec le droit rationnel il faut ajouter l’influence du degré de civilisation et de culture de chaque peuple aux différentes époques de son histoire, degré de civilisation qui suffit souvent à expliquer l’admission de certaines règles injustifiables. Je répéterai donc encore qu’en puisant à la source du droit historique il faut se garder de considérer comme véritables principes juridiques toutes les règles consacrées par les traités, et n’attribuer ce caractère qu’à celles qui apparaissent comme une application exacte et justifiée des idées rationnelles aux faits et aux événements accomplis aux diverses époques de l’histoire de l’humanité.

70. Les sciences connexes ne constituent que des sources subsidiaires qui pourront fournir des règles afférentes aux diverses catégories de rapports internationaux.

On demandera, par exemple, à l’économie politique et sociale les principes, relatifs à la distribution de la richesse, à la division du travail entre les peuples, au libre échange. Ils seront mis à profit pour la réglementation du commerce en temps de paix et en temps de guerre, et surtout pour l’organisation des transports internationaux, de la propriété industrielle, la détermination de l’unité de poids, de mesure, de valeur, etc...

Le droit public interne sera mis à contribution lorsqu’il s’agira d’établir les principes fondamentaux touchant les fonctions de la souveraineté. Ceux-ci serviront ensuite à résoudre nombre de questions concernant les rapports respectifs des souverainetés, leurs droits au regard des étrangers, et les limites juridiques de l’autonomie de chacune d’elles.

Le droit pénal sera appelé à fournir les règles fondamentales touchant le droit de punir, l’organisation des procès criminels. On utilisera ses solutions générales dans les questions relatives à la poursuite des crimes commis à l’étranger, à l’extradition, à la procédure judiciaire nécessaire pour l’instruction des affaires criminelles quand le fait délictueux s’est passé hors du territoire, etc.

C’est dans le droit judiciaire qu’on trouvera les notions essentielles servant à déterminer les règles internationales concernant l’autorité extraterritoriale des jugements, leur force exécutoire, l’organisation des juridictions en matière civile, la compétence et la procédure quand des étrangers sont parties au procès soit comme défendeurs, soit comme demandeurs, et ainsi de suite.

Je ne dis rien des autres branches de l’encyclopédie juridique. Et cependant il ne faut pas oublier que toutes les parties de la science du droit se prêtant, à raison de leur connexité, un appui réciproque, peuvent être utilisées pour la solution des questions se rattachant à l’une quelconque d’entre elles.

Le droit international codifié et sa sanction juridique

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