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V
BARRICADE ET BERCEAU

Table des matières

Tandis que La Palisse courait les aventures d’un côté, le roi François les courait d’un autre. Milan, –la grande Milan, comme on disait,–était ville prise, mais non pas ville rendue, et la guerre des rues continuait. Dans cette sorte de guerre,–dont malheureusement les dissensions politiques nous ont donné de trop fréquents exemples,–le commandement général se perd; chaque capitaine, chaque chef d’escouade devient son propre commandant et est obligé de recourir à sa stratégie particulière.

Très brave, très aventureux, le jeune roi s’était jeté à corps perdu à travers les dédales, hérissés d’assiégés qui se défendaient ou se sauvaient, et s’inquiétant peu de n’avoir avec lui que quelques hommes d’armes, au premier rang desquels il combattait comme un simple soudard.

François arriva ainsi dans une rue étroite et sombre qu’on appelait la via del Giardino. Cette rue était absolument fermée en son milieu par une barricade colossale, un rempart d’objets disparates, bahuts énormes et pierres de taille, chariots chargés de sacs pleins de terre, amas de meubles, de fascines et de cadavres. obstacle infranchissable et monstrueux.

Le roi tenta de lancer son cheval sur cette barricade. Le coursier se raidit et se refusa à avancer.

On se battait, pourtant, de l’autre côté, et les cris des Français prouvaient qu’en cet endroit ils n’avaient pas l’avantage.

–En faisant le tour, nous arriverons! s’écria un des gentilshommes de l’escorte.

Et il montra une rue transversale. Tous s’envolèrent comme une nuée d’oiseaux. Ils croyaient naturellement que le roi était au milieu d’eux. Mais François était resté seul. Il ne voulait pas prendre un chemin détourné, lui: il voulait passer!

Passer!. Mais comment faire? Un coup-d’œil lui suffit pour dresser un plan. La barricade s’appuyait, par son aile droite, contre un palais immense dont le siège, même avec tous les guerriers qui venaient de partir, eût certainement demandé plusieurs heures.

Mais l’aile gauche touchait et recouvrait presque une petite, toute petite maisonnette dont on ne voyait que la porte. En passant par cette maison, dont les fenêtres devaient certainement donner de l’autre côté de la barricade, il serait facile d’arriver.

Le roi mit pied à terre et alla à la porte de la petite maison. Cette porte était hermétiquement close.

Mais le jeune roi était vigoureux. D’un coup de son épaule bardée de fer, il jeta la porte en dedans des gonds et entra, l’épée à la main. Un grand cri salua son entrée. François recula d’étonnement.

Il n’y avait point de soldats dans la maison, il n’y avait qu’une femme… Une jeune femme qui, en le voyant, se jeta à ses genoux et lui dit en français:

–Ne me tuez pas, par grâce!… votre fortune est attachée à ma vie!.

–Ma fortune? dit le roi avec un sourire.

Il comprit qu’en le voyant sous une armure, sans écusson, sans couronne royale à son cimier, la jeune femme l’avait pris pour un simple soldat, tout au plus un chevalier obscur de l’armée.

–Ne me tuez pas!… répéta l’inconnue.

–Qui donc êtes-vous, madame? demanda François étonné, vous qui parlez français et qui demandez à un chevalier de France d’épargner une femme?

–Oh! pardon, pardon, messire, mais cette guerre m’épouvante à un tel point.

–Foi de gentilhomme, madame, vous n’avez rien à craindre.

–De vous peut-être, messire, non. Mais de ceux des vôtres qui, me prenant pour une Milanaise, useraient de leur droit de mettre à sac la ville prise de vive force; mais des Italiens qui, me reconnaissant pour Française, me feraient expier la victoire de mes compatriotes!… Ah! voilà pourquoi, malgré la bataille, malgré cette barricade que j’entendais construire, je suis restée ici. J’ai peur des uns et des autres!

–Sur ma parole, madame, je vous protégerai, contre amis et ennemis, s’écria fièrement le jeune roi, appuyé sur son épée.

–Oh! vous êtes bon, messire. C’est que voyez-vous, ce n’est pas pour moi seule que j’implore votre assistance. J’ai charge d’âme et lourde charge en ce moment.

Et elle étendit le bras vers le fond de la pièce que masquait un long rideau de velours, puis, écartant ce rideau, montra un enfant d’un an environ, dormant dans son berceau.

–Un enfant! s’écria le roi ému. Mais la mitraille pouvait le massacrer!

–Hélas! il était peut-être plus en sûreté au milieu de cette mitraille qu’il ne le serait à Paris, qu’il ne l’a été dans les villes ou dans les campagnes les plus paisibles! Et pourtant, messire, si vous saviez combien son existence est précieuse… Ah! chevalier, en le protégeant, comme je vous le disais tout à l’heure, vous travailleriez à votre fortune.

–Ma fortune! répéta pour la seconde fois le roi railleur; et comment cela?

–Il faudrait, pour répondre, dit l’inconnue, vous dévoiler un grand secret. Le devrais-je? En temps ordinaire, non. En ces jours troublés où je puis lui manquer à tout instant, à ce cher petit, j’ai le droit de veiller à ce qu’il ait un protecteur. Ce protecteur, chevalier, voulez-vous que ce soit vous?

–Foi de gentilhomme! je le veux bien. Mais ce secret, ce secret?

–Le voici. Cet enfant n’est point à moi. je suis seulement sa nourrice. Acharnés à sa perte, des gens, ses ennemis…–avoir des ennemis, si jeune! –l’ont partout recherché, partout poursuivi. Traquée par eux comme une bête fauve, j’ai fui de ville en ville et j’ai dû, pour leur échapper, me décider à quitter la France. Mais en Italie comme chez nous, acharnés à sa perte, ils le poursuivent encore. Ils veulent, quand même, s’emparer de lui, mort ou vif.

–Morbleu! dit François, vivement intéressé par ce récit. Mais quel est donc cet enfant?

–Je ne puis vous le cacher à vous… Cet enfant est le fils d’un prince, à l’amour duquel on veut le ravir.

–Un prince!…

–N’avais-je point raison, messire, quand je vous disais que de sa vie pouvait dépendre votre fortune?.

–Mais ce prince, quel est-il?

–Un haut et puissant seigneur, le plus puissant de France, un des plus puissants de l’Europe… le duc d’Angoulême!...

–Le duc d’Angoulême!… s’écria François en courant vers le berceau et en considérant avec amour l’enfant qui dormait toujours et semblait sourire aux anges.

–Ah! vous avez du cœur, messire; vous le protégerez!. s’écria la jeune femme avec un élan de reconnaissance.

–Oui, j’en donne ma parole de gentilhomme, madame, dit le roi redevenu sérieux. Pauvre mignon! Alors vous connaissez sa mère?...

–La Palotte? C’était ma sœur de lait!…

–Suivez-moi donc, madame. Je vous jure que, maintenant, on ne vous poursuivra ni ne vous inquiètera plus… Cet enfant, qu’un heureux hasard me fait retrouver ici, sera non seulement sain et sauf, mais encore riche et heureux, noble et prince, comme il doit l’être.

–Mais qui donc êtes-vous, pour parler avec une telle autorité.

–Qui je suis?. Son père!!!

–Son père! dit la pauvre femme en tombant à genoux, ah! monseigneur, ah! sire, pardonnez-moi de ne vous avoir pas reconnu!.

Elle avait saisi les mains du roi et les couvrait de baisers.

–Venez, dit François Ier en allant à la fenêtre, qui, ainsi qu’il l’avait supposé, donnait derrière la barricade. Venez, les soldats sont partis. Nos troupes, donnant la chasse aux Milanais, les ont refoulés dans une autre partie de la ville. Nous pouvons circuler sans crainte. Venez…

Joignant le geste à la parole, il avait enjambé la fenêtre, et se trouvait dans la rue qu’il explorait du regard.

Elle était déserte, de ce côté du moins.

Il revint à la fenêtre et cria, à la nourrice encore une fois:

–Venez!.

Un immense cri de douleur et d’effroi lui répondit.

Épouvanté, il bondit par la fenêtre et rentra dans la chambre.

Le berceau était vide.

Sur le seuil de la porte, la jeune Française se tordait les bras de désespoir, en regardant fuir sur le propre cheval du roi… le bandit qui, pendant que François s’assurait du salut, venait de lui voler son enfant!

–Pauvre femme, cria le roi, restez ici, attendez-moi.

Et il s’élança sur les traces de ce bandit.

Les aventures du capitaine La Palisse

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