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CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, BUT A ATTEINDRE

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Parmi les plantes si nombreuses dont la production constitue la science de l’agriculture, il en est une, la vigne, que nous avons observée partout où elle s’est présentée à nous; nous en avons étudié, autant que nous l’avons pu, les diverses aptitudes; nous l’avons envisagée sous toutes ses faces et dans tous ses rapports; et aujourd’hui nous venons exposer les principes de sa culture, les présenter au public, et chercher à les propager dans nos contrées.

Fille du besoin et de l’observation, la viticulture a été d’abord abandonnée à des préceptes et à des pratiques populaires, que la tradition seule conservait religieusement; mais les hommes que l’ignorance tenait isolés et séparés les uns des autres, se rapprochèrent bientôt sous l’impulsion du commerce et des nouvelles lumières; et la viticulture grandit avec la civilisation et suivit ses progrès. Aujourd’hui, riche de tous les trésors du passé, et fécondée par les nouvelles sciences, elle peut enfin réclamer le grand rôle qu’elle est appelée à jouer dans l’agriculture de notre nation; et elle est à même de justifier le mot de Voltaire écrivant à d’Alembert: «Je ne connais de sérieux ici-bas que la culture de la vigne.»

Il ne nous appartient pas ici de nous étendre sur l’histoire de la production viticole dans le monde, d’en signaler la marche et le progrès, sous l’influence tant du climat et du sol, que des institutions politiques ou civiles; nous ne voulons qu’exposer les règles consacrées par l’expérience et par la science, pour maintenir aussi longtemps que possible dans leur intégrité les éléments vitaux de la vigne, afin d’en prolonger et d’en accroître l’action et les produits.

Jusqu’à nos jours, des méthodes prétendues régénératrices, ont trop souvent porté le désordre et la ruine dans les vignobles de France: aussi, n’est-ce qu’avec une extrême prudence, et en nous basant sur les résultats de notre propre expérience, que nous conseillerons de sortir des ornières frayées pour en ouvrir de nouvelles: — trop souvent aussi des hommes imprudents, cédant à l’attrait menteur du paradoxe, ont couvert de défaveur des systèmes qui, sainement appliquès, eussent cependant produit les effets les plus heureux: — nous: ne céderons pas au désir de l’innovation brusquée, et avant d’exalter ou d’attaquer un systéme, nous en aurons assis la vérité ou l’erreur sur des preuves multipliées, sur des essais longtemps répétés; car, à nos yeux, la théorie ne doit être que le résumé ou la synthèse des faits fournis par l’expérience; là seulement est la voie du progrès.

Parmi les nouveaux modes de culture qui surgissent de toutes parts, nous ne parlerons que de ceux qui sont avancés et soutenus par des hommes dont les connaissances théoriques et pratiques doivent inspirer toute confiance; et nous rechercherons si ces systèmes, excellents dans certaines conditions données, ne présentent pas, quand on les généralise, des résultats souvent indifférents, quelquefois pernicieux; — et, quoique l’un de ces systèmes ait été accepté par nous avec la plus chaleureuse reconnaissance, nous espérons que l’impartialité nous garantira d’enthousiasme, et dirigera toujours nos jugements.

Nous conserverons, dans ce que nous a légué le passé, les principes consacrés par l’expérience, principes qui ont élevé la qualité de nos produits à une hauteur telle, que la France est devenue la patrie des grands vins; mais nous oserons aussi combattre les erreurs de nos devanciers, et montrer combien elles peuvent devenir funestes au XIX siècle, en face des lois économiques qui nous régissent; nous aurons donc pour adversaires tous ceux qui tenteraient d’enrayer le progrès, et qui voudraient nous rendre stationnaires, en soutenant, comme ils le font, qu’il n’y a rien à faire après les anciens; ce qui rappelle la réponse d’Ampère à quelqu’un qui s’adressait à lui ainsi: «Que dire après les écrivains du grand siècle? Tout est dit». «Oui, reprit Ampère, tout est dit, pour ceux qui n’ont rien à dire.»

Nous espérons indiquer des moyens surs, longuement éprouvés qui, consacrés par la théorie comme par la pratique, sont appliqués dans quelques grands vignobles depuis un temps immémorial: — les vieux usages, les vieilles habitudes ne sont pas toujours de mauvais guides. L’expérience de ceux qui nous ont précédés dans la vie, nous aide à prendre une résolution, là où nos aînés n’ont su qu’hésiter, et bien souvent nous empêchent de nous égarer ou de nous perdre dans de nouveaux sentiers qu’il nous aurait fallu tracer.

Enfin, au lieu de présenter à chaque vigneron le moyen à employer pour les faits particuliers qui l’intéressent, et dans les circonstances toutes spéciales où il se trouve placé, ce qui est impossible, nous ferons l’exposition des principes généraux qui devront être modifiés dans l’application, selon, les conditions économiques, climatériques et géologiques des divers pays vignobles.

En un mot, fixer le point atteint par la viticulture dans nos contrées, et tracer la route qu’elle doit suivre pour dépasser ce point, et satisfaire aux besoins toujours croissants de la consommation intérieure, comme d’une exportation dont rien ne doit plus arrêter l’essor; choisir dans tous les modes de culture les principes les plus conformes aux terrains, aux climats, aux plants du sud-ouest, et en composer un système qui lui soit essentiellement applicable; rechercher les procédés qui peuvent, en simplifiant et perfectionnant, améliorer la qualité et la quantité ; abaisser ainsi le prix de revient; et, par l’excellence des produits, comme par les prix auxquels ils pourront être livrés, maintenir ou faire naître en France comme à l’étranger, une réputation de supériorité qui en assure l’écoulement; tel est le but que nous voulons poursuivre, avec l’espoir de l’atteindre.

Nous ne pouvons plus nous immobiliser sous le courant des lois économiques et sociales qui emportent notre époque, et la poussent à une marche forcée; nous ne pouvons plus rester stationnaires, aujourd’hui que tous les peuples sont en concurrence commerciale, que les distances sont supprimées par la vapeur, et les conditions de la production nivelées par les débouchés; Nous devons améliorer sans cesse, produire à bon marché et de bonne qualité , ne fût-ce même que pour détruire cette habile falsification qui s’attaque à tout, aux vins comme aux autres produits fabriqués, et à laquelle l’imagination féérique de certains commerçants, tend à donner les apparences les plus séduisantes en même temps que les plus honnêtes.

Des essais calmes, raisonnés, sur une petite échelle, voilà ce que nous demandons dès le début. Ainsi exécutés, ils servent l’intérêt général comme l’intérêt particulier; ils entraînent les masses, tout en faisant la fortune de l’expérimentateur; tandis que des entreprises fougueuses, ou des opérations faites dans de trop larges proportions, n’amènent trop souvent après elles que des ruines: et l’abattement ou le dégoût succédant alors à cette sorte de fièvre qui s’était emparée des novateurs, conduit au découragement qui immobilise les mauvaises habitudes et éloigne pour longtemps toute idée progressive. Peut-être trouvera-t-on quelques procédés un peu hasardés; mais qu’avant de les rejeter complètement, on les expérimente, et qu’on se rappelle qu’il faut savoir être hardi, quand on marche à la découverte de la vérité. Du reste, une erreur est-elle dangereuse, quand il est permis à tous de la contredire?

La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest

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