Читать книгу Encyclopédie poétique, ou Recueil complet de chef-d'oeuvres de poésie sur tous les sujets possibles. T. 10 - Alexis Toussaint de Gaigne - Страница 19
N.o1890.
ОглавлениеMARINE (sur le rétablissement de la). Eloge de M. de Sartine.
DEPUIS que le Trident ce levier des deux Mondes ;
Aux bouts de l’Univers fit respecter les Lis,
Qui ne connoît pas fur les ondes
Les immortels lauriers que nous avions cueillis?
Sur le rivage de l’AFRIQUE,
Le Croissant barbaresque&le Lion belgique
Rugissant fous nos coups,&cédant à nos loix
La chute des remparts de GÊNE
Et du marbre de ses palais
Sous le tonnerre des François,
Devant les pouppes de DUQUÈNE;
Et DUGUÉ-TROUIN&JEAN BART
Embrasant les flottes rivales;
Le front même du Léopard,
Sillonné vers DUBLIN par nos foudres navales!
Devant la HOGUE enfin, si de cruels retours
Fanèrent ces moissons de palmes triomphales,
MADRAS&MINORQUE, en nos jours,
Par leur défense illustre augmentant notre gloire,
Ont vu, de leurs forts consternés,
Nos escadres&la victoire
Entrer dans leurs ports étonnés.
O Fortune! tu te signales,
En abaissant par intervalles,
Les Peuples même les plus fiers.
En différens climats, que d’attaques fatales
Flétrirent de nouveau nos couronnes rostrales!
Que de cyprès attestoient nos revers!
En vain le zèle de nos villes
Avoit prodigué les trésors
Pour reconstruire fur nos bords
D’autres citadelles mobiles;
Ces vaisseaux, masses inutiles,
Sous la lime du temps périssoient dans nos ports;
L’Art des FORBINS&des TOURVILLES
N’aiguillonnoit plus nos efforts;
Dans nos chantiers la hache oisive
N’osoit y façonner les pins
Devant la puissance attentive
De nos ambitieux voisins.
Presque endormis fur nos destins,
Et de la défiance embrassant les fantômes,
Nous avions laissé voir a l’Insulaire ardent
L’emblême de ses trois Royaumes
Dans les trois pointes du Trident.
Le moment est venu: tu saisis cet instant,
SARTINE,&des esprits tu ranimes la sève.
Un corps nouveau d’édifices flottans,
A ta voix, fur nos bords magiquement s’achève:
Pour nous fur les deux mers un plus beau jour se lève,
Et nos vaisseaux indépendans
Vogueront déformais fous de nouveaux d’ESTRADES,
Et ne pourront plus, dans nos rades,
Etre enchaînés que par les vents.
Ou font ces vains esprits dont l’indiscrette audace
Prétendoit qu’à ce poste où l’on te voit monté,
La voile d’un vaisseau devroit t’avoir porte?
Le Sage est ce qu’il veut,&s’instruit par fa place.
Tel fut le grand COLBERT; à ce sublime emploi,
D’une autre sphère élevé comme toi,
Toujours égal à fa fortune,
Il soutint, d’un bras éprouvé,
Le fardeau qu’une main commune
Auroit à peine soulevé.
Toi, qui du Code maritime
Viens d’effacer, par d’heureux changemens,
La rouille que le temps imprime
Aux plus utiles monumens,
C’est sur l’Autel de la Patrie,
Qu’inhabile à la flatterie,
Je te présente un pur encens.
Un aune, en un plus long Ouvrage,
Errant de rivage en rivage,
Eût chanté de nos ports les honneurs renaissans,
Eût couronne de fleurs l’ancre de l’Espérance,
Eût peint la Liberté, le front ceint de lauriers,
Attachant de ses mains la corne d’abondance
Aux pouppes des vaisseaux guerriers;
Moi, préfigeant les jours propices
Qu’amènent de tes foins les prudentes prémices,
J’ai craint de retarder tes travaux vigilans,
Et j’ai mesure mes accens,
Non fur le prix de tes services,
Mais fur celui de tes momens.
Puissent de la paix florissante
Les ramaux erre conservés,
Sous la sauve-garde imposante
De nos pavillons relevés!
Puisse l’heureux trident, où notre espoir se fonde,
Ne jamais faire ombrage aux peuples inquiets,
Et devenir plutôt, fur les plaines de l’onde,
Un contrepoids, qu’un sceptre en la main des François!
M. le Mierre.