Читать книгу Encyclopédie poétique, ou Recueil complet de chef-d'oeuvres de poésie sur tous les sujets possibles. T. 10 - Alexis Toussaint de Gaigne - Страница 9
N.o1883a.
ОглавлениеMARIAGE (sortie contre le). Sortie contre les Femmes.
PROFITI, Ami, de mon exemple;
Que la raison t’éclaire,&, si tu peux, contemple
Tous les biens&les maux attachés à l’Amour.
Ce Dieu, qui ne connaît de loix que son caprice,
Nous fait le plus souvent, par un an de supplice,
Payer la douceur d’un beau jour.
Sois sincère autant que fidèle,
Et digne de jouir des faveurs d’une Belle;
Quel prix espères-tu de tes foins amoureux?
D’un bonheur assure tandis qu’elle te flatte;
C’est dans le même instant peut-être que l’ingrate
Se livre à ton Rival heureux.
Rien n’est si trompeur que les Femmes;
Sous ces traîtres appas qui captivent nos ames,
Elles savent cacher mille énormes défauts;
Tout leur attachement n’est qu’une frénésie,
Déréglement de cœur,&folle jalosie,
Source inépuisable de maux.
Si pour moi le fort favorable
A fait naître une fois un objet adorable,
Dont les rares vertus méritoient des Autels,
A ta félicité c’est un nouvel obstacle;
Non, ne présume pas qu’un semblable miracle
S’accorde deux fois aux Mortels.
Mais que dis-je? Ce don céleste,
De mes cruels ennuis source amère&funeste,
N’est point de ces faveurs que l’on doive envier.
Si ton aimable sœur eût été moins parfaite,
Je regretterois moins la perte que j’ai faite;
Je pourrois plutôt l’oublier.
Songe donc aux maux que je souffre,
Considère l’amour comme un terrible gouffre
Dont le bord dangereux de fleurs est parsemé;
Crains qu’à la fin ton cœur ne s’y laisse surprendre;
Je serois plus heureux, si j’eusse été moins tendre;
Ma peine vient d’avoir aimé.
Si par les nœuds de l’Hymenée
Il faut, pour ton malheur, lier ta destinée,
Qu’à cet engagement le cœur n’ait point de part;
Que PLUTUS seul d’abord règle ton Mariage,
Que la Nature ensuite en consomme l’ouvrage:
Le reste est l’effet du hasard.
L’union morale, des ames
Peut ajouter un prix au commerce des femmes;
Mais au fond le physique en fait tous les appas,
Et l’instant d’un plaisir qui fans doute est extrême,
N’a rien de plus réel avec celle qu’on aime,
Qu’avec celle qu’on n’aime pas.
Toutes les femmes se ressemblent;
Quand au gré de leurs vœux les deux sexes s’assemblent,
Le cœur réclame en vain les droits qu’il a fur nous;
Les sens, malgré nous-même, usurpent tout l’empire,
Et c’est, n’en doutez pas, cet aveugle délire
Qui fait nos momens les plus doux.
D’une chimérique tendresse
Bien loin de te piquer auprès d’une Maîtresse,
D’adorer tes liens, de bénir ton tourment;
Mesure ton amour à celui de la Belle,
Et si c’est ton destin de soupirer pour elle,
Que ce soit par amusement,
Je n’ai plus qu’un mot à te dire:
Qu’un babil imposant n’aille pas te séduire
En faveur d’un objet peut-être trop chéri;
Femme de trop d’esprit n’est pas un avantage,
De ce présent des cieux plus d’une fait usage,
A la honte de son mari.
Fleury.