Читать книгу Encyclopédie poétique, ou Recueil complet de chef-d'oeuvres de poésie sur tous les sujets possibles. T. 10 - Alexis Toussaint de Gaigne - Страница 6
ОглавлениеN.o1878.
MARI (le) bien patient.
SOCRATE, Philosophe estimé dans la GRÈCE
Par fa science&fa sagesse,
Eut pour femme XANTIPPE. Hélas! qu’il en souffrit!
Femme, non, je n’ai pas bien dit,
Je me trompois, Lecteur, je vous en fais excuse,
Pardonnez moi, le plus juste s’abuse.
Xantippe étoit un Diable en femme travesti,
Pis encor. Que de fois, déplorant fa misère,
Du choix que l’hymen lui fit faire
Le bon-homme s’est repenti!
Elle eût, par ses travers&par son insolence,
De tout autre que lui lassé la patience:
A son acariâtre humeur
Il n’opposoit avec constance
Que la raison&la douceur.
Comment pouvez-vous vivre avec une MÉGÈRE
De cet insupportable&maudit caractère,
Lui dit ALCIBIADE? Il faut vous en venger,
Ou, sil se peut la corriger.
De même qu’au bruit de l’enclume
D’un Forgeron le voisin s’accoutume;
Ainsi, reprit Socrate, à cet esprit hargneux
Je fuis accoutumé. Mari malencontreux,
Je ne connois que trop fa cervelle incurable;
J’en recueille au moins quelques fruits;
D’une rare vertu je lui fuis redevable;
Elle m’apprend à vivre avec mes ennemis.
Le Brun.
N.o1879.
MARIAGE (compliment ironique fur un).
ENFIN, bornant le cours de tes galanteries,
ALCIPPE, il est donc vrai, dans peu tu te maries.
Sur l’argent, c’est tout dire, on est déjà d’accord;
Ton beau-père futur vide son coffre fort;
Et déjà le Notaire a, d’un style énergique,
Griffonné de ton joug l’instrument authentique.
C’est bien fait. Il est temps de fixer tes désirs;
Ainsi que ses chagrins l’Hymen a ses plaisirs.
Quelle joie en effet, quelle douceur extrême
De se voir caressé d’une Epouse qu’on aime!
De s’entendre appeler petit cœur, ou mon bon,
De voir autour de foi croître dans fa maison,
Sous les paisibles loix d’une agréable mère,
De petits Citoyens dont on croit être père!
Quel charme, au moindre mal qui nous vient menacer,
De la voir aussi-tôt accourir, s’empresser,
S’effrayer d’un péril qui n’a point d’apparence,
Et souvent de douleur se pâmer par avance!
Car, tu ne feras point de ces jaloux affreux,
Habiles à se rendre inquiets, malheureux,
Qui, tandis qu’une épouse à leurs yeux se désole,
Pensent toujours qu’un autre en secret la console.
Boileau.
N.o1880.
MARIAGE (raisonnement d’un homme que l’on veut dissuader du).
…LA fille qui m’enchante,
Noble, sage, modeste, humble, honnête, touchante,
N’a pas un des défauts que vous m’avez fait voir.
Si par un fort pourtant qu’on ne peut concevoir,
La Belle tout-à-coup rendue insociable,
D’Ange, ce font vos mots, se transformoit en Diable,
Vous me verriez bientôt, fans me désespérer,
Lui dire: Eh bien, Madame, il faut nous séparer;
Nous ne sommes pas faits, je le vois, l’un pour l’autre.
Mon bien se monte à tant: tenez, voilà le vôtre,
Partez, délivrez-nous d’un si mortel souci.
..........................
Boileau.
N.o1881.
MARIAGE (sur le).
EN ce temps malheureux où tout le genre humain;
La flamme&le fer à la main,
Ne travaille qu’a se défaire,
On ne sauroit trop honorer
Ceux qui, d’humeur plus débonnaire,
Ne cherchent qu’à le réparer.
L’Hymen, pour repeupler la terre,
Au lieu d’un vain honneur que vous offre la guerre,
Vous donnera de vrais plaisirs.
On ne trouvera point votre nom dans l’Histoire;
Mais vivre au gré de ses désirs,
Vaut bien mieux qu’une mort avec un peu de gloire
Ne divertissez point les fonds
Destinés pour la paix de votre Mariage;
Encore aurez-vous peine, usant de ce ménage,
A payer toutes les façons
Que demande un si grand ouvrage.
Pour être heureux Epoux, soyez toujours Amant;
Que, bien plus que le sacrement,
L’Amour à jamais vous unisse;
Et, pour faire durer le plaisir entre vous,
Que ce soit l’Amant qui jouisse
De tout ce qu’on doit à l’Epoux.
Pour vivre fans débats dans votre domestique,
Vous n’avez qu’un moyen unique,
Et je vais vous le découvrir.
Ne vous entêtez point d’être chez vous le maître;
Mais si l’on veut bien le souffrir,
Contentez-vous de le paraître.
Quoi qu’on vous vienne débiter,
Que rien ne vous fasse douter
Que votre épouse est toujours sage;
Car, fans cet article de soi,
Qu’on doit croire toujours,&souvent malgré foi,
Point de salut en Mariage.
Regnard.