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Des règles à suivre et des formalités à remplir pour obtenir l’autorisation.
ОглавлениеLÉGISLATION. Décret du 15 octobre 1810 et ordonnance du 14 janvier 1815 (Classement des établissements dangereux, insalubres et incommodes). — Décret du 25 mars 1852 (Décentralisation administrative.)
7. Classification des établissements dangereux, insalubres ou incommodes. — Sous l’empire de la législation actuelle les établissements industriels qui ont été reconnus et déclarés par les règlements dangereux, insalubres ou incommodes, sont assujettis par cela même et d’une manière générale, à l’autorisation et à la surveillance de l’administration. Mais leur régime est différent, et les formalités à remplir varient suivant le degré d’inconvénient qu’ils présentent pour le voisinage, et, à ce point de vue, ils ont été divisés en trois classes par le décret du 15 octobre 1810, art. 1er: «Les manufactures «et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode, «ne pourront être formés sans une permission de l’autorité administrative. «La première classe comprend ceux qui doivent «être éloignés des habitations particulières; la deuxième, les «manufactures et ateliers dont l’éloignement des habitations «n’est pas rigoureusement nécessaire, mais dont il importe «néanmoins de ne permettre la formation, qu’après avoir acquis «la certitude que les opérations qu’on y pratique sont exécutées «de manière à ne pas incommoder les propriétaires du voisinage, «ni à leur causer des dommages; la troisième, les établissements «qui peuvent rester, sans inconvénients, auprès des «habitations, mais doivent rester soumis à la surveillance de la «police.»
§ I.
De l’autorisation des Établissements de première classe.
SOMMAIRE.
8. Caractère des établissements de première classe. — 9. Par qui est accordée l’autorisation. — 10. Formalités jusqu’à la décision du préfet. — 11. Arrêté du préfet statuant sur la demande. — 12. Oppositions; conditions générales de leur recevabilité. — 13. Motifs d’opposition spécialement admissibles. — 14. Recours contre l’arrêté qui refuse l’autorisation. — 15. Le recours ne doit pas être adressé au ministre. — 16. Recours des tiers contre l’arrêté d’autorisation. — 17. Formule de demande.
8 Caractère des établissements de première classe. — La première règle relative aux établissements de cette classe, c’est qu’ils doivent être éloignés des habitations, et placés à la distance déterminée par l’administration. Mais c’est au moment de la création de l’établissement que l’observation de cette règle est prescrite. Une fois l’établissement régulièrement fondé, s’il convient à un particulier d’élever des constructions dans son voisinage, il n’est plus admis à en réclamer l’éloignement (Art. 9 du décret du 15 octobre 1810).
9. Par qui est accordée l’autorisation. — L’autorisation qui, sous l’empire de la législation antérieure, ne pouvait être obtenue qu’en vertu d’un décret rendu en conseil d’Etat, est actuellement accordée par les préfets des départements, et par le préfet de police tant dans le département de la Seine, que dans les communes voisines, Saint-Cloud, Meudon, Sèvres, qui sont comprises dans le ressort de la préfecture de police .
D’après le décret du 25 mars 1852, qui a modifié celui du 15 octobre 1810, le préfet statue définitivement sur la demande qui lui est soumise, au lieu de se borner à émettre un avis, suivi d’une instruction ultérieure devant le conseil d’Etat et le ministre du commerce, instruction qui est désormais supprimée purement et simplement. Mais les formalités qui, selon le décret de 1810, précédaient l’avis préfectoral, doivent encore être observées aux termes du décret du 25 mars 1852 (tableau B, 9) qui attribue aux préfets «l’autorisation des établissements insalubres
«de première classe dans les formes déterminées pour cette
«nature d’établissements.»
10. Formalités jusqu’à la décision du Préfet. — Ces formalités sont les suivantes:
1° Demande au préfet du département, contenant l’indication précise du siège de l’établissement, de la distance qui le sépare des habitations particulières, de la nature des mesures destinées à en atténuer, autant que possible, les inconvénients, et des circonstances physiques qui peuvent les modifier; demande accompagnée d’un plan en double expédition faisant connaître l’emplacement des appareils, les dispositions intérieures et extérieures des bâtiments, et la situation relative des constructions les plus rapprochées (Décret de 1810, art. 3);
2° Apposition, durant un mois, d’affiches reproduisant les termes de la demande, placardées à la diligence du préfet et par les soins du maire dans chacune des communes situées dans un rayon de 5 kilomètres du siège de l’établissement ;
3° Enquête de commodo et incommodo ouverte à là mairie dans chaque commune où doit être situé l’établissement, et confiée aux soins du maire de la commune et des commissaires de police à Paris. L’enquête a lieu pendant le mois qui suit l’apposition des affiches, à moins que l’autorité locale ne juge à propos d’en prolonger la durée. Sur le procès-verbal d’enquête, tout particulier dans son intérêt propre, aussi bien que chaque maire des communes voisines dans l’intérêt de ses administrés, est admis à faire consigner ses moyens d’opposition (voir n° 12), réclamations ou observations. Après l’expiration du mois, le procès-verbal est clos et renvoyé au préfet, par l’intermédiaire du sous-préfet, avec mention des formalités susdites dont l’accomplissement est de rigueur; et dont l’omission donnerait aux intéressés le droit de faire annuler pour excès de pouvoir l’autorisation qui aurait été ultérieurement accordée :
11. Arrêté du Préfet statuant sur la demande. — A la suite de ces formalités intervient un arrêté du préfet qui accorde bu refuse l’autorisation, après s’être éclairé de l’avis des ingénieurs des mines, du conseil de salubrité, quand il en existe dans le ressort, et même du comité consultatif des arts et manufactures, auquel les pièces peuvent être communiquées dans les cas les plus graves .
Quand il y a des oppositions; le préfet est tenu, en outre, avant de statuer, de consulter le conseil de préfecture qui donne un simple avis ne faisant pas obstacle à ce qu’il rende plus tard, s’il y à lieu (voir n° 16); un jugement sur la même affaire. Ce renvoi au conseil de préfecture; ordonné par l’art. 4 du décret de 1810, est demeuré obligatoire en présence du décret du 25 mars 1852 (art. 2, tabl. B), qui tout en appliquant aux établissements de première classe les recours existants pour ceux de seconde, maintient à l’égard des premiers les formes déterminées pour obtenir l’autorisation; or ici, c’est bien de l’une de ces formalités et nullement d’un recours qu’il est question .
Ce texte formel nous paraît réfuter péremptoirement l’opinion contraire soutenue par M. Dalloz (v° Manufactures, n° 34).
12. Oppositions. — Conditions générales de leur recevabilité. — On a vu que tout intéressé pouvait faire consigner son opposition sur le procès-verbal d’enquête; il peut également, même après la clôture du procès-verbal, l’adresser directement au préfet; mais tous les motifs quelconques tirés de l’intérêt du réclamant ne peuvent pas être utilement invoqués par lui;
Les dépositions ne sont recevables que quand elles se fondent sur les inconvénients mêmes en vue desquels l’établissement a été soumis à la nécessité de l’autorisation, et non pas sur ceux, quelque réels qu’ils soient, qui n’ont pas été pris en considération par le législateur ou qui donnent lieu à l’application de lois autres que celles de la matière dont il s’agit ici. Ce principe d’une haute importance, est consacré par les décisions du conseil d’Etat qui ont déclaré inadmissibles par leur nature même les oppositions fondées soit sur la concurrence préjudiciable que le nouvel établissement pourrait faire à un établissement préexistant , soit sur le voisinage des bois et forêts à une distance prohibée par le Code forestier , soit sur la proximité d’un chemin dont la viabilité pourrait être compromise . Ces questions, étrangères à la matière qui nous occupe , ne peuvent influer sur le sort de la demande en autorisation qui laisse l’établissement soumis aux dispositions du droit commun ou des règlements de police; elles doivent être réservées aux tribunaux et autorités compétentes pour produire telles conséquences que de droit.
13. Motifs d’opposition spécialement admissibles. — En ce qui concerne particulièrement les établissements de première classe, les motifs pour lesquels ils ont été rangés dans cette catégorie, et, par suite, les moyens sur lesquels peuvent se fonder efficacement les oppositions, sont indiqués dans le rapport de la section de chimie de l’Institut qui a servi de base à la loi de 1810: «les établissements compris dans la première
«classe ne doivent pas rester auprès des habitations, parce que
«les matières que l’on y travaille et les produits qu’on en retire,
«ou répandent une odeur désagréable qu’il est difficile de
«supporter et qui nuit à la salubrité, ou sont susceptibles de
«compromettre la sûreté publique par des accidents auxquels
«ils pourraient donner lieu.»
Les oppositions ne pourront donc s’appuyer que sur ce que la distance signalée ou les précautions proposées ne seraient pas de nature à mettre les propriétés des réclamants à l’abri soit des émanations insalubres, soit des explosions et de l’incendie.
14. Recours contre l’arrêté qui refuse l’autorisation. — 1° Si l’autorisation est refusée par le préfet, la partie intéressée qui, sous l’empire du décret de 1810, n’avait aucun recours contre le refus résultant d’un décret rendu en forme de règlement d’administration publique, peut se pourvoir directement devant le conseil d’État contre l’arrêté préfectoral, dans les trois mois à partir de la notification , comme s’il s’agissait d’un établissement de deuxième classe. Les personnes intéressées à ce que le refus soit maintenu ont d’ailleurs le droit de se présenter à titre d’intervenants devant le conseil . Ces principes seront développés ci-après (n° 23).
15. Le recours ne doit pas être adressé au Ministre. — L’art. 6 du décret de 1852 qui dispose que les actes des Préfets qui seraient contraires aux lois et règlements, ou qui donneraient lieu aux réclamations des parties intéressées, pourront être annulés ou réformés par les ministres compétents, ne saurait avoir pour effet de substituer le recours devant le ministre du commerce au recours direct devant le conseil d’État. L’art. 8, tabl. B, du décret, en renvoyant, sans distinction, aux dispositions de fart. 7 du décret de 1810, relatives aux établissements de deuxième classe, déroge en ce point à l’art. 6 précisé. Cette dérogation est d’autant plus certaine que le système contraire donnerait lieu à des difficultés de procédure inextricables .
16. Recours des tiers contre l’arrêté d’autorisation. — 2° Si l’autorisation est accordée, les tiers intéressés à ce qu’elle soit révoquée, qu’ils aient ou qu’ils n’aient pas adressé des oppositions au préfet, peuvent se pourvoir, non pas directement devant le conseil d’État, comme le postulant, mais devant le conseil de préfecture en premier ressort, sauf recours contre la décision du conseil de préfecture devant le conseil d’État, où toutes les parties intéressées ont la faculté d’intervenir. Toutefois, quand c’est pour excès de pouvoir ou pour incompétence que l’arrêté d’autorisation est attaqué, le recours doit être porté directement devant le conseil d’État suivant le principe admis en toute matière; et il y a excès de pouvoir donnant lieu à ce recours direct lorsque le Préfet a accordé sans enquête préalable l’autorisation d’établir ou de déplacer l’atelier .
17. Formule de demande.
A M. le préfet du département de..... ou de police.
DEMANDE D’AUTORISATION POUR UN ATELIER DE PREMIÈRE CLASSE.
Le soussigné (nom et prénoms.), fabricant de...., demeurant à....., à l’honneur de demander à M. le Préfet l’autorisation d’établir un atelier de..... (première classe) dans la commune de..... où il se propose de fixer le siége de son exploitation.
Les procédés ou appareils employés par la fabrication seront (faire la description détaillée).
Les époques, les heures de travail seront.....
Les bâtiments qui doivent servir à l’exploitation sont situés sur un terrain isolé de toutes habitations appartenant à des tiers, dont les plus rapprochés sont à une distance de.... mètres.
Les circonstances topographiques que présente la localité (voisinage d’un grand cours d’eau, d’une forêt, élévation du sol, direction des vents, etc.....) sont de nature à mettre les tiers à l’abri des dangers ou des inconvénients qui pourraient résulter de la fabrication.
En outre, et pour achever de faire disparaître autant qu’il est possible tous inconvénients extérieurs, lé postulant offre de prendre les précautions suivantes (clôture exacte des ateliers, établissements de puisards, élévation des tuyaux de cheminée, appareils fumivores, etc., etc....), déclarant, en outre, se soumettre aux conditions qui lui seront imposées par l’arrêté d’autorisation.
Le soussigné produit, à l’appui de sa demande, un plan en double expédition faisant connaître:
1° La disposition extérieure des bâtiments et la situation relative des habitations les plus rapprochées;
2° La disposition intérieure des bâtiments ou ateliers, avec indication de l’emplacement des machines, appareils, fours, fourneaux, foyers, réservoirs, puisards, etc....
(Date et signature.)
NOTA. En cas de rejet de la demande, le recours doit être formé par le ministère d’un avocat au conseil d’État.
§ II.
De l’autorisation des Etablissements de deuxième classe.
SOMMAIRE.
18. Caractère des établissements de deuxième classe. — 19. Forme de la demande d’autorisation. — 20. Suite des formalités. — 21. Arrêté du préfet statuant sur la demande. — 22. Deux sortes de recours contre l’arrêté du préfet. — 23. Recours du postulant au conseil d’État. — 24. Recours des tiers au conseil de préfecture, puis au conseil d’État. — 25. Intervention, recours incident et tierce-opposition des tiers devant le conseil d’État. — 26. Recours exceptionnel des tiers devant le conseil d’État. — 27. Droit du conseil d’État saisi par l’un de ces recours. — 28. Principes sur les motifs de refus d’autorisation et d’opposition. — 29. Le danger, l’insalubrité ou l’incommodité, seuls motifs admissibles. — 30. Applications faites par la jurisprudence. — 31. Influence de la proximité des habitations. — 32. Des inconvénients spécialement indiqués dans le classement. — 33. Formule de demande.
18. Caractère des établissements de seconde classe. — «Les ateliers, établissements et fabriques compris dans la deuxième classe du tableau n’ont pas été jugés par la commission être dans le cas qu’on exigeât qu’ils fussent aussi éloignés des lieux habités que ceux compris dans la première classe; mais cependant elle a pensé qu’il était indispensable de les surveiller.... La plupart des opérations qui se pratiquent dans ces établissements ne peuvent produire de vapeurs nuisibles qu’autant qu’on ne prend pas tous les soins qui conviennent pour opérer leur condensation; or, comme les procédés et les appareils au moyen desquels on parvient aisément à s’en rendre maître sont aujourd’hui parfaitement connus, et presque généralement adoptés, on n’a besoin que de recommander qu’ils soient employés. »
L’établissement des ateliers de deuxième classe est, en conséquence, soumis à la nécessité d’une autorisation, qui est accordée à la condition de prendre les mesures de nature à garantir le voisinage des inconvénients qui en résultent, sans que l’éloignement des habitations soit absolument nécessaire, s’il peut être pourvu autrement aux besoins de la salubrité. Ces précautions consistent en général dans la construction de murs d’enceinte, de longs tuyaux de cheminée pour dissiper la fumée dans les airs, dans l’emploi d’appareils fumivores, de puisards profonds pour absorber les résidus susceptibles de fermentation.
19. Formes de la demande d’autorisation. — L’autorisation est accordée par les préfets, après l’accomplissement des formalités et sauf les recours établis par le décret du 15 octobre 1810, art. 7. Ces formalités sont les suivantes:
1° Demande adressée par l’industriel au sous-préfet de son arrondissement, c’est-à-dire de l’arrondissement dans lequel la manufacture sera établie, puisque c’est dans cet arrondissement que, par les soins de ce même sous-préfet, les informations ultérieures auront lieu .
La demande doit contenir les mêmes indications que pour les établissements de première classe, avec le plan descriptif (voir ci-dessus n° 10).
Dans le ressort du chef-lieu du département, c’est au préfet directement que la demande doit être adressée; dans le département de la Seine et les communes annexées, c’est au préfet de police .
20. Suite des formalités. — 2° Renvoi de la demande au maire de la commune dans laquelle on projette de former l’établissement, et enquête de commodo et incommodo par les soins de ce dernier. Le décret n’exige pas et |le préfet ne peut prescrire l’apposition d’affiches comme pour les établissements de première classe ou les machines à vapeur (voir n° 110). C’est à l’autorité locale à prendre les mesures nécessaires pour assurer efficacement la publicité de l’ouverture de l’enquête . La durée de l’enquête, sauf celle relative aux machines à vapeur qui doit se prolonger pendant dix jours , n’est pas fixée par le décret et doit être déterminée d’après les circonstances par l’autorité locale;
3° Renvoi du procès-verbal d’enquête au sous-préfet avec l’avis du maire;
4° Arrêté du sous-préfet en forme d’avis après communication au conseil d’hygiène et de salubrité, et transmission au Préfet.
21. Arrêté du Préfet statuant sur la demande. — Le préfet consulte, s’il le juge à propos, le conseil de préfecture, et, soit qu’il y ait, soit qu’il n’y ait pas d’opposition, rend un arrêté, pour accorder ou refuser l’autorisation. Après quelques hésitations , une jurisprudence, désormais constante, décide qu’il n’appartient pas au conseil de préfecture de prononcer sur les oppositions, tant que l’autorisation n’a pas été accordée . S’il statuait avant la décision du préfet, cette délibération prématurée ne serait considérée que comme un simple avis sans force obligatoire, non susceptible de recours au conseil d’État , et ne faisant pas d’ailleurs obstacle à ce que le conseil statue ultérieurement sur les oppositions à l’autorisation accordée (Voir n° 24) .
22. Deux sortes de recours contre l’arrêté du préfet. — L’arrêté du préfet qui statue sur la demande d’autorisation, est soumis à deux sortes de recours, ainsi qu’on l’a dit plus haut (nos 14 et 16) d’après l’art. 7 du décret de 1810 ainsi conçu:
«Le préfet statuera, sauf le recours au conseil d’État, par toutes
«les parties intéressées; s’il y a opposition, il y sera statué
«par le conseil de préfecture, sauf le recours au conseil d’État.»
Cette disposition fort obscure a été interprétée par une jurisprudence désormais bien constante, de la manière suivante: en cas de refus, le postulant doit se pourvoir directement devant le conseil d’État; en cas d’autorisation, les tiers intéressés doivent porter leur opposition contre la décision du préfet en premier ressort devant le conseil de préfecture, et en appel devant le conseil d’État. C’est là une dérogation formelle et extraordinaire à ce principe fondamental de la compétence administrative que les actes de pure administration ne peuvent être attaqués devant ls tribunaux administratifs, et faire l’objet d’un recours par la voie contentieuse.
23. Recours du postulant au conseil d’État. — Le recours direct au conseil d’État, dans les trois mois à partir de la notification de l’arrêté préfectoral, est ouvert au postulant et au postulant seul, en cas de refus absolu d’autorisation, ou lorsque l’autorisation a été subordonnée à des conditions qu’il prétend faire modifier .
Le postulant peut encore se pourvoir en conseil d’État contre l’arrêté du conseil de préfecture qui, sur la demande des tiers, aurait refusé l’autorisation qu’avait accordée le préfet (voir ci-après n° 24). C’est ce qui résulte des termes généraux de l’art. 7 qui admet, sans restriction à l’égard du postulant, le recours au conseil d’État contre l’arrêté du conseil de préfecture qui a statué sur les oppositions .
24. Recours des tiers au conseil de préfecture en premier ressort, puis au conseil d’État. — Si le préfet accorde l’autorisation, les tiers qui ont eu la faculté de lui adresser leurs observations et réclamations pendant l’instruction administrative, peuvent, comme on l’a dit ci-dessus, former opposition à l’arrêté du préfet devant le conseil de préfecture . Ce recours s’exerce du reste, alors même qu’aucune opposition n’a été formulée avant l’autorisation accordée. Il n’existe aucune disposition de loi qui l’assujettisse à un délai quelconque, et il peut, par conséquent, être formé par les tiers intéressés à quelque moment que ce soit, sans que le fabricant puisse les mettre en demeure ni faire courir de délai par une notification . Mais ceux-ci ne peuvent (sauf au cas ci-après n° 26) déférer directement au conseil d’État l’arrêté du préfet qui a accordé l’autorisation. C’est seulement après avoir porté leur opposition en premier ressort devant le conseil de préfecture, qu’ils peuvent se pourvoir devant le conseil d’État dans le délai de trois mois, contre la décision de ce conseil qui aurait maintenu l’autorisation accordée par le Préfet .
Le recours direct au conseil d’État ne peut être formé par les tiers que pour cause d’incompétence ou d’excès de pouvoir (n° 26).
23. Intervention, recours incident, et tierce opposition des tiers devant le conseil d’État. — Outre la voie de l’appel devant le conseil d’État, ouverte aux tiers dans le cas précédent, la faculté d’intervention et de tierce opposition, et même de recours incident devant ce même conseil, existe pour eux, qu’il y ait eu, ou qu’il n’y ait pas eu autorisation, dans les circonstances suivantes.
Lorsque c’est le postulant qui après refus d’autorisation, s’est pourvu directement devant le conseil d’État contre l’arrêté du préfet, les tiers intéressés au maintien du refus peuvent se présenter au conseil d’État à titre d’intervenants pour faire rejeter le recours . Si le postulant attaque un arrêté portant autorisation au point de vue des conditions auxquelles l’autorisation est subordonnée, les tiers peuvent, non seulement intervenir pour faire maintenir les conditions imposées, mais former un recours incident pour demander la réformation de l’arrêté et le refus pur et simple d’autorisation . Ils peuvent également, la décision une fois rendue, sans qu’ils soient intervenus, l’attaquer par voie de tierce opposition .
Lorsque, en cas d’autorisation, un ou plusieurs intéressés ont fait opposition, sans succès, à l’arrêté du préfet devant le conseil de préfecture, les tiers qui n’ont pas pris part au débat engagé près de ce conseil peuvent encore faire valoir leurs griefs de la manière suivante:
S’il n’y a pas eu appel de l’arrêté du conseil de préfecture par les parties qui y ont figuré, ces tiers ont la voie de la tierce opposition devant ce même conseil contre l’arrêt rendu ; s’il y a eu recours au conseil d’Etat, ces tiers peuvent se présenter, non plus devant le conseil de préfecture, mais devant le conseil d’Etat à titre d’intervenants pendant l’instance d’appel, ou même frapper de tierce opposition la décision rendue par le chef de l’État, à la condition de n’avoir pas figuré au débat .
26. Recours exceptionnel des tiers devait le conseil d’Etat. — Les règles particulières aux recours organisés par le décret de 1810, ne dérogent pas au principe général et absolu posé par la loi des 7-14 octobre 1790, qui permet de déférer directement au conseil d’Etat tous les arrêtés des préfets, pour incompétence ou excès de pouvoir.
Les tiers ont donc la faculté d’attaquer devant le conseil d’État, l’arrêté préfectoral portant autorisation dans le cas seul où ils invoquent l’incompétence ou l’excès de pouvoir, comme par exemple, lorsqu’ils se fondent sur ce que le préfet a accordé l’autorisation, sans procéder à l’enquête prescrite par la loi. C’est ce que le conseil d’État a formellement décidé par arrêt du 6 mai 1853, en déclarant qu’aucune disposition du décret du 15 octobre 1810 n’a interdit aux intéressés le recours ouvert par la loi de 1790 . Seulement, en ce cas le conseil n’apprécie que le vice extrinsèque dont l’arrêté est entaché, et ne peut, comme dans les circonstances ordinaires, statuer au fond sur la question d’autorisation, ainsi qu’on le verra au numéro suivant.
27. Droit du conseil d’Etat saisi par l’un de ces recours. — Le conseil d’Etat, quand le débat est porté devant lui par l’une des voies qui ont été indiquées, sauf la dernière, est investi du droit, non seulement de maintenir ou d’annuler la décision attaquée, mais encore de la modifier, en prescrivant des conditions nouvelles, et de faire ainsi l’office d’administrateur aussi bien que de juge. Aussi en annulant, sur le recours du postulant, l’arrêté du préfet qui a refusé l’autorisation, il peut, au lieu de renvoyer devant le préfet pour être procédé à une nouvelle instruction, comme il le fait quand la question ne lui paraît pas suffisamment éclairée , accorder immédiatement l’autorisation, en prescrivant lui-même des conditions de nature à faire disparaître les inconvénients que l’on redoute ; de même, sur le recours des tiers tendant à faire révoquer l’autorisation accordée, il peut, tout en la maintenant, ajouter aux prescriptions regardées comme insuffisantes par le préfet et le conseil de préfecture. Il importe donc essentiellement aux fabricants, lorsqu’ils plaident devant le conseil d’Etat, d’indiquer eux-mêmes, s’il y a lieu, les modifications de nature à remédier aux inconvénients qui ont été signalés.
Du reste, il arrive fréquemment, et pour éviter toute difficulté dans l’avenir, que le conseil d’Etat impose au fabricant l’obligation générale de se conformer à toutes les conditions qui seraient ultérieurement jugées indispensables par l’autorité administrative, pour pourvoir aux nécessités de la salubrité publique .
28. Principes sur les motifs de refus d’autorisation et d’opposition. — Un des points les plus importants en cette matière, c’est d’être fixé sur les motifs qui peuvent faire refuser l’autorisation et servir de base, soit aux oppositions, soit aux autres recours. Le préfet, et après lui le conseil de préfecture, puis le conseil d’Etat, appelés comme on l’a vu, à divers titres, à statuer sur les demandes d’autorisation, ont sans doute une très-large faculté d’appréciation; mais ils n’ont pas un pouvoir, à proprement parler, discrétionnaire, pour accorder ou rejeter l’autorisation, accueillir ou repousser les oppositions. La jurisprudence a posé à cet égard les principes qui doivent régler toutes les décisions des autorités administratives.
29. Le danger, l’insalubrité, l’incommodité, seuls motifs admissibles. — 1° Les motifs qui peuvent faire refuser l’autorisation doivent être pris uniquement du danger, de l’insalubrité ou de l’incommodité que présente l’établissement, seules raisons pour lesquelles il a été classé et soumis à la nécessité de l’autorisation. Ils ne sauraient être tirés, ni des dommages que sa création peut apporter à des établissements voisins par la concurrence ou même à des intérêts généraux ou communaux, autres que ceux de police, ni, comme l’a prétendu le préfet du Rhône dans l’affaire Débolo précitée, du tort qu’elle causerait à la beauté d’un site et à l’agrément d’un lieu occupé par un grand nombre de maisons de plaisance, ni même enfin de l’atteinte qui en résulterait à des lois et règlements d’une autre nature et dont la sanction est ailleurs. (Voir ci-dessus n° 12) A tous ces points de vue, étrangers aux considérations qui ont déterminé le classement, les établissements en question sont dans le droit commun, et ne peuvent être plus que tous autres frappés arbitrairement d’interdiction.
30. Applications faites par la jurisprudence. — En vertu de ces principes, il a été jugé que le refus fondé sur l’intérêt du commerce et les inconvénients de la concurrence, en ce que, par exemple, le nouvel établissement pourrait ruiner des établissements antérieurement autorisés, est entaché d’excès de pouvoir ; mais il en serait autrement si le dommage causé à un atelier voisin, bien que ne portant que sur cet atelier seul, était cependant direct et matériel, comme, par exemple, l’écoulement des eaux d’une tannerie dans une blanchisserie .
Ainsi encore, le conseil d’État a annulé un arrêté du conseil de préfecture des Hautes-Pyrénées , par la raison «que le
«conseil de préfecture ne s’est fondé pour faire droit à l’opposition
«du sieur Tarissais sur aucun motif tiré de l’insalubrité
«ou de l’incommodité de l’établissement, mais seulement sur
«l’intérêt de la reproduction des bois dans le canton, et les besoins
«des communes voisines; que les considérations d’un intérêt
«général ne pouvaient servir de base aux oppositions portées
«devant ledit conseil de préfecture.»
31. Influence de la proximité des habitations. — 2° Les établissements de la deuxième classe se distinguant de ceux de la première précisément en ce que l’éloignement des habitations n’est pas nécessairement exigé à leur égard, il en faut conclure que la proximité de maisons habitées ne constituerait pas à elle seule un motif suffisant d’opposition. Du moment où il serait établi que des mesures efficaces sont prises pour mettre le voisinage à l’abri des inconvénients provenant de l’exploitation, un tel motif ne saurait être accueilli contre la demande d’autorisation . C’est ce qui résulte du principe constamment invoqué par le conseil d’État, qu’en ce qui concerne les établissements de deuxième classe, leur éloignement des habitations n’est pas rigoureusement nécessaire, mais qu’ils ne doivent être autorisés qu’avec les précautions propres à empêcher leurs opérations de devenir nuisibles aux propriétés du voisinage .
Le motif tiré de la trop grande proximité des habitations reprend toute sa force quand les inconvénients résultant de l’exploitation ne sauraient être évités aux voisins dans un certain rayon. C’est pourquoi l’autorisation a été fréquemment refusée, et le transfert en d’autres lieux a été ordonné à l’égard de certains ateliers, tels que les tanneries, dont l’établissement, au centre d’une population agglomérée, serait nécessairement dommageable . Il en a été décidé de même quand le caractère spécial des habitations voisines, affectées à des services publics, (hôtels et bureaux de préfecture, écoles primaires, salles d’asile) rendait intolérable la proximité d’une industrie qui n’aurait pas eu le même inconvénient à l’égard d’habitations ordinaires . Il en devrait être ainsi, alors qu’il ne s’agirait que d’établissements privés (pensionnats, maisons de santé), si par suite de leur nature même, l’insalubrité ou l’incommodité d’un atelier leur était particulièrement préjudiciable.
32. Des inconvénients spécialement indiqués dans le classement. — 3° Les motifs d’opposition ne doivent pas être tirés seulement et d’une manière générale, du danger, de l’insalubrité ou de l’incommodité des établissements, mais surtout du genre spécial d’inconvénient qui a déterminé le classement de l’établissement dont il s’agit, et qui est indiqué dans le tableau annexé aux décrets et ordonnances. Ainsi le conseil d’État, annulant un arrêté du conseil de préfecture de la Seine, a décidé que les machines à feu, à haute pression, n’ayant été classées au nombre des établissements dangereux, insalubres et incommodes que sous le rapport de la fumée et des dangers d’explosion et d’incendie, l’incommodité résultant du bruit pro duit par la machine n’était pas au nombre des motifs d’opposition susceptibles d’être accueillis par le conseil de préfecture .
Il faut remarquer toutefois que, dans cette espèce, le bruit était un résultat de l’emploi des presses mues par la vapeur qui se produisait également lorsque les presses étaient mues à force de bras, cas auquel cependant elles n’étaient point classées; d’où l’on concluait que les tribunaux seuls, et non l’administration, pouvaient avoir à statuer sur les inconvénients provenant de ce bruit. Aussi, quand cette circonstance particulière ne se présente pas, le principe posé par l’arrêt du conseil du 8 novembre 1829 n’est-il point appliqué d’une manière absolue. Le conseil d’État considère les motifs indiqués dans la nomenclature des établissements classés, plutôt comme des renseignements purement énonciatifs que. comme des règles limitatives. C’est ce qui résulte spécialement de diverses décisions où le conseil d’État a déclaré que toutes les causes, écrites ou non, qui ont pu motiver le classement, doivent être prises en considération pour déterminer l’autorisation à accorder à ces fabriques et les conditions auxquelles cette autorisation peut être donnée .
33. Formule de demande.
A M. le préfet du département de.... ou de police.
DEMANDE D’AUTORISATION POUR UN ATELIER DE DEUXIÈME CLASSÉ.
Le soussigné (nom et prénoms), fabricant de...., demeurant à....., a l’honneur de demander à M. le Préfet l’autorisation d’établir un atelier de...... (deuxième classe), dans la commune de....., où il se propose de fixer le siège de son exploitation.
Les procédés, appareils et époques de fabrication seront (en donner le détail).
Les bâtiments qui doivent servir à l’exploitation ne sont pas entièrement isolés d’autres habitations; mais ces dernières sont elles-mêmes affectées à divers genres d’industrie (donner la désignation).
Les circonstances topographiques sont de nature à prévenir les craintes d’insalubrité (les énumérer).
L’exposant offre, d’ailleurs, de prendre toutes les mesures et précautions nécessaires pour mettre le voisinage à l’abri des inconvénients qui pourraient résulter de sa fabrication (énumérer les mesures, telles que l’établissement d’appareils fumivores, de puisards, la clôture exacte des ateliers, etc.).
Il s’engage, en outre, à se conformer aux conditions qui seraient jugées nécessaires par l’administration.
L’exposant produit à l’appui de sa demande un plan (voir le détail à la formule ci-dessus n° 10).
(Date et signature.)
NOTA. En cas de rejet de la demande, le recours doit être formé devant le conseil d’État par le ministère d’un avocat au conseil.
§ III.
De l’autorisation des Établissements de troisième classe.
SOMMAIRE.
34. Caractère des établissements de troisième classe. — 35. Formalités de la demande et de l’instruction. — 36. Arrêté du sous-préfet. — 37. Recours contre la décision du sous-préfet. — 38. Recours contre la décision du conseil de préfecture. — 39. Motifs d’opposition et de recours. — 40. Formule de demande. — 41. Formule de recours.
34. Caractère des établissements de troisième classe. — Les établissements de la troisième classe se distinguent des établissements de la première et de la seconde, en ce qu’ils peuvent sans inconvénient être placés près des habitations, tout en restant soumis à la nécessité de l’autorisation et à la surveillance de la police. Ce sont les établissements qui n’étant ni dangereux, ni insalubres, sont seulement incommodes, et c’est en vue d’atténuer cette incommodité que sont prescrites les précautions auxquelles ils sont assujettis.
Conformément à l’ordonnance du 14 janvier 1815 (art. 3), qui a concilié les dispositions contradictoires des art. 2 et 8 du décret de 1810, l’autorisation est accordée, dans les départements, par le sous-préfet ou par le préfet dans les chefs-lieux où il n’y a pas de sous-préfet , après avis préalable du maire, et, dans le département de la Seine, par le préfet de police.
35. Formalités de la demande et de l’instruction. — Ces formalités simples et peu nombreuses sont les suivantes:
1° Demande adressée par l’industriel au sous-préfet ou au préfet, suivant les cas indiqués ci-dessus (n° 34);
2° Renvoi au maire, pour avoir son avis, ainsi que celui de la police locale.
Aucun règlement ne prescrit l’affiche de la demande, non plus que l’enquête de commodo et incommodo. — Le préfet de police à Paris est néanmoins dans l’usage d’y faire procéder, et cet exemple peut être utilement suivi partout .
Quand le préfet se trouve saisi de l’affaire, il peut, à son gré, demander l’avis purement consultatif du conseil de préfecture ,
36. Arrêté du sous-préfet. — Ces formalités sont suivies de la décision du sous-préfet ou du préfet en exerçant les fonctions.
Il est à remarquer que l’autorisation, accordée dans ces termes à un atelier de troisième classe, ne dispense en aucune façon l’industriel de se pourvoir à un autre point de vue devant les autorités compétentes, si l’établissement comprend en même temps un atelier de première ou de deuxième classe (voir n° 42), ou s’il est placé sur un cours d’eau, et soumis comme tel soit à l’autorisation spéciale du préfet (décret du 25 mars 1852), soit même à celle du Gouvernement (voir ci-après n° 151). Il suit de là que l’établissement qui se trouve dans cette situation mixte ne peut être mis en activité, en vertu de la simple autorisation du sous-préfet, et tant que les autres autorisations n’ont pas été obtenues .
39. Recours contre la décision du sous-préfet. — Aux termes des art. 8 du décret de 1810 et 3 de l’ordonnance de 1814, «s’il s’élève des réclamations contre la décision prise par les sous-préfets sur une demande en formation d’ateliers compris dans la troisième classe, elles seront jugées par le conseil de préfecture.» D’après la jurisprudence constante du conseil d’État, cette disposition absolue déroge, dans l’intérêt de l’industrie, au principe que tout recours contre les actes du sous-préfet doit être adressé au préfet, son supérieur immédiat suivant l’ordre hiérarchique . A la différence de ce qui a lieu pour les établissements de deuxième classe, elle supplique, sans distinction, et aux réclamations du postulant auquel l’autorisation a été refusée , et à celles des tiers qui auraient à se plaindre de l’autorisation accordée .
Le recours au conseil de préfecture, soit de la part du postulant, soit de la part de tiers opposants, n’est assujetti à aucun délai et est toujours redevable en la forme, quelque soit le laps de temps écoulé depuis la décision du sous-préfet .
Le conseil de préfecture est investi du droit, soit de révoquer, soit de maintenir l’autorisation accordée, comme aussi d’accorder l’autorisation refusée ; mais il ne peut statuer qu’après décision du sous-préfet et sur l’appel de cette décision: il n’est pas compétent pour apprécier les oppositions antérieures .
38. Recours contre la décision du conseil de préfecture. — Le recours au conseil d’État contre toute décision du conseil de préfecture est la règle générale, applicable par cela seul qu’il n’y est point apporté d’exception formelle. Dans le silence de la loi sur ce point, en ce qui concerne les établissements de troisième classe, la jurisprudence a donc dû admettre le recours du droit commun, dans le délai de trois mois, contre les décisions du conseil de préfecture, soit qu’elles maintiennent ou confèrent, soit qu’elles révoquent l’autorisation. Ce recours peut, suivant les cas, être formé par le postulant ou par les tiers opposants . (Voir ci-dessus nos 23, 24),
Lorsque le recours est formé par le postulant contre un arrêté qui a refusé l’autorisation, les tiers peuvent intervenir devant le conseil d’État, à la condition qu’ils aient dans la contestation un intérêt né et actuel; c’est-à-dire qu’ils soient voisins et se fondent sur l’incommodité que leur ferait éprouver l’établissement, Il ne suffirait pas qu’ils vinssent alléguer l’influence que la décision du conseil de préfecture pourrait exercer sur des demandes ultérieures de même nature (G. d’État, 10 janv. 1834).
Le conseil d’État comme, au reste, le conseil de préfecture, peut, en accordant ou confirmant l’autorisation, imposer des conditions nouvelles ou modifier celles exigées par les décisions qui lui sont déférées; il peut également ordonner un supplément d’instruction .
39. motifs d’opposition et de recours. — Quant à la nature des conditions qui peuvent être imposées, et aux motifs qui peuvent servir de base aux oppositions et aux recours, ils doivent se tirer uniquement de la cause pour laquelle l’atelier est classé, c’est-à-dire de son incommodité, et nullement, comme on l’a expliqué à l’égard des autres ateliers (n° 29), de raisons d’une nature différente, empruntées soit à l’intérêt particulier, soit même à l’intérêt général. Ainsi l’autorisation ne saurait être refusée, parce qu’un nouvel établissement ferait à un établissement antérieur une concurrence dommageable , ou parce que le fabricant, en choisissant l’emplacement de son atelier, n’aurait eu pour but que de se soustraire aux droits d’entrée.
Mais l’autorisation devrait être refusée, si la mise en activité d’un établissement nouveau à côté d’établissements anciens devait, par l’accumulation d’une trop grande quantité d’émanations, augmenter l’incommodité jusque-là tolérable; d’où il suit que la permission de créer un établissement dans une localité n’implique pas de soi celle d’en introduire un autre de même nature .
40. Formule de demande.
A M. le sous-préfet de l’arrondissement de.......
DEMANDE D’AUTORISATION POUR UN ÉTABLISSEMENT DE TROISIÈME CLASSE.
Le soussigné (nom et prénoms), fabricant de...., demeurant et domicilié à..., a l’honneur de demander à M. le Sous-Préfet l’autorisation d’établir un atelier de.... (troisième classe), dans la commune de....., où il se propose de fixer le siège de son exploitation.
Les procédés ou appareils employés à sa fabrication consistent en (donner le détail).
Les bâtiments d’exploitation consistent en les ateliers sont disposés à l’intérieur de la manière suivante (décrire les dispositions intérieures et extérieures du local avec d’autant plus de soin que la production d’un plan n’est pas exigée).
Bien que placé dans un quartier habité, l’atelier ne pourra causer aucun inconvénient sérieux aux habitations circonvoisines par suite des mesures de précautions ci-après énumérées (indiquer les mesures, telles que fermeture exacte des ateliers pour amortir le bruit, appareils fumivores, égouts, etc.)
PRODUCTION FACULTATIVE.
Plan de l’établissement.
(Date et signature.)
41. Formule de recours. — Le recours est porté devant le conseil de préfecture par une requête signée du postulant, ou d’un avocat au conseil d’État, d’un avoué, ou enfin d’un fondé de pouvoir en vertu d’une procuration annexée à la requête.
A MM. les membres du conseil de préfecture du département de.....
Le soussigné (nom, prénoms, profession, domicile) a l’honneur de vous déférer un arrêté de M. le Sous-Préfet de..... portant rejet d’une demande tendant à ce qu’il soit autorisé à établir un atelier de deuxième classe dans la commune de.....; — Les motifs sur lesquels s’appuie ce refus ne sont pas fondés en fait. En effet, les inconvénients allégués n’existent pas ou seront évités au moyen des mesures proposées par le requérant (réfuter les objections présentées par les opposants et admises par le sous-préfet). — En conséquence, le soussigné conclut à ce qu’il vous plaise lui accorder l’autorisation demandée.
PIÈCES PRODUITES.
1° L’arrêté attaqué ;
2° Les documents que le requérant jugera de nature à justifier du peu d’inconvénients de sa fabrication.
(Date et signature.)
§ IV.
De l’autorisation des Établissements mixtes.
SOMMAIRE.
42. Règles à suivre pour les établissements mixtes. — Des industries simplement juxtaposées. — 44. Formule de demande.
42. Règles à suivre pour les établissements mixtes. — Bien que la loi ait nettement distingué les ateliers industriels en catégories différentes, assujetties à des conditions spéciales, il arrive fréquemment dans la pratique que par la réunion de plusieurs sortes d’opérations ou même d’industries, un seul établissement se rattache à plusieurs classes.
Pour connaître en de telles circonstances quelles sont les règles à suivre afin d’obtenir l’autorisation, il faut considérer si l’établissement, bien que réunissant des ateliers distincts, affectés à des opérations diverses, ne constitue dans son ensemble que l’exploitation d’une seule et même industrie; ou bien s’il comprend en réalité plusieurs industries spéciales, simplement juxtaposées dans une enceinte commune.
Dans le premier cas, une seule autorisation est nécessaire, et elle est requise et conférée dans la forme applicable à la classe la plus élevée. Ainsi, pour prendre un des exemples les plus usuels, il arrive souvent qu’un établissement de troisième classe est pourvu de machines et chaudières à vapeur rangées dans la deuxième classe; c’est dès lors, non plus au sous-préfet, mais au préfet, et suivant le mode requis pour la deuxième classe , qu’il faut adresser une seule et même demande pour faire autoriser l’établissement dans son ensemble.
43. Des industries simplement juxtaposées. — Dans le second cas, c’est-à-dire lorsque plusieurs industries réellement; distinctes par leur nature ou leur objet sont exploitées dans divers ateliers compris dans la circonscription d’un même établissement, chaque atelier doit être pourvu d’une autorisation obtenue suivant les formes requises pour la classe à laquelle il appartient. C’est ce que le conseil d’État a décidé notamment à l’égard d’un établissement comprenant à la fois une fonderie de suif en branches ( première classe ) et une fabrique de chandelles (deuxième classe). ; et relativement à une usine où étaient exploitées à la fois une distillerie de mélasse ( deuxième classe ) et une fabrique de potasse ( troisième classe ), sur lesquelles le préfet avait cru pouvoir statuer par un même arrêté .
44. Formule de demande. — La formule à suivre est celle indiquée ci-dessus pour la classe la plus élevée à laquelle appartienne sous un rapport quelconque l’établissement en question (voir nos 17 et 30).
§ V.
Des Établissements antérieurs au décret du 15 octobre 1810.
SOMMAIRE.
45. Situation exceptionnelle des établissements antérieurs à 1810. — 46. La preuve de cette antériorité incombe à l’industriel. — 47. L’administration est juge de la question. — 48. Conditions de l’application de l’art. 11.
45. Situation exceptionnelle des établissements antérieurs à 1810. — Les règles que l’on vient d’exposer, quant à la nécessité de l’autorisation, s’appliquent généralement à tous les ateliers compris dans la nomenclature des établissements classés; cependant, il y est apporté une dérogation importante par l’art. 11 du décret de 1810, ainsi conçu:
«Les dispositions du présent décret n’auront point d’effet rétroactif.
«En conséquence, tous les établissements qui sont
«aujourd’hui en activité continueront à être exploités librement,
«sauf les dommages dont pourront être passibles les entrepreneurs
«de ceux qui préjudicient aux propriétés voisines.»
Cette disposition, applicable à tous les établissements dont l’existence, antérieurement au décret de 1810, n’avait donné lieu ni à contestation, ni à opposition , interdit à l’administration, non-seulement d’imposer à l’industriel la nécessité d’une autorisation spéciale, mais encore d’exiger de lui l’accomplissement de conditions nouvelles , à moins qu’il n’y ait péril grave pour la sûreté publique (art. 12 du décret de 1810; voir n° 69 ci-après).
46. La preuve de cette antériorité incombe à l’industriel. — C’est au reste au fabricant qui excipe, soit devant les tribunaux, soit devant l’administration, de l’existence de son établissement antérieurement à 1810, à faire la preuve de cette allégation, d’après la maxime: Reus in excipiendo fit actor. Ce moyen de défense, étant de nature à faire disparaître toute contravention par suite d’exploitation non autorisée, constitue une exception préjudicielle, en présence de laquelle il doit être sursis à statuer contre l’industriel, jusqu’à ce que l’époque de la fondation de l’établissement ait été déterminée par l’autorité compétente .
47. L’administration est juge de la question. — La solution de cette question doit être demandée à l’administration en vertu du principe proclamé par la Cour de cassation, dans l’arrêt du 30 avril 1841, «que d’après les dispositions du décret du
«15 octobre 1810, tout ce qui concerne l’établissement, la conservation
«ou la suppression des manufactures et ateliers qui
«répandent une odeur insalubre ou incommode, appartient à
«l’autorité administrative.»
D’après la jurisprudence du conseil d’État, le préfet est seul compétent pour rechercher et déclarer si l’établissement existait antérieurement au décret de 1810 . «Les décisions qu’il peut être appelé à rendre à cet effet participent d’ailleurs, dit M. Dufour, des caractères du contentieux, et sont par conséquent susceptibles de recours devant le ministre, et en second lieu devant le conseil d’État.» (T. 2, n° 586.) Nous admettons pleinement cette doctrine, puisqu’il s’agit ici du maintien d’un droit acquis et fondé sur la loi, bien que le contraire semble résulter d’un arrêt du conseil d’État du 22 février 1838 .
48. Conditions de l’application de l’art. II. — On conçoit que le bénéfice de l’art. 11 du décret de 1810 ne peut être invoqué par un industriel, que tout autant qu’il maintient son établissement dans les conditions existantes lors de la promulgation du décret, c’est-à-dire qu’il ne substitue pas aux procédés alors employés un mode d’exploitation plus nuisible au voisinage, soit par la nouveauté des moyens ou de l’objet de l’exploitation , soit par l’extension donnée à la fabrication. Ainsi il a été jugé que la substitution d’un haut fourneau et de trois chaufferies à la houille à un simple fourneau et à une seule chaufferie existants en 1810, entraînait la nécessité d’une autorisation ultérieure .
C’est en vertu du même principe que, d’après l’art. 13 du décret du 15 octobre 1810, «les établissements maintenus par l’art. 11 cesseront de jouir de cet avantage, dès qu’ils seront transférés dans un autre emplacement.»
Il en est de même, suivant le même article, quand une interruption de six mois dans les travaux a donné lieu de considérer l’établissement comme abandonné (voir sur les effets généraux de ces deux circonstances, les nos 61 et 62 ci-après).
Enfin l’origine antérieure à 1810 et l’autorisation tacite qui en résulte ne peuvent, non plus qu’une autorisation expresse, soustraire l’établissement aux mesures que l’administration a le droit de prendre, soit dans les cas prévus par l’art 12 du décret du 15 octobre (n° 69 ci-après), soit dans l’intérêt général de la sûreté publique.
§ VI.
Établissements non classés, mais de nature à l’être.
SOMMAIRE.
49. Situation des industries existantes au regard d’un classement nouveau. — 50. Établissements affectés à des industries nouvelles. Suspension par le préfet. — 51. Ce qu’il faut entendre par industries nouvelles. — 52. Recours contre l’arrêté de suspension. — 53. Classement et autorisation provisoires. — 54. Le classement provisoire dans la première classe n’appartient pas au préfet. — 55. Le classement définitif est réservé au Gouvernement.
49. Situation des industries existantes au regard d’un classement nouveau. — Le classement établi en principe par le décret de 1810, et appliqué notamment par l’ordonnance du 14 janvier 1815, n’est pas définitif et immuable, en ce qui concerne chaque espèce d’établissement. Des décrets ou ordonnances, rendus dans la forme de règlements d’administration publique, peuvent transporter et transportent en effet des ateliers d’une classe dans une autre, ou même soumettent au classement des ateliers qui n’y avaient pas été compris jusque-là. Ces établissements se trouvent, au regard des règlements postérieurs à leur formation, dans une situation identique à celle faite à tous les établissements en général qui existaient lors de la promulgation du décret de 1810. — Si ce décret, en instituant la nécessité de l’autorisation, en a néanmoins dispensé les ateliers antérieurs par respect pour le principe de la non-rétroactivité des lois, proclamé par l’art. 2 du Cod. Nap., il faut admettre, en vertu du même principe, que l’effet des nouveaux classements ne saurait réagir sur les ateliers antérieurement établis .
Telle est la règle qui doit être suivie à l’égard des établissements appartenant à des industries déjà connues et pratiquées à l’époque des classifications existantes, et laissées à dessein en dehors de ces classifications.
50. Établissements affectés à des industries nouvelles. — Suspension par le préfet. — La même règle n’est pas applicable aux industries nouvelles qui, n’existant pas encore lors des classifications, n’ont pu y être comprises, dont les inconvénients pour la sûreté ou la salubrité publiques n’ont pu être appréciés, et à l’égard desquelles l’administration, chargée de pourvoir à ces grands intérêts dès qu’ils se révèlent, doit conserver son action pleine et entière.
Non-seulement l’administration peut ranger dans une des trois classes cette sorte d’établissements, mais elle peut soumettre à l’effet de ce classement les ateliers déjà formés ou en voie de formation. Ces droits sont réglés par l’ordonnance de 1815 qui a suppléé sur ce point au silence complet du décret de 1810.
«Les préfets, dit l’art. 5 de l’ordonnance, sont autorisés à
«faire suspendre la formation ou l’exercice des établissements
«nouveaux qui, n’ayant pu être compris dans la nomenclature
«précitée, seraient cependant de nature à y être placés.»
51. Ce qu’il faut entendre par industries nouvelles. — La jurisprudence appliquant aux termes de cet article la distinction ci-dessus indiquée, a nettement déclaré qu’il s’agit dans l’art. 5, non pas des établissements de formation nouvelle en général, mais de ceux d’une nature nouvelle, appartenant à des industries non encore existantes lors des classements antérieurs, ou dont les conditions d’existence auraient été tout à fait changées par les progrès de l’industrie. Ainsi, tout en reconnaissant au préfet le droit de suspendre l’exercice d’une industrie nouvelle, comme la fabrication de chaudières pour machines à vapeur , elle lui a refusé le même droit à l’égard d’établissements de formation nouvelle, mais appartenant à des industries antérieurement pratiquées, tels qu’une forge destinée à confectionner des enclumes et des essieux .
52. Recours contre l’arrêté de suspension. — L’arrêté du préfet qui suspend la formation ou l’exercice de l’établissement qu’il juge susceptible d’entrer en classement, peut être déféré au ministre d’abord, puis au conseil d’État, par la voie contentieuse, si le réclamant prétend que c’est à tort que son industrie a été considérée comme nouvelle .
Ce droit de suspension, qui ne saurait, en aucun cas, appartenir au maire , est exercé par le préfet, quelle que soit la classe à laquelle l’établissement doive appartenir.
53. Classement et autorisation provisoires — Les préfets investis du droit de suspendre l’exploitation de l’établissement nouveau susceptible d’être classé, ont aussi celui de l’autoriser à des conditions et dans des limites qu’il importe de déterminer. L’art. 5 ajoute à cet égard: «Ils pourront accorder
«l’autorisation pour tous ceux qu’ils jugeront devoir appartenir
«aux deux dernières classes de la nomenclature, en remplissant
«les formalités prescrites par le décret du 15 octobre
«1810, sauf, dans les deux cas, à en rendre compte à notre directeur
«général des manufactures et du commerce.»
La décision par laquelle le préfet statue sur la question d’autorisation est d’ailleurs soumise, par l’art. 5 de l’ordonnance de 1815, aux formalités et aux recours établis par le décret de 1810; le refus d’autorisation peut être déféré au conseil d’État par la voie contentieuse .
54. Le classement définitif réservé au gouvernement. — La décision préfectorale emporte avec elle un classement qui n’est que provisoire, puisque le préfet est tenu d’en référer au ministre dans tous les cas; aussi aucun recours devant le conseil d’État ne serait-il admissible contre un tel arrêté de classement qui n’a rien de définitif. Le classement final, d’après lequel sera fixé le régime de l’établissement, ne peut lui-même résulter que d’un décret rendu en conseil d’État, sur le rapport du ministre de l’agriculture et du commerce; ce décret, quelle que soit son influence sur l’établissement en question, est un acte de pure administration qui ne peut être l’objet d’un recours au contentieux.
Du reste et avant que le classement définitif ne soit intervenu, le classement provisoire émané du préfet est obligatoire pour le fabricant, tant qu’il n’est pas réformé par l’autorité supérieure, et toute contravention à ses dispositions entraînerait l’application de l’art. 471, n° 15 du C. pén. .
55. Le classement provisoire dans la première classe n’appartient pas an préfet. — Le décret du 25 mars 1852 ayant assimilé, au point de vue de l’autorisation, les établissements de la première classe à ceux de la seconde, il semblerait en résulter que la distinction faite par l’art. 5 de l’ordonnance de 1815 est par là même supprimée, et que le pouvoir des préfets s’exerce sans restriction à l’égard de tous les ateliers. C’est ce qu’enseignent M. Dalloz (v° Manufactures, n° 197), et M. Dufour (t. II, n° 587). Toutefois, la circulaire ministérielle du 15 décembre 1852 maintient l’application exacte de l’ordonnance de 1815: «Pour ce qui concerne les établissements nouveaux
«qui, n’ayant pas été compris dans la nomenclature des ateliers
«classés, vous sembleraient de nature à être rangés dans
«la première classe, vous n’aurez pas à en déterminer le
«classement, même provisoire, mais vous en réfèrerez à mon
«ministère, afin que la mesure puisse être l’objet d’un
«décret.»
Cette prescription peut se fonder sur l’art. 6 du décret du 25 mars 1852, qui réserve au ministre le droit d’astreindre les préfets à lui soumettre les objets même de leur compétence exclusive qu’il lui plaira de déterminer; elle s’explique au point de vue industriel par la nécessité, que signale la circulaire précitée, de soumettre à un régime uniforme dans toute la France les établissements du même genre. Le maintien de la disposition spéciale de l’art. 5 de l’ordonnance de 1815 peut donc être justifié nonobstant la disposition générale du décret de 1852, et en fait, les préfets se croiront sans doute tenus d’agir d’après les instructions ministérielles.