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CHAPITRE VI
ОглавлениеTous les physiciens s’accordent à regarder les contraires comme des principes ; Parménide, Démocrite. - Les contraires sont en effet des principes ; démonstration de cette théorie, qui est exacte. Considérations générales sur les contraires ; conciliation des différents systèmes. Les principes sont nécessairement contraires entr’eux.
Tous les Physiciens sans exception, regardent les contraires comme des principes. C’est l’opinion de ceux qui admettent l’unité de l’être, quel qu’il soit, et son immobilité, comme Parménide, qui prend pour ses principes le froid et le chaud qu’il appelle la terre et le feu. C’est l’opinion de ceux qui admettent le rare et le dense, on, comme le dit Démocrite, le plein et le vide, l’un de ces contraires étant l’être aux yeux de ces philosophes et l’autre le non-être. Enfin, c’est l’opinion de ceux qui expliquent les choses par la position, la figure, l’ordre, qui ne sont que des variétés de contraires : la position étant, par exemple, en haut, en bas, en avant, en arrière ; la figure étant d’avoir des angles, d’être sans angles, d’être droit, circulaire, etc. Ainsi, tout le monde s’accorde, de façon ou d’autre, à reconnaître les contraires pour principes.
C’est d’ailleurs avec toute raison ; car les principes ne doivent ni venir les uns des autres réciproquement, ni venir d’autres choses ; et il faut, au contraire, que tout le reste vienne des principes. Or, ce sont là précisément les conditions que présentent les contraires primitifs. Ainsi, en tant que primitifs, ils ne dérivent pas d’autres choses ; et, en tant que contraires, ils ne dérivent pas les uns des autres. Mais il faut voir, en approfondissant encore cette théorie, comment les choses se passent.
Il faut poser d’abord cet axiome que, parmi toutes les choses, il n’y en a pas une qui puisse naturellement faire ou souffrir au hasard telle ou telle action de la part de la première chose venue. Une chose quelconque ne peut pas venir d’une autre chose quelconque, à moins qu’on n’entende que ce ne soit d’une manière purement accidentelle.
Comment, par exemple, le blanc sortirait-il du musicien, à moins que le musicien ne soit un simple accident du blanc ou du noir ? Mais le blanc vient du non-blanc, et non pas du non-blanc en général, mais du noir et des couleurs intermédiaires. De même le musicien vient du non-musicien, mais non pas du non-musicien en général, mais il vient de ce qui n’a pas cultivé la musique ou de tel autre terme intermédiaire analogue.
D’autre part, une chose quelconque ne se perd pas davantage dans une chose quelconque. Ainsi, le blanc ne se perd pas dans le musicien, à moins que ce ne soit encore en tant que simple accident ; mais il se perd dans le non-blanc, et non point dans un non-blanc quelconque, mais dans le noir, ou telle autre nuance de couleur intermédiaire. Tout de même le musicien se perd dans le non-musicien ; et non point dans un non-musicien quelconque, mais dans ce qui n’a pas cultivé la musique, ou dans tel autre terme intermédiaire.
Cet axiome s’applique également à tout le reste, et les êtres qui ne sont plus simples, mais composés, y sont pareillement soumis. Mais, en général, on ne tient pas compte de tous ces rapports, parce que les propriétés opposées des choses n’ont pas reçu dans le langage de dénomination spéciale.
Car il faut nécessairement que ce qui est organisé harmonieusement vienne de ce qui n’est pas organisé, et que ce qui n’est pas organisé vienne de ce qui l’est. Il faut, en outre, que l’organisé périsse dans l’inorganisé, et non point dans un inorganisé quelconque ; mais dans l’inorganisé opposé.
Peu importe qu’on parle ici d’organisation, ou d’ordre, ou de combinaison des choses. Evidemment cela revient toujours au même. Ainsi, la maison, pour prendre cet exemple, ou la statue ou telle autre chose, se produisent absolument de même. La maison vient de la combinaison de telles matières qui n’étaient pas antérieurement réunies de telle façon, mais qui étaient séparées. La statue, ou tout autre chose figurée, vient de ce qui était antérieurement sans figure. Et, de fait, chacune de ces choses n’est qu’un certain ordre ou une certaine combinaison régulière.
Si donc cette théorie est vraie, tout ce qui vient à naître naît des contraires ; tout ce qui vient à se détruire se résout en se détruisant dans ses contraires ou dans les intermédiaires. Les intermédiaires eux-mêmes ne viennent que des contraires ; et, par exemple, les couleurs viennent du blanc et du noir. Par conséquent, toutes les choses qui se produisent dans la nature, ou sont des contraires, ou viennent de contraires.
C’est jusqu’à ce point que sont arrivés comme nous la plupart des autres philosophes, ainsi que nous venons de le dire. Tous, sans peut-être en avoir d’ailleurs logiquement bien le droit, appellent du nom de contraires les éléments, et ce qu’ils qualifient de principes ; et l’on dirait que c’est la vérité elle-même qui les y force.
La seule différence entr’eux, c’est que les uns admettent pour principes des termes antérieurs, et les autres des termes postérieurs ; ceux-ci, des idées plus notoires pour la raison, ceux-là, des idées plus notoires pour la sensibilité ; pour les uns c’est le froid et le chaud ; pour les antres le sec et l’humide ; pour d’autres encore le pair et l’impair ; pour d’autres enfin l’amour et la haine, qui sont les causes de toute génération. Mais tous ces systèmes ne diffèrent entr’eux que comme je viens de l’indiquer.
J’en conclus que tous en un sens s’accordent, et qu’en un sens tous se contredisent. Ils se contredisent sur les points où le voit de reste tout le monde ; mais ils s’accordent par les rapports d’analogie qu’ils soutiennent entr’eux. Ainsi tous s’adressent à une seule et même série ; et, toute la différence, c’est que parmi les contraires qu’ils adoptent, les uns enveloppent et que les autres sont enveloppés. C’est donc à ce point de vue que ces philosophes s’expriment de même et qu’ils s’expriment différemment, les uns mieux, les autres moins bien, ceux-ci, je le répète, prenant des notions plus claires pour la raison, ceux-là des notions plus claires pour la sensibilité. Ainsi, l’universel est bien plus notoire pour la raison ; c’est l’individuel qui l’est davantage pour les sens, puisque la sensation n’est jamais que particulière. Par exemple, le grand et le petit s’adressent à la raison ; le rare et le dense s’adressent à la sensibilité.
En résumé, on voit clairement que les principes doivent nécessairement être des contraires.