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CHAPITRE II
ОглавлениеRapports et différences des mathématiques et de la physique. Critique de la théorie des Idées, qui se perd dans tes abstractions. - Deux aspects de la nature, la matière et la forme ; les anciens philosophes, Empédocle, Démocrite, etc., n’ont étudié que la matière. Le vrai physicien doit étudier la matière et la forme tout ensemble. Citation du traité Sur la philosophie.
Après avoir parcouru toutes les acceptions du mot de nature, nous devons dire maintenant en quoi l’étude des mathématiques diffère de l’étude de la physique ; car les corps de la nature ont des surfaces, des solidités, des lignes et des points, qui sont les objets particuliers des recherches du mathématicien.
Il faut voir en outre si l’astronomie diffère de la physique, ou si elle n’en est qu’une branche.
Car si c’est au physicien qu’il appartient de savoir ce que sont le soleil ou la lune dans leur essence, on pourrait trouver étrange qu’il ne lui appartint pas aussi d’étudier les phénomènes secondaires que ces corps présentent, surtout quand on voit qu’en général ceux qui s’occupent de l’étude de la nature traitent aussi de la figure du soleil et de la lune, et qu’ils recherchent, par exemple, si la terre et le monde sont sphériques ou ne le sont pas.
Le mathématicien, quand il étudie les surfaces, les lignes et les points, ne s’en occupe pas en tant que ce sont là les limites d’un corps naturel, et il ne regarde pas davantage aux propriétés qui peuvent accidentellement leur appartenir en tant que ces propriétés appartiennent à des êtres réels : aussi il peut abstraire ces notions, que l’entendement, en effet, sépare sans peine du mouvement ; et cette abstraction, qui n’amène aucune différence, n’est pas faite pour produire d’erreur
C’est là ce que font précisément aussi ceux qui admettent le système des Idées, sans d’ailleurs s’en apercevoir ; car ils abstraient les choses physiques, qui sont bien moins susceptibles d’abstraction que les choses mathématiques.
Ceci devient parfaitement clair, quand on se donne la peine de comparer de part et d’autre les définitions de ces choses et de leurs accidents. Ainsi, le pair et l’impair, le droit et le courbé, et d’un autre point de vue, le nombre, la ligue, la figure, peuvent exister sans le mouvement, tandis que des choses telles que la chair, les os, l’homme, ne peuvent pas se concevoir sans mouvement ; et l’on dénomme tontes ces dernières choses comme on dénomme le nez camard, et non comme on le fait pour le courbe.
C’est bien là encore ce que prouvent les parties des mathématiques qui se rapprochent le plus de la physique ; l’optique, l’harmonie et l’astronomie. En un certain sens, elles sont tout à fait l’inverse de la géométrie. Ainsi, tandis que la géométrie étudie la ligne qui est bien physique, mais qu’elle ne l’étudie pas telle que cette ligne est dans la nature, l’optique, au contraire, étudie la ligne mathématique, non pas en tant que mathématique, mais en tant qu’elle joue un rôle dans la réalité naturelle.
Comme le mot de Nature peut être pris en un double sens, et qu’il signifie à la fois la forme et la matière, il faut étudier ici ce mot, comme nous le ferions si nous avions à nous demander ce que c’est que la qualité de Camus car les choses de ce genre ne peuvent exister sans matière, et pourtant elles ne sont pas purement matérielles.
Mais du moment qu’on reconnaît deux natures, on peut hésiter doublement à savoir, d’une part, de laquelle des deux doit s’occuper le physicien, et d’autre part, s’il ne doit pas s’occuper uniquement de leur résultat commun. Mais s’il doit étudier ce résultat, ne faut-il pas aussi qu’il les étudie l’une et l’autre ? Par suite, connaître chacune de ces deux natures, est-ce le fait d’une même science ou d’une science différente ?
Si l’on regarde aux anciens philosophes, on pourrait croire que l’objet de la physique n’est que d’étudier la matière ; car Démocrite et Empédocle ont à peine effleuré la question de la forme et de l’essence.
Mais s’il est vrai que l’art imite la nature, on peut dire que c’est à une seule et même science d’étudier jusqu’à un certain point et tout à la fois la forme et la matière. Si par exemple, c’est au médecin d’étudier la santé, et de plus la bile et le flegme dans lesquels la santé consiste ; si de même l’architecte s’occupe tout ensemble de la forme de la maison et de la matière de la maison, les murailles et les bois, et ainsi de tout le reste, on en peut conclure que la physique doit étudier les deux natures à la fois.
Ajoutez que c’est à une seule et même science d’étudier et le pourquoi et la fin des choses, et tous les éléments qui y concourent. Or la nature est la fin et le pourquoi des choses ; car là où le mouvement étant continu, il y a une fin au mouvement, cette fin est le dernier terme et le pourquoi. Aussi l’exclamation du poète est-elle assez ridicule, quand il dit :C’est la fin pour laquelle il avait été fait !Car, il ne suffit pas qu’un terme soit le dernier pour qu’il soit toujours une fin véritable, et il n’y a que le bien qui en soit une.
Ainsi les arts travaillent la matière ; mais les uns la travaillent purement et simplement, tandis que les autres la façonnent du mieux qu’ils peuvent à notre usage ; et nous nous servons des choses comme si elles n’existaient qu’en vue de nous, puisqu’en effet nous aussi nous sommes bien une sorte de fin. Car le pourquoi peut s’entendre de deux façons, ainsi que nous l’avons dit dans nos livres intitulés : De la Philosophie. Il y a donc deux espèces d’arts qui commandent à la matière et qui en jugent, l’un de ces arts étant celui qui emploie les choses, et l’autre dirigeant comme un habile architecte, l’industrie qui les façonne. L’art qui emploie les choses joue bien aussi en quelque sorte le rôle d’architecte dirigeant ; mais il y a cette différence entre les deux arts que l’un, l’art architectonique, connaît de la forme, tandis que l’autre, qui façonne les choses, connaît de la matière. Ainsi, le pilote du navire connaît quelle doit être la forme du gouvernail et la commande, tandis que le constructeur sait de quel bois le gouvernail doit être fait, et quels mouvements on en exige. Dans les produits de l’art, c’est nous qui façonnons la matière en vue de l’œuvre à laquelle nous la destinons ; mais dans les choses de la nature, la matière est toute faite.
Enfin, il faut ajouter que la matière n’est qu’une relation, puisque la matière varie avec la forme et qu’à une autre forme répond une autre matière.
Mais jusqu’à quel point le physicien doit-il étudier la forme et l’essence des choses ? Doit-il les connaître comme le médecin connaît ce que c’est que les nerfs, ou le fondeur ce que c’est que l’airain qu’il fond, c’est-à-dire dans une certaine mesure, chacune de ces choses servant en effet à une certaine destination ? et doit-il s’occuper des choses qui, bien que séparables au point de vue de la forme, n’en sont pas moins toujours dans la matière ? Car l’homme et le soleil engendrent l’homme. Quant à savoir ce que c’est que le séparable, et quelle est son essence, c’est une question spécialement réservée à la philosophie première.