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CHAPITRE X
ОглавлениеErreur de quelques autres philosophes, qui, comme Parménide, admettant l’unité de l’être, n’ont pas distingué dans cette unité l’acte de la puissance. Définition générale de la matière et de la forme. - Fin de la théorie des principes de l’être, de leur nature et de leur nombre.
Il y a bien quelques autres philosophes qui ont touché à cette théorie de la nature première ; mais ils ne l’ont pas fait d’une manière suffisante.
D’abord ils reconnaissent avec nous que quelque chose peut venir absolument du non-être, et qu’en ceci Parménide a toute raison.
Mais ensuite ils prétendent que, la nature première étant une numériquement, elle ne doit également qu’être une en puissance ; or, c’est là une différence aussi énorme que possible.
Pour notre part, nous affirmons que la privation et la matière sont des choses très diverses ; que la matière est le non-être par accident, tandis que la privation est le non-être en soi ; et que la matière fort voisine de la substance est, à certains égards, substance elle-même, tandis que la privation ne l’est pas du tout.
Mais d’autres philosophes placent le non-être dans le grand et le petit indifféremment, soit en les réunissant tous les deux ensemble, soit en les prenant chacun séparément ; et, par conséquent, cette manière qu’ils ont d’entendre la triade est absolument différente de celle qui vient d’être indiquée. En effet, ils sont bien allés jusqu’à ce point d’admettre comme nécessaire l’existence d’une nature qui doit servir de support ; mais ils ont supposé que cette nature est une ; et si quelque philosophe admet une dyade en la reconnaissant dans le grand et le petit, il n’en fait pas moins encore comme eux, puisqu’il oublie l’autre partie de l’être qui est la privation.
L’une de ces parties, en effet, qui demeure et subsiste, concourt avec la forme pour produire comme une mère tous les phénomènes qui adviennent ; mais quant à l’autre partie de l’opposition des contraires, elle pourrait bien plus d’une fois faire l’effet de ne point exister du tout, pour celui qui ne regarderait en elle que son côté destructif.
En effet, comme il y a dans les choses un élément divin, excellent et désirable, nous disons que l’un de nos deux principes est contraire à cet élément, tandis que l’autre est fait par sa propre nature pour rechercher et désirer cet élément divin. Mais dans les théories que nous combattons, il arrive que le contraire désire sa propre destruction. Cependant il est à la fois impossible, et que la forme se désire elle-même, parce qu’elle n’a aucune défectuosité, et que le contraire la désire, puisque les contraires se détruisent mutuellement. Mais c’est là précisément le rôle de la matière ; et elle est comme la femelle qui désire devenir mâle, ou le laid qui veut devenir beau ; car la matière n’est pas le laid en soi ; elle n’est laide que par accident ; elle n’est pas non plus femelle en soi ; elle ne l’est qu’accidentellement.
Dans un sens, la matière périt et naît ; et dans un autre sens, elle ne naît ni ne périt. Ce qui périt en elle, c’est la privation ; mais en puissance elle ne naît ni ne périt en soi. Loin de là ; il y a nécessité qu’elle soit impérissable et incréée. En effet, si elle naissait, il faudrait qu’il y eût antérieurement un sujet originaire d’où elle pût venir ; mais c’est là justement sa nature propre ; et alors la matière existerait avant même de naître ; car j’appelle matière ce sujet primitif qui est le support de chaque chose, et d’où vient originairement, et non par accident, la chose qui en sort. Si l’on dit que la matière peut périr, elle rentrera en elle-même, puisqu’elle est le terme extrême, et il s’en suivrait que la matière aurait péri avant même de périr.
Quant au principe particulier de la forme, c’est le devoir de la Philosophie première de déterminer avec précision si ce principe est unique ou multiple, et d’étudier la nature de ce principe spécial, ou de ces principes, s’il y en a plusieurs. Nous renverrons donc pour cette occasion la théorie que nous ne faisons qu’indiquer ici, et nous nous réservons seulement de parler des formes naturelles et périssables dans les démonstrations qui vont suivre.
En résumé, nous nous sommes borné jusqu’à présent à établir qu’il y a des principes ; nous en avons déterminé la nature et le nombre. Abordons à cette heure une autre théorie, en prenant un autre point de départ.
FIN DU LIVRE I