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CHAPITRE IX
ОглавлениеExplication de l’erreur des anciens philosophes sur l’immobilité et l’unité de l’être : distinction sur le sens des mots Être et Non-être. - Autre explication par la distinction de l’acte et de la puissance.
Après ces développements, disons que cette théorie est déjà une manière de résoudre la question débattue par les anciens.
Les premiers philosophes, malgré leur amour pour la vérité et leurs recherches sur la nature des choses, s’égarèrent, poussés en quelque sorte dans une autre voie par leur inexpérience, et ils soutinrent que rien ne se produit et que rien ne périt, parce qu’il y a nécessité, suivant eux, que ce qui naît et se produit vienne de l’être ou du non-être, et qu’il y a pour l’un et pour l’autre cas égale impossibilité. Car, d’abord, disaient-ils, l’être ne devient pas puisqu’il est déjà ; et en second lieu, rien ne peut venir du néant, du non-être, puisqu’il faut toujours qu’il y ait quelque chose qui serve de support.
Puis, aggravant encore les conséquences de ce système, ils ajoutaient que l’être ne peut pas être plusieurs, et ils ne reconnaissaient dans l’être que l’être seul.
Déjà nous avons fait voir comment ils ont été amenés à cette opinion.
Mais à notre avis, entre ces diverses expressions, à savoir qu’une chose vient de l’être ou du non-être, ou bien que l’être ou le non-être fait ou souffre quelque chose, ou enfin que telle chose devient telle autre chose quelconque, il n’y a pas en un certain sens plus de différence que de dire ou que le médecin, par exemple, fait ou souffre telle chose, ou bien que de médecin l’être devient ou est telle autre chose.
Mais comme cette dernière expression a un double sens, il est clair que celles-ci, à savoir que la chose vient de l’être et que l’être agit ou souffre, ont également deux acceptions.
Si en effet le médecin vient à construire une maison, ce n’est pas en tant que médecin qu’il construit ; mais c’est en tant qu’architecte. S’il devient blanc, ce n’est pas davantage en tant que médecin, mais c’est en tant qu’il était noir, tandis que s’il guérit ou s’il échoue en tentant la guérison d’une maladie, c’est en tant que médecin qu’il agit.
Mais comme on dit au sens propre, éminemment, que c’est le médecin qui fait quelque chose ou souffre quelque chose, ou devient quelque chose de médecin qu’il était, quand c’est en tant que médecin qu’il fait cette chose ou qu’il la souffre ou qu’il devient quelque chose, il est clair que, quand on dit qu’une chose vient du non-être, ou devient ce qu’elle n’était pas, c’est en tant que cette chose n’était pas ce qu’elle devient.
C’est parce que les philosophes n’ont pas fait cette distinction qu’ils se sont tant égarés ; et cette première erreur les a conduits jusqu’à soutenir cette absurdité que rien autre chose en dehors de l’être ne se produit ni n’existe, et jusqu’à nier toute génération des choses.
Nous aussi, nous disons bien avec eux que rien ne peut, absolument parlant, venir du non-être ; mais nous admettons cependant que quelque chose peut venir du non-être, et, par exemple, indirectement et par accident. La chose vient alors de la privation, qui, en soi, est le non-être, et elle devient ce qu’elle n’était pas. Du reste, cette proposition est faite pour étonner, et il semble toujours impossible que quoi que ce soit puisse même ainsi venir du non-être.
C’est encore de la même façon qu’il faut comprendre que l’être ne peut pas plus venir même de l’être que du non-être, si ce n’est par accident.
L’être vient de l’être absolument de la même manière que si l’on disait que de l’animal vient l’animal, aussi bien que de tel animal particulier vient tel animal particulier aussi ; et par exemple, si l’on disait qu’un chien vient d’un cheval. Le chien alors pourrait venir non seulement d’un certain animal, mais encore de l’animal en général ; mais ce ne serait pas en tant qu’animal qu’il en viendrait, puisqu’il est déjà animal lui-même. Quand un animal doit devenir animal autrement que par accident, ce n’est pas de l’animal en général qu’il vient ; et si c’est d’un être réel qu’il s’agit, il ne viendra ni de l’être ni du non-être ; car nous avons expliqué qu’on ne peut comprendre cette expression, venir du non-être, qu’en tant que la chose n’est pas ce qu’elle devient.
De cette façon, nous ne détruisons pas ce principe que toute chose doit être ou n’être pas.
Voilà donc une première manière de résoudre la question posée par les anciens philosophes.
Il y en a encore une autre qui consiste en ce qu’on peut parler des mêmes choses, soit en tant que possibles soit en tant qu’actuelles ; mais nous avons exposé cette théorie de la puissance et de l’acte avec plus de précision dans d’autres ouvrages.
En résumé, nous venons de résoudre, comme nous l’avions promis, les difficultés qui ont amené nécessairement les anciens philosophes à nier quelques-uns de nos principes. C’est aussi la même erreur qui les a tant écartés de la route où ils auraient pu comprendre la génération et la destruction des choses, en un mot, le changement ; et cette nature première, s’ils avaient su la voir, aurait suffit pour dissiper leur ignorance.