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CHAPITRE VII
ОглавлениеDu nombre des principes : les principes sont finis suivant Empédocle ; et infinis, suivant Anaxagore. - Il n’y a pas un principe unique ; et les principes ne sont pas infinis. Le système le plus vrai peut-être, c’est d’admettre trois principes : l’unité, l’excès et le défaut ; ancienneté de ce système ; recherche de l’élément primordial
Pour faire suite à ce qui précède, on peut rechercher si les principes de l’être sont au nombre de deux, de trois ou davantage.
D’abord, il est impossible qu’il n’y en ait qu’un seul, puisque les contraires sont toujours plus d’un.
Mais il est impossible, d’autre part, qu’ils soient en nombre infini ; car, alors, l’être serait inaccessible à la science.
Et, dans tout genre qui est un, il n’y a qu’une seule opposition par contraires ; or, la substance est un genre qui est un.
Mais les choses peuvent bien venir aussi de principes finis ; et, si l’on en croit Empédocle, il vaut mieux qu’elles viennent de principes finis que de principes infinis ; car il croit pouvoir expliquer par des principes finis tout ce qui Anaxagore explique avec ses infinis.
Il y a en outre des contraires qui sont antérieurs à d’autres contraires ; et il y en a qui viennent de contraires différents : ainsi, le doux et l’amer, le blanc et le noir. Mais, quant aux principes, ils doivent toujours rester immuables.
Je tire de tout ceci la conclusion, d’une part, qu’il n’y a pas un principe unique des choses, et, d’autre part, que les principes ne sont pas en nombre infini.
Du moment que les principes sont limités, il y a quelque raison de supposer qu’ils ne peuvent pas être seulement deux ; car alors on pourrait également se demander, ou comment la densité peut jamais faire quelque chose de la rareté, ou à l’inverse comment la rareté produirait jamais la moindre action sur la densité ; et de même pour toute autre opposition par contraires. Par exemple, l’Amour ne peut pas se concilier la Haine, ni en tirer quoi que ce soit, pas plus que la Haine ne peut rien faire de l’Amour. Mais tous les deux agissent sur un troisième terme qui est différent de l’un et de l’autre ; et voilà pourquoi certains philosophes ont imaginé plus de deux principes pour expliquer le système entier des choses.
Une autre difficulté qu’on rencontrerait si l’on refusait d’admettre qu’il y a une nature différente servant de support aux contraires, c’est que, comme l’observation nous le démontre, les contraires ne sont jamais la substance de rien. Or, le principe ne peut pas du tout être l’attribut de quoi que ce soit ; car alors il y aurait un principe du principe, puisque le sujet est principe, et qu’il est antérieur à ce qui lui est attribué.
De plus, nous soutenons que la substance ne peut être contraire à la substance ; et, alors, comment la substance pourrait-elle venir de ce qui n’est pas substance ? Et comment ce qui n’est pas substance serait-il antérieur à la substance même ?
Il résulte de ceci que si l’on admet à la fois l’exactitude de notre premier raisonnement et l’exactitude de celui-ci, il faut nécessairement, pour sauver la vérité des deux, admettre un troisième terme outre les deux contraires.
C’est du reste ce que font les philosophes qui constituent l’univers avec une nature et un élément uniques, prenant l’eau ou le feu, ou un élément intermédiaire.
Mais il nous semble que c’est plutôt à cet intermédiaire qu’il faudrait prêter ce rôle, puisque le feu, la terre, l’air et l’eau sont toujours, entremêlés de quelques contraires. Aussi, on peut ne pas trouver déraisonnables ceux qui pensent que le sujet est encore quelqu’autre chose que les éléments ; puis, viennent ceux qui prennent l’air pour premier principe ; car l’air est celui de tous les éléments dont les différences sont le moins sensibles ; puis, enfin, ceux qui prennent l’eau pour principe de tout.
Mais tous ces philosophes s’accordent à transformer leur principe unique par des contraires, telles que la rareté, la densité ; le plus, le moins ; et, comme nous le faisions remarquer un peu plus haut, ce n’est là, en résumé, qu’excès ou défaut.
C’est, du reste, je crois, une opinion fort ancienne que de trouver dans l’excès ou le défaut tous les principes des choses. Seulement, tout le monde n’entend pas ceci de la même manière ; car les anciens prétendaient que ce sont les deux derniers qui agissent et que c’est l’unité qui souffre, tandis que quelques-uns des philosophes postérieurs avancent au contraire, que c’est bien plutôt l’unité qui agit, et que les deux autres ne l’ont que souffrir son action.
Ce sont ces arguments-là et des arguments analogues qui donneraient à penser, non sans raison, que les éléments sont au nombre de trois, comme nous venons de le dire.
Mais on ne peut aller jusqu’à soutenir qu’ils sont plus de trois. Car, d’abord, l’unité suffit à souffrir les contraires.
Puis, si l’on admet qu’ils sont quatre, il y aura dès lors deux oppositions par contraires, et il faudra, en outre, pour chacune d’elles séparément une autre nature intermédiaire. Or, s’ils peuvent, en étant simplement deux, s’engendrer l’un par l’autre, il y a, par conséquent, l’une des deux oppositions qui devient parfaitement inutile.
Enfin, il est également impossible qu’il y ait plus d’une seule opposition primordiale par contraires ; car la substance étant un genre unique de l’être, les principes ne peuvent différer entr’eux qu’en tant que les uns sont postérieurs et les autres antérieurs. Mais ils ne différent plus en genre, un genre ne pouvant jamais contenir qu’une seule opposition, et toutes les oppositions pouvant, en définitive, être ramenées à une seule.
Ainsi, évidemment, il ne se peut pas qu’il n’y ait qu’un élément unique ; il ne se peut pas non plus qu’il y en ait plus de deux ou trois. Où est ici le vrai ? C’est ce qu’il est très difficile de savoir, ainsi que je l’ai dit.