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CHAPITRE III

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La philosophie est l’étude des causes premières ou principes ; quatre espèces de causes : la substance, la matière, l’origine du mouvement et le but final ; citation de la Physique ; les premiers philosophes s’attachèrent à l’idée de la matière ; ils sont unanimes à cet égard, mais ils diffèrent sur le nombre des principes ; Thalès se prononce pour l’eau ; les Théologues ; Hippon ; Anaximène et Diogène se prononcent pour l’air ; Hippase et Heraclite, pour le feu ; Empédocle admet les quatre éléments ; insuffisance de ces systèmes, aboutissant tous à l’unité de l’Être ; nécessité d’une recherche plus profonde, et d’une cause autre que la matière ; Parménide la pressent ; Anaxagore de Clazomène la trouve dans l’Intelligence ; immensité de cette découverte ; Hermotime de Clazomène.

1. Un point qui est évident, c’est que, pour acquérir la science, il faut remonter jusqu’à la connaissance des causes premières ; car, quel que soit l’objet dont il s’agisse, on ne peut dire de quelqu’un qu’il sait une chose que quand on croit qu’il en connaît la cause initiale.

2 Le mot de Cause peut avoir quatre sens différents. D’abord il y a un sens où Cause signifie l’essence de la chose, ce qui fait qu’elle est ce qu’elle est. Le pourquoi primitif d’une chose se réduit en définitive à sa définition propre, et ce pourquoi primitif est une cause et un principe des choses.

3. Une seconde cause des choses, c’est leur matière, leur sujet matériel.

4. La troisième cause, c’est celle qui est l’origine du mouvement de la chose.

5. Enfin la quatrième, qui est placée à l’opposé de celle-là, c’est le but final pour lequel la chose est faite ; c’est le bien de la chose, attendu que le bien est la fin dernière de tout ce qui se produit et se développe en ce monde.

6 Quoique nous ayons suffisamment expliqué ces quatre causes dans la Physique, [983b] nous repasserons cependant en revue les opinions de ceux qui nous ont précédé dans l’élude des êtres et qui ont cherché la vérité en philosophes ; car il est certain qu’eux aussi ils admettaient des principes et des causes. Cet examen pourra être un préambule utile pour les études que nous faisons ici. Ou cet examen nous fera découvrir un nouvel ordre de cause, ou il nous confirmera d’autant plus complètement dans le système des quatre causes que nous venons d’indiquer.

7 C’est uniquement dans l’ordre de la matière que les premiers philosophes, ou du moins la plupart d’entre eux, ont cru découvrir les principes de tous les êtres.

8. En effet, ce qui constitue tous les êtres sans exception, ce qui est la source primordiale d’où ils sortent, ce qui est le terme où ils finissent par rentrer, quand ils sont détruits, substance qui au fond est persistante et qui ne fait que subir des modifications, ce fut là, aux yeux de ces philosophes, l’élément des choses et leur principe ; ils en conclurent que d’une manière absolue rien ne naît et que rien ne périt, puisque cette nature, telle qu’ils la comprenaient, se conserve el subsiste perpétuellement.

9. De même qu’on ne peut pas dire de Socrate, d’une manière absolue, qu’il est produit et qu’il naît, par cela seul qu’il devient beau ou qu’il devient savant, el que l’on ne dit pas non plus qu’il périt absolument quand il ne perd qu’une de ces manières d’être, par cette excellente raison que le sujet qui est Socrate lui-même n’en subsiste pas moins ; de même, selon ces premiers philosophes, aucun des autres êtres ne se produit ni ne périt absolument.

10. Car il faut que ce soit ou une nature unique ou des natures multiples, d’où tout le reste puisse sortir, puisque cette nature demeure et persiste toujours.

11. Cependant, quand il s’agît de déterminer le nombre de ces principes ou la nature spéciale de ce principe unique, les opinions ne sont plus unanimes.

12. Par exemple, Thalès, auteur et chef de ce système de philosophie, prétendit que l’eau est le principe de tout, et c’est là ce qui lui fît affirmer aussi que la terre repose et flotte sur l’eau. Probablement, il tira son hypothèse de ce fait d’observation que la nourriture de tous les êtres est toujours humide, que la chaleur même vient de l’humidité, et que c’est l’humidité qui fait vivre tout ce qui vit. C’est ainsi que l’élément d’où proviennent quelques-unes des choses parut à Thalès le principe de toutes choses sans exception.

13. A ce premier motif, qui déjà lui suffisait, il ajouta cette autre observation, que les germes de tous les êtres sont de nature humide, et que l’eau est le principe naturel de tous les corps humides.

14. C’est là, du reste, l’opinion que l’on prête aussi quelquefois aux plus anciens philosophes, qui ont de beaucoup précédé notre âge, et aux premiers Théologies, qui, dit-on, ont compris la nature comme la comprenait Thalès. Pour eux, en effet, l’Océan et Téthys passaient pour les auteurs de toute génération ; les dieux ne juraient que par l’eau que les poètes nommaient le Styx ; or, ce qu’il y a de plus ancien est aussi ce qui est le plus sacré, et rien n’est plus sacré que la chose par laquelle on jure.

15. [984b] Du reste, que cette antique et vieille idée de la nature ait été réellement professée, c’est ce qu’on ne sait pas très clairement. Mais le système qu’on vient d’attribuer à Thalès sur la cause première a certainement été le sien.

16. Hippon est digne à peine d’être compté parmi ces philosophes, attendu que ses doctrines sont par trop arbitraires.

17. Anaximène et Diogène ont cru l’air antérieur à l’eau, et ils l’ont regardé comme le principe essentiel des corps simples.

18. Pour Hippase de Métaponte et Heraclite d’Ephèse, ce principe était le feu.

19. Empédocle reconnut les quatre éléments, en ajoutant aux trois précédents la terre, qui forma le quatrième. Il supposait que ces éléments sont éternels, et que jamais ils ne se manifestent qu’en se réunissant et en se désunissant, en plus ou moins grande quantité, selon qu’ils se combinent dans l’unilé, ou qu’ils sortent de l’unité formée par eux.

20. Anaxagore de Clazomène, qui était plus ancien qu’Empédocle, mais qui en réalité ne s’est montré qu’après lui, a prétendu que les principes sont infinis. Dans son opinion, les corps à parties similaires (homœoméries), tels que sont l’eau et le feu, ne naissent et ne périssent guère qu’en tant qu’ils se combinent et se divisent ; mais, sous tout autre rapport, ces corps ne sont exposés ni à naître ni à périr, attendu qu’ils sont éternels, dans le système d’Anaxagore.

21. D’après toutes ces théories, on aurait donc pu supposer qu’il n’y a qu’une seule cause, celle qui, dans la nature, se présente à nous sous forme de matière.

22. Mais à mesure qu’on avança dans cette voie, la réalité elle-même traça la route aux philosophes, et leur imposa la nécessité d’une recherche plus profonde. En effet, si toute destruction et toute production ne peuvent s’appliquer jamais qu’à un sujet, que ce sujet soit d’ailleurs unique ou multiple, comment ce phénomène de changement a-t-il eu lieu, et quelle en est la cause? Evidemment, ce n’est pas le sujet lui-même où se passe le changement qui peut s’imposer les changements qu’il subit ; je veux dire, par exemple, que ce n’est ni le bois, ni l’airain, qui sont cause des changements que chacun d’eux éprouve. Ce n’est pas le bois apparemment qui fait le lit ; ce n’est pas l’airain qui fait la statue ; mais la cause du changement éprouvé est étrangère à l’objet qui l’éprouve.

23. Or, chercher cette cause, c’est chercher un principe tout autre ; et ce principe-là, comme nous proposerions de l’appeler, c’est le principe d’où part le mouvement. Mais ceux qui tout-à-fait les premiers ont mis la main à celte étude, et qui ont déclaré que le sujet des phénomènes est absolument un, n’ont pas vu en cela la moindre difficulté.

24. Néanmoins, quelques-uns de ceux qui soutenaient ce système de l’unité, vaincus en quelque sorte par la grandeur de cette recherche, affirmèrent que l’unité est absolument immobile, et que la nature tout entière est immobile aussi, non pas seulement parce qu’elle ne subit pas les alternatives de production et de destruction, doctrine fort ancienne et unanimement adoptée, mais en outre parce qu’elle est sous traile à toute autre espèce de changement. Cette négation du mouvement est une doctrine qui appartient en propre à ces philosophes.

25. [984b] Ainsi, parmi tous ceux qui soutiennent l’unité des choses et du Tout, il n’en est pas un qui ait reconnu la cause qui produit le mouvement, si ce n’est peut-être Parménide ; et encore lui-même ne l’a-t-il discernée que dans cette mesure où l’on peut dire de lui qu’il n’admet pas seulement l’unité de cause, mais que bien plutôt il admet en quelque sorte deux causes.

26. Quant aux philosophes qui croient à plusieurs principes et qui admettent par exemple le froid et le chaud, ou le feu et la terre, ceux-là peuvent admettre plus aisément le principe du mouvement ; car, selon leurs idées, le feu est animé d’une nature essentiellement mobile, tandis qu’ils attribuent à l’eau, à la terre et aux corps analogues, une action précisément toute opposée.

27. Mais, après tous ces philosophes, et après tous ces principes qui étaient impuissants à expliquer la production et la nature des êtres, les sages ont été contraints, comme je le disais, par la vérité elle-même, à chercher le principe qui était la conséquence inévitable de celui qu’ils admettaient ; car ce qui fait que certaines choses sont bonnes et belles et que d’autres le deviennent, ce ne peut être vraisemblablement ni la terre, ni aucun élément de cet ordre, qui en soit la cause. D’ailleurs, il n’est pas non plus vraisemblable que ces philosophes aient conçu une si grossière idée ; et, en effet, il serait par trop déraisonnable de s’en remettre pour une chose aussi importante que celle-là à l’action d’une cause fortuite et à l’action du hasard.

28. Aussi, quand un homme vint proclamer que c’est une Intelligence qui, dans la nature aussi bien que dans les êtres animés, est la euse de Tordre et de la régularité qui éclatent partout dans le monde, ce personnage fît l’effet d’avoir seul sa raison, et d’être en quelque sorte à jeun après les ivresses extravagantes de ses devanciers.

29. Nous pouvons croire avec certitude que c’est Anaxagore qui a soutenu des opinions aussi sages ; mais avant lui, Hermotime de Glazomène avait déjà signalé cette cause.

30. Ce sont donc les philosophes, partisans de ce système, qui, en même temps, ont établi que la cause qui fait que tout est bien dans le monde est aussi la cause d’où part le mouvement, dont est animé tout ce qui existe.

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