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CHAPITRE VI
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Pourquoi le philosophe doit-il étudier d’autres êtres que les êtres sensibles ? Les éléments sont-ils en puissance ou en acte ? Les principes sont-ils universels ou particuliers ?

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Une question qu’on doit absolument se poser, c’est de savoir pourquoi il faut, en dehors des êtres sensibles et des êtres intermédiaires, chercher encore d’autres objets, par exemple, ceux qu’on appelle idées53. Le motif, dit-on, c’est que si les êtres mathématiques [15] différent par quelque autre endroit des objets de ce monde, ils n’en diffèrent toutefois nullement par celui-ci, qu’un grand nombre de ces objets sont d’espèce semblable. De sorte que leurs principes ne seront pas bornés à l’unité numérique. Il en sera comme des principes des mots dont nous nous servons, qui se distinguent, non pas numériquement, mais génériquement ; à moins toutefois qu’on ne les compte dans telle syllabe, [20] dans tel mot déterminé, car dans ce cas ils ont aussi l’unité numérique54. Les êtres intermédiaires sont dans ce cas. Là aussi les similitudes d’espèce sont en nombre infini. De sorte que s’il n’y a pas, en dehors des êtres sensibles et des êtres mathématiques, d’autres êtres, ceux que quelques philosophes appellent idées, alors il n’y a pas de substance, une en nombre et en genre ; et alors les principes des êtres ne sont point des principes [25] qui se comptent numériquement ; ils n’ont que l’unité générique. Et si cette conséquence est nécessaire, il faut bien qu’il y ait des idées. En effet, quoique ceux qui admettent leur existence n’articulent pas bien leur pensée, voici ce qu’ils veulent dire, et telle est la conséquence nécessaire de leurs principes. Chacune des idées est une substance, aucune n’est accident. [30] D’un autre côté, si l’on établit que les idées existent, et que les principes sont numériques et non génériques, nous avons dit plus haut quelles impossibilités en résultent nécessairement.

Une recherche difficile se lie aux questions précédentes : Les éléments sont-ils en puissance ou de quelque autre manière ?55 S’ils sont de quelque autre manière, comment y aura-t-il une autre chose antérieure aux principes (car [1003a] la puissance est antérieure à telle cause déterminée, et il n’est pas nécessaire que la cause qui est en puissance passe à l’acte) ? Mais si les éléments ne sont qu’en puissance, il est possible qu’aucun être n’existe. Pouvoir être, c’est n’être pas encore ; puisque ce qui devient, c’est ce qui n’était pas, et que rien ne devient, qui n’a pas la puissance d’être.

Telles sont les difficultés qu’il faut se proposer relativement aux principes. Il faut se demander encore si les principes sont universels, ou bien s’ils sont des éléments particuliers56. S’ils sont universels, ils ne sont pas des essences, car ce qui est commun à plusieurs êtres, indique qu’un être est de telle façon, et non qu’il est proprement tel être. Or, l’essence, c’est ce qu’est proprement un être. Et si l’universel [10] est un être déterminé, si l’attribut commun aux êtres peut être posé comme essence, il y aura dans le même être plusieurs animaux, Socrate, l’homme, l’animal ; puisque dans la supposition, chacun des attributs de Socrate indique l’existence propre et l’unité d’un être. Si les principes sont universels, voilà ce qui s’ensuit. Mais s’ils ne sont pas universels, s’ils sont comme des éléments particuliers, ils ne peuvent être l’objet d’une science, toute science [15] portant sur l’universel de sorte qu’il devra y avoir d’autres principes antérieurs à eux, et marqués du caractère de l’universalité, pour qu’il puisse y avoir science des principes57.

FIN DU LIVRE III

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