Читать книгу Mémoires sur la cour de Louis Napoléon et sur la Hollande - Athanase Garnier-Audiger - Страница 10

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CHAPITRE VII.

Table des matières

Réunion à Paris des souverains alliés. — Le roi Louis hésite à s’y rendre. — Conseil des ministres à cet égard. — Le roi va à Paris. — Assemblée. du corps législatif. — Arrivée du roi à Paris, — Visite à l’empereur. — Accueil fraternel. — Inquiétude du roi. — Le roi voit peu de monde à Paris. — Fâcheux pressentimens de Louis justifiés. — Réflexions à cet égard.

QUAND Napoléon eut résolu de réunir à Paris tous les souverains alliés de la France, le roi de Hollande se montra peu jaloux de quitter ses états, tant il redoutait qu’un enchaînement de circonstances ne l’en éloignât peut-être pour toujours. La reine était restée à Paris depuis la mort de son fils, ayant auprès d’elle le second de ses enfans, devenu prince royal, que le roi aimait tendrement; mais Louis était peu désireux de se prêter à un rapprochement avec sa femme, et pourtant c’était le seul moyen de voir son fils chéri. Rien n’égalait son anxiété : sa tendresse paternelle le poussait vers la France, et la politique le retenait en Hollande. L’éloignement du roi pour ce voyage s’accroissait chaque jour en apprenant le nombre considérable des troupes françaises incessamment dirigées sur la Belgique. Ces mouvemens avaient tout le caractère de sourdes hostilités, et inquiétaient singulièrement le roi; refuser d’aller à Paris, c’était détruire toute harmonie entre la France et la Hollande, et préparer à celle-ci un avenir épouvantable; c’était rompre entre les deux frères, c’était une déclaration de guerre entre les deux nations: la Hollande, comme la plus faible, succomberait nécessairement, et la France lui imposerait toutes les conditions qu’exigerait sa puissance.

Avant de prendre un parti, le roi consulta ses ministres, exposa franchement toutes ses craintes, toutes ses inquiétudes, et dans le malaise d’une situation aussi délicate, il demandait avec instance, il écoutait avec beaucoup de calme les avis de tous ceux qu’il avait appelés à son conseil: il s’agissait du salut de l’État, de l’État menacé de perdre la dernière lueur d’indépendance qui lui restait encore, et avec elle le roi que la nation chérissait, quoiqu’on le lui avait imposé. Un seul des ministres, M. Kraayenhoff, ministre de la guerre! était d’avis que le roi ne fût point à Paris, et que l’on opposât une vigoureuse résistance à la France, si elle mettait la Hollande dans la pénible nécessité de se défendre. Les troupes affluaient de plusieurs côtés sur les frontières de la Hollande: garder le silence sur de semblables dispositions, c’était en provoquer de plus fortes encore, et se laisser entourer de légions étrangères sans se mettre sur la défensive; c’était sans coup férir s’avouer vaincu. Mais, où prendre un point d’appui? Comment tenter une défense que les événemens rendraient extrêmement difficile? Fallait-il tourner les yeux du côté de l’Angleterre? Une alliance ouverte avec cette puissance était bien dangereuse; car, en s’affranchissant d’un côté, c’était peut-être d’un autre s’asservir davantage. Quoique Louis penchât vers l’opinion du ministre de la guerre, trouvant dans les autres ministres une opposition formelle à un projet de défense, et malgré le désir sincère de résister à l’agression de la France, il déclara qu’il irait à Paris, et qu’il cédait à la nécessité dans l’espoir que son absence pourrait être utile à l’État, améliorer le sort de la nation, au bonheur de laquelle il se sentait plus que jamais le besoin de contribuer.

Avant son départ, le roi assembla le corps législatif, auquel il annonça la résolution qu’il avait prise, sans toutefois dissimuler le danger qui pouvait suivre cette démarche; et il eut la naïveté de demander le secret de ces aveux et de ces réticences à un corps assemblé.

Sans faste et sans l’étalage pompeux de la souveraineté , le roi partit pour Paris à la fin de novembre 1809, n’emmenant avec lui que quelques officiers et un très-petit nombre de gens de service. Plein du désir de conserver à la Hollande tous ses avantages, Louis, tant qu’il fut sur les terres du royaume, ordonna toutes les mesures qui prouvaient qu’au besoin il opposerait d’abord la force aux envahissemens qu’on pourrait tenter. Son cœur était plein de l’amour de la patrie. Arrivé à Paris, il descendit chez madame, mère; il aurait pu occuper son hôtel, mais la reine l’habitait, et c’était pour le roi une puissante raison de s’en éloigner.

D’après le peu d’harmonie qui régnait entre la France et la Hollande, et Louis se rappelant les mortifications dont il avait été abreuvé au nom de l’empereur, il s’attendait à un accueil peu fraternel: il en fut tout autrement; Napoléon reçut son frère fort gracieusement, et avec le ton d’une amitié vive et sincère. Le roi en fut surpris, mais son cœur en fut touché. Débarrassés du fatigant cortège de l’étiquette, les deux monarques disparurent un instant devant la simple et bonne amitié : c’étaient deux frères qui, après de pénibles contestations, se revoyaient avec plaisir. On ne s’occupa point d’affaires; on fut tout au sentiment de la satisfaction qu’on éprouvait; mais le roi aurait voulu qu’on abordât sans hésiter, et franchement, la question, des intérêts qui depuis quelque temps divisaient les deux nations; les antécédens le rendaient méfiant, et le silence de Napoléon lui laissa peu d’illusions; il dut voir à la manière dont on le traitait sans conséquence, qu’il serait seulement informé, par forme de simple communication, de ce qu’on exigerait de la Hollande, sans le consulter, ni s’assurer si cela entrait dans ses vues, et si de telles dispositions conviendraient aux intérêts du royaume.

Dans ce congrès de rois réunis à la cour de France, le roi de Hollande fut de tous les souverains étrangers le moins ennuyé des visites de corps, des civilités d’étiquette, dont il eut le bon esprit de s’affranchir autant que possible. Il s’en applaudissait, et disait à son aide-de-camp: «Autant j’aimerais à revoir mes anciens amis, autant je suis peu jaloux de ces honneurs rendus à mon rang seulement.» Combien il est sage le prince qui n’oublie pas plus ses premiers plaisirs que ses anciens amis!

Les fâcheux pressentimens de Louis ne se réalisèrent que trop, et le discours que Napoléon prononça au corps législatif annonça bien quel était le triste sort réservé à la Hollande; le roi eût peut-être protesté séance tenante; mais on avait eu soin de ne pas le convoquer à cette séance à laquelle assistaient tous les autres souverains alliés de la France. Le malheureux Louis fut donc réduit à dissimuler son chagrin, à concentrer son dépit; il regretta trop tard de n’être pas resté en Hollande .

En quittant Amsterdam, le roi, quoique pressentant bien quelques entraves, avait annoncé qu’il serait de retour dans ses états vers la fin de l’année; mais les choses se compliquèrent à un tel point qu’il ne lui fut plus possible d’en assigner l’époque. Les affaires de la Hollande se traitaient dans le cabinet de l’empereur sans la participation du roi, parce qu’on avait la conviction qu’il ne consentirait point aux sacrifices qu’on exigerait, ni à coopérer à la direction qu’on voulait imposer à son gouvernement.

Le siècle et la postérité accorderont toujours au prince Louis Bonaparte le tribut d’éloges que lui ont justement acquis un cœur droit et un véritable amour du bien; mais il n’a pas paru comprendre le rôle qui lui était destiné sur le trône de Hollande: il n’aurait pas dû croire un instant à la possibilité de conduire le vaisseau de l’État confié à sa surveillance autrement que dans les intérêts de la France; il n’avait point à juger la question de savoir si le système de Napoléon s’accordait avec les intérêts de la Hollande: l’empereur des Français, en le créant roi de ce pays, dont sa puissance pouvait disposer à son gré, lui avait tacitement imposé l’obligation d’un dévouement exclusif, et d’une obéissance aveugle à ses volontés suprêmes.

Mémoires sur la cour de Louis Napoléon et sur la Hollande

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