Читать книгу Mémoires sur la cour de Louis Napoléon et sur la Hollande - Athanase Garnier-Audiger - Страница 7
ОглавлениеCHAPITRE IV.
Retour de Louis à La Haye. — Blocus des Iles britanniques. — Décret du roi sur l’exécution de ce blocus. — Codes et contributions. — Institution des grands officiers du royaume. — Détails sur la maison du roi, et désastre de Leyde. — Désir du roi d’habiter Amsterdam. — Création de l’ordre de l’Union. — Nouveaux impôts et création d’une direction des beaux-arts. — Séquestre des marchandises anglaises. — Députation hollandaise à Napoléon en Allemagne.
EN rentrant à la résidence royale, Louis, apprenant le système du blocus des Iles britanniques, en ressentit un vif chagrin; car cette mesure pouvait amener la ruine de ses états. Il chercha à éluder l’exécution du fatal décret de Napoléon; mais, quels que fussent ses efforts et sa prudence, l’empereur apprit qu’il le trompait sur ce point important. Napoléon, indigné d’être abusé de la sorte, redoubla de sévérité, et éleva la voix plus despotiquement encore.
Cédant à la force d’un pouvoir aussi absolu, le roi, par un décret du 15 décembre 1806, s’était résigné à ne plus s’opposer à l’exécution du blocus, et pourtant l’empereur n’était pas satisfait. Ses agens lui persuadaient qu’il existait toujours des relations commerciales entre la Hollande et l’Angleterre; et ces rapports, sans doute exagérés, mais basés sur un fond de vérité, furent sur le point de provoquer des visites domiciliaires dans toute la Hollande.
Malgré tant de contrariétés, Louis s’occupa encore des institutions qui pouvaient être utiles à son gouvernement. Un code civil et un code criminel furent rédigés par des jurisconsultes dont les mœurs et les connaissances garantissaient la bonté d’un travail si important. On compléta aussi le nouveau système des contributions, système qui établissait une égalité parfaite entre tous les habitans, et il parut de sages réglemens sur les corporations et les maîtrises. A l’imitation de la France, le roi Louis institua les grands officiers du royaume, maréchaux et colonels-généraux, et proposa au corps législatif une loi portant création de l’ordre de l’Union et de l’ordre du Mérite.
Quoique l’administration de la maison du roi fût placée sous la surveillance immédiate des grands officiers. de la couronne, Louis s’arrachait à des travaux de la plus haute importance pour descendre à de minutieux détails, qui, s’ils prouvent l’ordre chez un particulier, semblent au-dessous de la dignité souveraine. Il fallait que chaque grand officier soumît au roi l’organisation de son service, lui présentât sur chaque individu des renseignemens spéciaux. Cette inquiétude du roi, causée par la crainte que l’empereur ne le fît constamment observer, s’étendait sur le grand officier de la couronne, comme sur le dernier valet de pied. S’agissait-il d’un Français? ses informations étaient bien plus sévères, et il n’était guère admis que si on n’avait pas trouvé un Hollandais capable de remplir les fonctions de la place Cette préférence accordée aux Hollandais entretenait dans la maison du roi un élément de jalousie qui s’accroissait chaque jour d’une manière sensible.
En janvier 1807, la ville de Leyde éprouva un épouvantable désastre causé par l’explosion d’un bateau de poudre; le bateau sauta au milieu de la ville. Le roi se rendit sur-le-champ à Leyde, et déploya dans cette horrible catastrophe un noble caractère d’humanité , une bienveillance vraiment royale; il prodigua des secours et des consolations aux infortunés que ce malheur venait d’atteindre. Indépendamment des nombreux actes de générosité que le roi fit en faveur des malheureux habitans de la ville de Leyde, il étendit plus loin encore sa bienveillante sollicitude, car il les dispensa pendant dix années de toute contribution, et fit la remise aux débiteurs des arrérages des impôts non acquittés au moment du désastre .
Partout ces grands accidens sont diversement envisagés, et il est rare qu’on ne les attribue pas à la malveillance: on prétendait en Hollande que ce fatal événement devait arriver à La Haye, et l’explosion avoir lieu de manière à ce que l’habitation du roi en fût atteinte. Pour ajouter foi à cette version, il aurait fallu que le conducteur du bateau, qui à coup sûr eût été dans la confidence, se fût sauvé, et le malheureux a été une des premières victimes de l’explosion.
Quoi qu’il en soit, peu de temps après, le roi fit pressentir qu’il avait le désir de faire sa résidence à Amsterdam, et cette nouvelle se serait promptement accréditée, sans l’installation qui eut lieu à La Haye des chevaliers de l’ordre de l’Union, dont la devise était: Fais ce que doys, advienne que pourra. (Doc wel en zie ni et om. ) La décoration était une croix en or à rayons émaillés, et des abeilles d’or entre les rayons: d’un côté on voyait, au milieu de la croix, les Faisceaux d’union des Provinces-Unies, et on lisait ces mots: L’union fait la force (lendragt maakt magt); de l’autre côté était figuré le lion de la Zélande, à la nage, avec l’exergue de la devise. La croix était suspendue à un ruban de couleur bleu clair.
La France avait tellement exigé de sacrifices de la part de la Hollande, que le roi se vit, à regret, obligé d’établir de nouveaux impôts, ce qui n’eut point lieu sans blesser l’esprit national et sans contrarier d’antiques usages; mais comme les circonstances étaient impérieuses, il fallut bien se soumettre. On adopta un système présenté par le ministre Gogel, chargé des finances. Après cette grande opération, le roi proposa un nouveau cadastre, créa une direction des beaux-arts, dont le savant Halman eut la direction; l’instruction publique fut réunie aux beaux-arts; comme en France, il y eut une grande exposition de toutes les productions de l’industrie nationale, et la bibliothèque publique reçut de nombreuses augmentations.
On attendait en vain la fin du blocus qui avait presque anéanti le commerce de la Hollande, car l’empereur Napoléon, par un nouveau décret, y avait ajouté le séquestre de toutes les marchandises anglaises.
Cherchant toujours à obtenir la bienveillance de l’empereur, la Hollande lui adressa une députation qui le rejoignit en Allemagne; il la reçut au château de Finkenstein, et l’accueil qu’il lui fit fut assez gracieux, quoiqu’il ne. dissimulât pas qu’il était convaincu que son frère se plaisait à favoriser le commerce de la Hollande avec l’Angleterre; il ne déguisa point à la députation qu’à la paix générale il serait obligé de rappeler à la Hollande qu’elle avait continuellement contrarié ses vues, bien qu’elle les connût positivement.