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LE PALAIS DE LA CITÉ

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On rencontre toujours même obscurité dans les origines de chacun des monuments de la Cité ; l’existence d’un palais sous la domination romaine et les premiers rois de la première race a été révoquée en doute. 11 est certain, quelle qu’en soit la date, qu’un palais s’éleva dans la Cité ; les preuves abondent lorsqu’on arrive au sixième siècle. C’est dans ce palais, que Childebert et Clotaire, en 526, vinrent demander à Clotilde les trois jeunes fils de Clodomir, et que Clotaire poignarda de sa main deux de ces enfants. Les rois, à cette époque, habitaient aussi et plus volontiers le palais des Thermes habité jadis par Julien et Valentinien, mais il n’est pas douteux que plusieurs d’entre eux ne fissent en même temps leur séjour dans le Palais de la Cité.

Cet édifice, dont il ne reste ni plans, ni dessins, ni descriptions topographiques, fut réparé, augmenté ou même rebâti par les maires du palais, véritables rois des rois fainéants de la première race. Hugues Capet, qui habitait le palais des Thermes, le quitta pour se fixer dans celui de la Cité que Robert, son fils, fit rebâtir entièrement.

C’est du règne de saint Louis que date l’histoire certaine du Palais. Ce prince y fit faire des réparations et des embellissements considérables. On lui doit la construction de la Grande Salle dite de Saint-Louis, de la Petite Salle qui fut plus tard la Grand’ Chambre, et enfin de la Sainte-Chapelle, monument d’un art gothique supérieur à tout ce qui jusqu’alors avait paru en Europe. Quelques historiens rapportent que cette Grande Salle fut bâtie sous Philippe le Bel par Enguerrand de Marigny; mais leur autorité n’infirme pas l’opinion contraire; la grand’salle était destinée aux réceptions d’apparat; les ambassadeurs y présentaient leurs lettres de créance; on y célébrait les festins de gala, les noces des enfants de la famille royale. On y voyait la fameuse table de marbre, monolithe de proportions gigantesques, sur laquelle dînaient seuls, en grande cérémonie, les empereurs, rois et princes du sang; sur laquelle, aussi, les enfants de la Basoche représentaient leurs mystères, moralités et sotties.

LE PALAIS DE JUSTICE ET LA SAINTE-CHAPELLE


La salle immense était pavée de marbre blanc et noir. A l’une de ses extrémités s’élevaient, sur deux colonnes, les statues de Charlemagne et de saint Louis. L’autre extrémité était presque entièrement occupée par la fameuse table de marbre. Outre cette table il y en avait une autre, en bas dans la cour du Palais; c’est devant cette dernière qu’en 1357, furent traînés et outragés par la plus vile populace les corps du maréchal de Normandie, Robert de Clermont, et du maréchal de Champagne, Jean de Conflans, que le prévôt des marchands Etienne Marcel fit égorger dans la chambre même et sous les yeux de Charles V, alors dauphin de France. Charles V habitait donc le Palais.

Charles VI l’habitait aussi, et l’an 1383, avant d’avoir perdu la raison, lorsqu’il rentra dans Paris vainqueur des Flamands, il vint juger dans la cour du palais les prisonniers Maillotins dont les crimes, pendant son absence, avaient ensanglanté et déshonoré Paris. Son trône s’élevait en haut du perron du grand escalier, sur une estrade entourée des princes du sang, de la cour, d’un formidable appareil de guerre; il avait déjà fait exécuter à mort les plus criminels de la faction et se disposait à punir de même les autres coupables, lorsqu’on vit accourir épouvantées les familles de ces prisonniers: les hommes tête nue, les femmes, cheveux épars, tendaient les bras vers le trône et agenouillés criaient en sanglotant: merci, miséricorde; le roi demeura silencieux, son chancelier prit alors la parole, et reprocha véhémentement à cette populace ses rébellions, son insolence, les cruautés, les outrages qu’elle avait commis envers le roi et ses serviteurs. Dans la foule terrifiée régnait un morne désespoir. Alors les oncles du roi embrassant ses genoux demandèrent avec larmes la grâce des prisonniers, et Charles VI se laissa fléchir.

Cette cour du Palais servait aux assemblées solennelles; les rois y tenaient leurs états. Philippe le Bel, en 1314, y avait convoqué les députés des villes de France pour obtenir d’elles une contribution sous forme d’emprunt. Une fois déjà, pareille assemblée avait été réunie au même lieu, par le même roi, pour délibérer sur les affaires publiques.

Dans le Palais, Charles V reçut l’empereur Charles VI et son fils Venceslas; Charles VI, Manuel Paléologue, empereur d’Orient et l’empereur de Hongrie Sigismond. Louis le Gros y était mort ainsi que Louis le Jeune: Jean sans Terre, Henri II et Henri III, rois d’Angleterre, l’avaient habité, et Henri III, dit-on, y avait fait hommage à saint Louis, dans le jardin du Palais, à l’endroit où le saint roi rendait la justice à ses plus humbles sujets. Ce petit jardin fut remplacé plus tard par les bâtiments de la Conciergerie; François 1er, en 1531, y résidait encore et offrit le pain bénit en qualité de premier paroissien dans la petite église Saint-Barthélemy, dépendance du palais.

Ce vieux palais, témoin de tant d’événements, hôtellerie de tant de rois et de héros, fut détruit en majeure partie le 7 mars 1618, sous la régence de Marie de Médicis, par un incendie dont nul n’a pu jamais connaître la cause ni l’auteur. Les uns prétendirent: qu’une étoile tombée duciel avait embrasé l’édifice, d’autres accusèrent un de ces marchands, dont les boutiques étaient installées autour des piliers, d’avoir oublié la nuit du feu dans un réchaud, d’autres enfin soupçonnaient les complices de Ravaillac d’avoir incendié le Palais pour anéantir le greffe et en même temps beaucoup de témoignages et de dépositions compromettantes, qui eussent jeté du jour sur les causes de l’assassinat d’Henri IV; les registres du parlement enlevés à temps par le greffier Voisin purent être sauvés: on n’informa pas, on se mit à reconstruire.

Jacques de Brosse, le célèbre architecte du Luxembourg, fut chargé de ce travail achevé en 1622. La grande salle de Saint-Louis (salle des Pas perdus) fut rétablie entièrement, voûtée de pierres de taille, divisée en deux berceaux d’arcades soutenues par des piliers massifs d’ordre dorique. Sous cette salle une autre existait, de mêmes dimensions, mais plus basse, et cette double construction, d’une solidité majestueuse, d’une savante distribution, composait un ensemble fort admiré dans un siècle où, certainement, ne manquaient ni les excellents architectes ni les œuvres grandioses.

En 1683, six fenêtres furent ouvertes dans la voûte pour donner plus de jour à la salle, et une riche chapelle fut construite à l’une des extrémités. Mais ce qu’on ne remplaça point, ce fut l’ornementation des plafonds voûtés, les riches lambris de bois, les piliers de même matière enrichis d’azur et d’or, et, parmi ces piliers, la longue série des statues des rois de France, dont les vaincus ou fainéants avaient tête basse et mains pendantes, tandis que les conquérants et les braves portaient haut leurs mains armées.

La Grand’chambre, auprès de la grande salle, fut aussi bâtie par saint Louis. On l’appelait la Chambre des pairs — qui avaient là leur juridiction — ou Chambre dorée, à cause de ses lambris chargés de dorures. Dans les lanternes ou tribunes, étaient peints les costumes des présidents, conseillers ou avocats, voire même des procureurs du siècle passé.

Le plafond était un merveilleux placage de chêne dont les plus épaisses ogives n’avaient pas un pouce et demi d’épaisseur, les pendentifs plus de quatre, bien que les culs-de-lampe eussent un pied de saillie; ce travail enrichi d’ornements délicats avait été commandé par Louis XII, ainsi que le dessus de la porte: un lion de pierre accroupi, tête basse et queue entre les jambes, symbole de la soumission humble que les plus puissants doivent à la loi.

C’est dans la Grand’chambre que les rois venaient tenir leur lit de justice, et que le parlement s’assemblait, toutes chambres présentes, lorsqu’il s’agissait de graves délibérations. Là aussi les pairs prêtaient serment.

Le parlement, comme on le voit, cohabitait pour ainsi dire avec les rois. Philippe le Bel, en 1302, lui avait assigné dans le Palais un séjour fixe et sédentaire.

La tour carrée, située autrefois à l’angle du Palais dont elle était dépendante, reçut, en 1370, la première horloge qu’on eût vue à Paris, faite par un horloger allemand appelé en France par Charles V. On en répara le cadran sous Henri III qui l’orna de deux figures de Germain Pilon: la Force et la Justice supportant l’écusson aux armes de France et de Pologne. La cloche de cette Tour sonna, dit-on, le signal de la Saint-Barthélemy.

C’est au Palais qu’avait été déposé le testament de Louis XIV, testament annulé, en 1715, dans cette Grand’Chambre par le parlement et les pairs réunis.

Paris sous Louis XIV : monuments et vues

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