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LA BASILIQUE DE NOTRE-DAME.

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Table des matières

SI l’origine de Paris est obscure, plus obscure encore est celle de la cathédrale. Les historiens français les moins éloignés de ses commencements ne s’accordent pas entre eux, même contemporains. Les uns prétendent que la première église de Paris fut fondée par saint Denis vers l’an 250, les autres ont réfuté cette légende, alléguant l’invraisemblance du fait. Comment saint Denis eût-il bâti une église en présence du gouvernement romain, là même où il souffrit le martyre pour s’être déclaré chrétien?

Mais on peut admettre que la conversion de l’empereur Constantin (313) ayant donné paix et relâche à l’église chrétienne, les évêques profitèrent de cette accalmie pour élever, à Paris, un temple de leur religion.

La tenue d’un premier concile à Paris, en 360, fait incontesté, semble prouver l’existence d’une église dans la Cité. Plusieurs témoignages authentiques du VIIe, du vine et du IXe siècle prouvent aussi que cette première église parisienne existait seule, et sous l’invocation de Saint-Étienne, jusqu’au règne de Childebert Ier.

Ce prince, sur les conseils de saint Germain, entreprit de rebâtir l’église de Paris devenue trop petite pour un clergé trop nombreux, et un peuple considérable de fidèles fervents. Cette première église, Saint-Étienne, avait été fondée à la pointe Orientale de l’Ile, c’est-à-dire sur l’emplacement ou à peu près de Notre-Dame actuelle; Childebert construisit sa basilique en 555, partie sur les ruines de l’ancienne église, partie sur celles d’un temple des Nautes parisiens, dont les matériaux furent employés dans la construction de Notre-Dame.

BASILIQUE DE NOTRE-DAME. — FAÇADE


L’édifice de ces Nautes parisiens, qu’il ne faudrait pas croire avoir été des bateliers, mais bien des trafiquants et commerçants riches, puisqu’ils avaient, sous Tibère, élevé de leurs deniers un temple à Jupiter, le temple de ces payens, disons-nous, fut démoli en 554 par édit de Childebert qui ordonnait la destruction générale des idoles et temples élevés aux faux dieux. Et lorsqu’on creusa dans Notre-Dame une crypte destinée à la sépulture des archevêques de Paris, les terrassiers déterrèrent neuf pierres carrées dont cinq sculptées en bas-relief, avec des inscriptions latines. Ces neuf pierres étaient confondues dans l’énorme massif de deux murs antiques appliqués l’un sur l’autre et qui traversaient le chœur dans sa largeur. Les figures et les légendes de ces pierres exercèrent longtemps la sagacité des archéologues.

C’est dans Notre-Dame que vint se réfugier, après le meurtre de Chilpéric son mari, la reine Frédegonde, poursuivie par Childebert II, roi d’Austrasie. Elle y avait apporté ses trésors, et ne cessa, dit l’historien Aimoin, d’y commettre ses forfaits et ses violences, sans crainte de Dieu et de sa divine mère, dans leur propre maison. Enfin un document de l’an 861 établit que l’église cathédrale se composait alors de deux édifices, le vieux Saint-Étienne et Notre-Dame, basilique. La réalité de ces deux vocables Saint-Étienne et Notre-Dame réunis dans la Cité est un fait acquis, sans contestation possible, à l’histoire.

La basilique de Childebert n’échappa point, disent les historiens, aux incendies, au pillage des Normands. L’abbé Le Bœuf prétend qu’en 857, à la deuxième invasion, elle fut détruite, et que Saint-Étienne fut seule épargnée. Il parait constant qu’au siège de Paris par ces mêmes Normands, en 886, la chàsse de Saint-Germain fut apportée dans la Cité par les religieux de l’abbaye, mal protégés en rase campagne, et que cette vénérable relique fut mise en sûreté dans la cathédrale de Saint-Étienne.

Notre-Dame fut-elle ou non reconstruite immédiatement, nous l’ignorons; toujours est-il qu’au commencement du dixième siècle, Anschéric, cinquantième évêque de Paris, eut recours à la libéralité du roi Charles le Simple pour faire réparer l’église cathédrale, et Louis-le-Gros, en 1123, fit don au doyen de l’église de Paris d’une somme annuelle de dix livres pour couvrir l’église Notre-Dame, appelée alors l’Église Neuve, Ecclesia nova. Saint-Etienne en ruines s’appelait le Vieux.

S’il règne, chez les historiens et chroniqueurs du temps, certains doutes que les ténèbres du moyen âge ont changés en erreurs, on se souviendra qu’ils pouvaient faire confusion, quant aux églises bâties dans la Cité depuis Childebert. Tout autour de Notre-Dame, à gauche, s’élevaient: le vieux Saint-Étienne, — la première cathédrale alors en ruines, — derrière l’abside de Notre-Dame, Saint-Denis-du-Pas, Saint-Jean-le-Rond; et Notre-Dame elle-même, comme nous venons de le voir, tombait de vétusté, manquait d’ampleur, de style, et ne répondait plus aux exigences du service ni aux besoins d’une époque agitée, d’un esprit public déjà difficile à satisfaire.

Le douzième siècle touchait à sa fin, lorsqu’un évèque de Paris, Maurice de Sully, conçut le projet, non plus de restaurer Notre-Dame, mais de la reconstruire à neuf, sur de nouveaux plans, et dans des proportions dignes de l’idée, de l’œuvre, et d’une ville capitale, séjour des rois. C’était un homme sans naissance, mais non sans génie, un grand prélat et un saint homme. Il sut intéresser à ses desseins le roi Louis le Jeune et tout un peuple de fidèles, et assuré de puissantes coopérations, il commença par faire abattre l’ancienne basilique de Childebert. Quelques historiens affirment qu’il conserva les fondations de l’église primitive, lesquels travaux reposaient sur pilotis. Il y a là peut-être deux erreurs, tout au moins une. Les fondations du colossal ouvrage de Maurice de Sully furent bâties à nouveau, disent quelques-uns, et, en tout cas, ce ne fut pas sur pilolis. Il est avéré que Notre-Dame est construite sur un gravier consistant. On en eut la preuve, en 1699, lorsqu’on fouilla, pour construire le maître-autel, au-dessous des fondations anciennes.

Le chœur et la nef ne sont point sur le même alignement. C’est en général ce qu’on remarque dans tous les plans d’églises construites au moyen âge; le biais à gauche peut représenter, dit-on, l’inclinaison que prit la tête du Christ expirant sur la croix. Ce peut être aussi une simple question d’orientation. Et en cette circonstance, Maurice de Sully aurait fait obliquer la nef par un léger coude, afin de la placer en face de la nouvelle rue qu’il fit percer en 1163 et 1164, rue Neuve-Notre-Dame, entrée plus noble et plus commode que celle de la petite rue des Sablons qui donnait jadis accès à l’ancienne basilique.

Les travaux poursuivis avec ténacité duraient encore en 1177, et un auteur contemporain, Robert du Mont, écrivait à cette date: «Maurice avance dans son travail; le chevet en est terminé ; il reste à le couvrir; le monument sera incomparable... s’il s’achève.» Il s’acheva.

La première pierre avait été posée en 1163 par le pape Alexandre III réfugié en France. Le grand-autel fut consacré sous Philippe-Auguste, le mercredi après la Pentecôte, en 1182, par le légal du Saint-Siège et par l’évêque Maurice; et le chœur devait être terminé en 1185, car le patriarche de Jérusalem, Héraclius, venu en France pour y prêcher la croisade, célébra la messe dans Notre-Dame le 17 janvier de ladite année, en présence de Maurice de Sully et de son clergé.

Du reste, la basilique fonctionnait déjà dans toutes les parties de son service; elle recevait des morts illustres. Un fils du roi Henri II d’Angleterre, Geoffroy, duc de Bretagne, y fut inhumé en 1186, devant le grand-autel, ainsi que la reine Élisabeth de Hainaut, femme de Philippe-Auguste, morte en 1189. On y transféra aussi le corps de Philippe, fils de Louis le Gros, mort en 1161, et inhumé d’abord à Saint-Étienne. Toutefois la cathédrale n’était pas achevée. Maurice de Sully n’eut pas cette joie ni cette gloire qu’il avait si bien méritées par tant de zèle, de talent et de persévérance. Il mourut le 11 septembre 1196, et laissa cent livres pour que sa chère église fût couverte en plomb.

Les plans se poursuivirent après lui sous l’épiscopat d’Eudes de Sully, son successeur. Le portail méridional fut commencé en 1257 sous le règne de Louis IX, Regnault de Corbeil étant évêque de Paris. L’architecte, qui se qualifiait du titre modeste de maçon, Jehan de Chelles, inscrivit son nom à la base du dit portail; le portail septentrional ne fut construit qu’en 1313, sous Philippe-le-Bel, avec le produit de la confiscation des biens des Templiers. Les bas-côtés de l’église n’ont été bâtis qu’à la fin du treizième siècle. Somme toute il a fallu plus de deux siècles pour achever l’œuvre de Notre-Dame, on peut même affirmer qu’en 1447 l’argent manquait pour mener les travaux à bonne fin, et le roi Charles VII abandonna quelques-uns de ses revenus à cet effet.

Le siècle avait été cruel. Tant de guerres étrangères et intestines, tous les fléaux ensemble, peste, invasion, famine; la France n’avait plus parfois de territoire, presque plus de soldats, jamais d’argent; mais elle avait la foi et ne périt pas. Lorsqu’il rentrait un peu de numéraire à Paris, Paris l’offrait pour l’achèvement de Notre-Dame, et pourquoi ne serait-ce pas Notre-Dame qui suscita Jeanne d’Arc?

L’histoire mouvementée de la construction de Notre-Dame est terminée. Le sommaire qu’on vient de lire contient à peu près tout ce qui mérite d’être su. Il reste à faire connaître sa distribution intérieure et extérieure et les perfectionnements ou embellissements qui l’ont enrichie de Louis IX à la fin du règne de Louis XIV.

Notre-Dame est construite en forme de croix latine. Elle a, de longueur dans œuvre, 390 pieds; sa largeur, entre la nef et le chœur, est de 144 pieds. La hauteur du sol à l’endroit le plus élevé de la voûte est de 104 pieds. La façade a 120 pieds de développement.

Cent vingt grosses colonnes du style roman supportent la voûte. On a fait observer judicieusement que les arcs de ces colonnes eussent dû être en plein cintre; mais quand s’achevèrent les piliers de la nef, le style ogival importé de la croisade avait détrôné le style roman, et ce fut l’ogive qui s’installa partout, jusqu’à l’achèvement complet de l’édifice. L’intérieur se compose d’une nef à doubles bas-côtés, on y a compté jusqu’à quarante-cinq chapelles dont beaucoup ont disparu, celles surtout qui, s’élevant dans l’intérieur des croisées, interceptaient le jour, et donnaient à l’église un caractère mystérieux de majesté sombre, trop sombre sans doute, puisqu’on y ramena la lumière au prix même des splendides vitraux de couleur qui faisaient l’admiration de toute l’Europe, et qu’on eut tort de remplacer par des vitraux blancs. Nous parlerons en leur lieu des plus importantes de ces chapelles, presque toutes du quatorzième siècle.

Une galerie règne au-dessus des bas côtés à la hauteur de l’orgue, et fait tout le tour de l’église, interrompue seulement par la Croisée. Elle est divisée par 108 colonnes, chacune d’un seul morceau de pierre; on y accède par trois escaliers, deux à l’entrée de la nef, le troisième à droite du chœur du côté de la chapelle de la Vierge. C’est aux balustres de cette galerie, immense tribune, qu’on attachait pendant la guerre les drapeaux pris sur l’ennemi; pendant la paix on les ôtait. C’est là qu’en 1693, après la victoire de la Marsaille, le prince de Condé venu à Notre-Dame pour assister au Te Deum d’actions de grâces, apercevant Luxembourg qu’entourait la foule et qui ne pouvait se frayer un passage dans cette galerie décorée des drapeaux de Nerwinde, Steinkerque et Fleurus, vint à lui, le prit par la main, et lui ouvrit la route en disant: «Place, messieurs, place au tapissier de Notre-Dame.»

La grande nef était ornée de statues dont une colossale de saint Christophe portant Jésus enfant sur ses épaules. Cette figure avait de haut vingt-huit pieds, son pouce mesurant un pied: à côté de saint Christophe était la statue agenouillée d’Antoine des Essarts, chambellan de Charles VI, et au bout de la nef, à côté du dernier pilier, à droite de l’entrée du chœur, la statue équestre de Philippe le Bel, élevée par son ordre, après la victoire de Mons-en-Puelle. Le roi était représenté au moment où surpris par la deuxième attaque des Flamands il n’avait pas eu le temps de s’armer de toutes pièces; les brassards lui manquaient. Cette figure héroïque, monument curieux de l’art de cette époque, fut détruite à coups de sabre (1792), par les Marseillais, en pleine cérémonie des vêpres.

Notre-Dame avait un orgue en 1190. Le grand-autel primitif du chœur fut remplacé, sous Louis XIV, par l’autel votif que projetait Louis XIII, lorsqu’en 1638 il mit son royaume et sa personne sous la protection de la Vierge. La mort ne lui permit pas d’accomplir son vœu; mais Louis XIV accepta l’héritage, et la première pierre du nouvel et magnifique autel fut posée, en 1699, par le cardinal de Noailles. Sous l’autel, à la plus haute assise des fondements, une pierre fut déposée qui contenait deux médailles d’or et deux d’argent avec cette inscription sur une lame de cuivre doré : Volum a patre nuncupatum solvit. A droite et à gauche de l’autel, deux statues agenouillées: Louis XIII, par Coustou, Louis XIV, par Coysevox, toutes deux de 1715.

Le chœur de Notre-Dame, fermé quinze ans pendant l’exécution de ce travail splendide, fut rouvert le 6 mars 1714 pour le Te Deum chanté en grande pompe et avec grande joie des peuples à l’occasion du traité de paix de Rastadt. C’est au bas des marches du nouveau maître-autel que furent déposées les entrailles de Louis XIII et de Louis XIV.

Sur la clôture du chœur, extérieurement, couraient en bas-relief, au-dessus d’une suite de petits arceaux gothiques, les Mystères de la vie de Jésus, travail naïf, rehaussé d’enluminures et d’or, et sur cette même clôture, en face la porte Rouge, construction d’un art charmant élevée par Jean-sans-Peur en 1404, on voyait la figure d’un homme agenouillé, mains jointes, surmontée d’une inscription: Jean Ravy, maçon de Notre-Dame et son neveu Jehan le Bouteillier ont exécuté ces histoires, parfaites en 1361.

On comptait, avons-nous dit, dans Notre-Dame, quarante-cinq chapelles, dont le détail excéderait les limites restreintes imposées à notre ouvrage. Voici du moins les noms des principales chapelles: de sainte Anne, richement embellie et dotée par Anne d’Autriche, de saint Barthélemy et de saint Vincent, de saint Jacques et de saint Philippe, de saint Antoine et de saint Michel, de saint Augustin et Marie-Madeleine, de la Vierge, de saint Pierre et de saint Paul, de saint Remy, de saint Nicaise, de la décollation de saint Jean-Baptiste, de saint Martin, de saint Michel, de saint Ferréol et de saint Ferrutien fondées en 1320, de saint Marcel, de sainte Catherine, de saint Laurent — peintures de Louis de Boulogne — saint Georges et saint Biaise, saint Léonard.

Toutes ces chapelles servaient de sépultures à quantité de personnages célèbres dont les restes furent depuis dispersés ou perdus.

Maurice de Sully avait bâti, en 1161, son palais épiscopal parallèlement à la cathédrale. Cet édifice, agrandi en 1514, le fut encore en 1568, et le cardinal de Noailles, archevêque en 1697, fit abattre l’ancien archevêché, qu’il remplaça par le palais archiépiscopal détruit en 1831.

La grande Sacristie et le Trésor occupaient l’espace compris entre les chapelles saint Pierre, saint Denis et saint Georges. Là était le passage de communication entre l’église et le palais archiépiscopal, dont nous venons de parler. La grande Sacristie fut successivement dépositaire des vases sacrés, reliquaires et objets d’une précieuse antiquité qu’on appelait le Trésor. Ce trésor renfermait, entre autres richesses, nombre d’ouvrages du treizième siècle, les insignes de Charlemagne, le reliquaire de la Sainte-Couronne d’épines, des calices, croix en or et pierres précieuses. Il fut pillé dans l’émeute du 13 février 1831 suivie de la démolition de l’archevêché.

Paris sous Louis XIV : monuments et vues

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