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LA SAINTE-CHAPELLE

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Saint Louis fit élever cette chapelle en 1246 sur l’emplacement d’un oratoire bâti dans l’enceinte du Palais, par Louis le Gros, disent les uns, par Robert, disent les autres, et qui s’appelait Saint-Nicolas. Le pieux monarque pouvait ainsi, grâce au voisinage immédiat, concilier ses fonctions royales et ses devoirs de chrétien. Mais il fut guidé surtout par le désir d’installer dignement le trésor des reliques qu’il avait acquises de l’empereur d’Orient. Voici en peu de mots l’histoire de ces acquisitions.

Vers la fin du règne de Baudouin II, dernier empereur français de Constantinople, l’empire attaqué de toutes parts allait succomber, les caisses étaient vides. Baudouin eut l’idée d’engager, à un riche Vénitien, pour une somme considérable, la Sainte Couronne d’épines conservée précieusement à Constantinople; il se réservait le droit de la racheter dans un délai fixé, moyennant paiement du principal et des intérêts de la somme prêtée. L’échéance arriva; l’empereur ne pouvant payer, le gage allait devenir la propriété du prêteur, lorsque Louis IX, secrètement averti par l’empereur grec, envoya des ambassadeurs à Venise pour racheter la Couronne d’épines qui fut apportée en France, enfermée dans trois cassettes, la première de bois, la deuxième d’argent, scellée des sceaux de l’empire; la dernière, d’or, contenait la couronne. Le roi, la reine-mère, les frères du roi et une suite considérable de prélats et de seigneurs allèrent au-devant de la sainte relique qu’ils rencontrèrent à Villeneuve-l’Archevêque, le 10 août 1239. Le roi ouvrit la première cassette, vérifia les sceaux de la deuxième, et dans celle d’or trouva la Couronne d’épines qui fut exposée à la vue, à l’admiration d’un peuple immense, puis replacée dans son enveloppe d’or que le roi scella de son propre sceau. D’abord la relique fut déposée dans la grande église de Sens par le roi lui-même; ensuite le cortège, grossi par les populations et les députations de chaque ville et village, se dirigea vers Paris où, huit jours après, le roi et son frère Robert, en simple tunique de bure et pieds nus tous deux, précédant une foule de prélats, de chevaliers, de seigneurs émus «de joie et attendris» portèrent sur leurs épaules la Sainte Couronne à Notre-Dame d’abord, puis à la petite chapelle Saint-Nicolas, l’oratoire du palais dont nous avons parlé plus haut.

Les deux reines assistaient à la cérémonie qui eut lieu le 18 août 1239. Une médaille fut frappée en mémoire de cette solennité.

Quelque temps après, l’empereur Baudouin ayant engagé de nouvelles reliques que le saint roi voulut dégager encore et qu’il reçut le 14 décembre 1241, la modeste chapelle de Saint-Nicolas ne parut plus digne de posséder tant de rares trésors, et Louis IX résolut la construction d’une Sainte Chapelle, en remplacement de Saint-Nicolas qui fut abattue. Les plans et travaux du nouvel édifice furent confiés à Pierre de Montreuil, architecte de l’abbaye Saint-Germain-des-Prez. On doit à la piété de Louis IX et au génie de l’architecte l’un des plus beaux monuments de l’art gothique, le plus finement ouvragé qui soit encore debout. Le dessin et la structure en sont d’une élégance et d’une délicatesse surprenantes et ce travail exquis doit, à la perfection de son exécution, une solidité que six siècles ont mise vainement à l’épreuve. Ses voûtes en croix d’ogive, d’une élévation considérable, sont liées si correctement qu’elles ont résisté à tout, même au contact de l’incendie du Palais en 1618, même au furieux incendie allumé par l’imprudence des plombiers dans la Sainte-Chapelle même, en 1630. Les flammes consumèrent en entier le clocher, merveille d’art, toute la charpente de l’église dévorée par le ruissellement du plomb liquéfié, sans compter la quantité prodigieuse d’ornements, en pierre et en plomb, qui décoraient le comble comme une parure de dentelle. Le dommage fut réparé aux frais du Roi et un vaste réservoir de plomb installé sur les voûtes, trop tard, comme toujours.

La Sainte-Chapelle a deux étages superposés; la chapelle supérieure réservée au roi et à la Cour s’appelait Sainte-Croix ou Sainte-Couronne, l’inférieure dédiée à la Vierge était destinée aux chapelains, chanoines et officiers de la Sainte-Chapelle et autres personnes domestiques du Palais.

Le bâtiment de la Sainte-Chapelle a dans son œuvre dix-huit toises de longueur sur quatre et demie de largeur. La hauteur des deux étages, du sol inférieur au sommet de l’angle du fronton, est de dix-huit toises. L’édifice a donc une longueur égale à sa hauteur.

La chapelle supérieure était décorée de grands vitraux régnant au pourtour et séparés par des jambages larges au plus de trois à quatre pieds. Ces trumeaux portaient les statues des douze apôtres. Rien de plus splendide, comme couleur et comme caractère, que ces vitraux d’une sveltesse élégante et hardie. Leur beauté était passée en proverbe, on disait: Beau comme le rouge des vitraux de la Sainte-Chapelle. Il y avait sous les orgues une Notre-Dame de Pitié, statue de Germain Pilon, son chef-d’œuvre, que de maladroites restaurations ont détériorée plus tard.

Sur le maître-autel, était le modèle réduction en vermeil, de la Sainte-Chapelle, de quatre pieds de hauteur, tout resplendissant de pierres précieuses, admirable travail, commandé en 1680 par Louis XIV et exécuté par maître Pijard, orfèvre et gardien des reliques. Ce coffret renfermait quelques ossements de Louis IX et sa discipline; d’autres restes du saint roi, reliques aussi, appartenaient à l’abbaye de Saint-Denis. Derrière le maître-autel, à un rond-point auquel on accédait par deux escaliers, apparaissait la grande châsse en bronze doré, dépositaire de toutes les reliques achetées de l’Empereur d’Orient. Baudoin les avait accompagnées d’une déclaration en latin, certifiant l’authenticité de ces reliques et servant pour ainsi dire de catalogue à la précieuse collection. Y étaient énumérés: la Sainte Couronne d’épines, la vraie croix, le fer de lance qui frappa le flanc du Christ, le roseau, l’éponge, le suaire, la robe de pourpre, et d’autres reliques en assez grand nombre, toutes légitimées par le sceau impérial l’an 1247 «huitième de notre empire.»

Un de ces morceaux de la vraie croix, le plus grand, fut volé dans la nuit du 10 mai 1575 et ne fut jamais retrouvé. La malveillance soupçonna Catherine de Médicis, ou son fils Henri III, de l’avoir vendue aux Vénitiens.

La Sainte-Chapelle, y compris les reliques, coûta au roi saint Louis trois millions environ, monnaie de son temps. Les historiens n’ont pas tous estimé à ce prix et le monument et le dépôt qui lui était confié. Dulaure, respectueux en apparence mais sceptique, à propos d’une certaine croix comprise dans les reliques et dont la propriété était de donner toujours la victoire, s’étonne assez plaisamment que, s’il croyait à sa vertu, Baudoin toujours guerroyant et toujours vaincu n’ait pas gardé cette croix pour son usage.

Les deux chapelles étaient desservies par deux sacristies placées dans un bâtiment en saillie faisant partie de l’édifice principal. Le trésor, collection d’objets précieux et de riches ornements d’église, occupait deux armoires de la sacristie de la chapelle haute. A l’étage au-dessus, deux vastes salles reçurent le dépôt des chartes et archives, qui ne fut plus exposé aux aventures comme l’avaient été les archives de Philippe-Auguste, car ce prince, en 1195, surpris par une embuscade des Anglais aux environs de Blois, perdit là toutes ses chartes, titres et parchemins et jusqu’au sceau royal qu’il emportait d’ordinaire en ses expéditions.

Philippe le Bel, en 1364, fit transférer à la Sainte-Chapelle les archives de France. La charge de trésorier des Chartes fut créée par Philippe-Auguste, remplie de règne en règne par les magistrats les plus éminents, parmi lesquels Mornay, Gérard de Montagu, les de Thou, Mathieu Molé, etc. Fouquet, en 1658, de procureur général devenu surintendant des finances, créa dans cette trésorerie tout un personnel d’officiers et de commis, qui disparut après sa disgrâce. Le trésor des Chartes en revint alors à l’administration passée et fut toujours régi par le seul procureur du parlement, comme il l’avait été depuis 1582.

Nicolas Boileau Despréaux, le poète du Lutrin de la Sainte-Chapelle, y fut enterré en 1711, dans la chapelle inférieure, sa paroisse et celle de sa famille.

Paris sous Louis XIV : monuments et vues

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