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LE GRAND-CHATELET

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PARIS, compris d’abord dans la Cité, eut à se défendre contre de nombreux ennemis, et dut s’entourer de bonnes murailles et de forteresses. Le Grand-Châtelet fut l’une des plus solides. Il était assis à l’un des bouts du Pont-au-Change, sur l’emplacement de la place du Châtelet d’aujourd’hui. Fut-il bâti par les Romains — par César — comme on dit toujours, et comme cela est toujours douteux quant à Paris; fut-il la forteresse destinée par le vainqueur des Gaules à maintenir les Parisiens dans l’obéissance et à les obliger de payer tribut, voilà ce que rien ne prouve, pas même l’inscription tributum Cœsaris qu’on lisait encore, en 1570, sous une vieille voûte du Châtelet, car à cette époque on inscrivait beaucoup de latin sur les édifices, et ces mots: tribut à César, pouvaient signifier simplement, selon la remarque de Jaillot: Rendez ou payez au roi ce qui est dû à César.

Rien n’est donc certain relativement aux origines du Grand-Châtelet, et les historiens qui en ont parlé font observer que, d’ailleurs, l’architecture de cette forteresse n’est en aucune façon de l’architecture romaine. De fait, on ne rencontre de documents sûrs qu’à dater du règne de Louis VII qui fait mention du Grand-Châtelet et dont plusieurs actes et ordonnances démontrent que cet édifice servait de demeure au prévôt de Paris.

Sans contredit, un château fort, ou du moins une défense, existait à chaque bout du pont en deux parties qui reliait la cité du nord au rivage méridional de la Seine. C’était de ce dernier côté, sur l’emplacement du futur Grand-Châtelet, c’était, disons-nous, une tour non encore achevée en 886, et que le gouverneur de Paris, le comte Eudes, se hâta de compléter en bois, lorsque les Normands vinrent avec un millier de barques mettre le siège devant la ville; c’était, du côté Nord, le Petit-Châtelet. Attaquée avec la rage des loups qui veulent la proie, la Cité se défendit avec l’héroïsme du désespoir et la constance de la foi. Les Normands finirent par échouer, et se retirèrent sans avoir pu, après vingt assauts et dix mois de siège, s’emparer de cette tour du Grand-Châtelet toujours relevée le lendemain du jour où les Normands l’avaient démolie ou brûlée. Ce siège immortalisa Paris, son évêque Goslin, qui combattit en soldat, et le comte Eudes, qui fut depuis roi de France.

LE GRAND-CHATELET DE PARIS


Des actes et déclarations de Louis VII, on peut inférer que le Grand-Chàtelet et même le Petit avaient été construits à nouveau par Louis le Gros, prince belliqueux, entreprenant, et habitué à bien défendre ses possessions. Il continua, dans ce château neuf, d’entretenir la Prévôté de Paris, institution de police administrative fondée par les rois, ses prédécesseurs, alors que le parlement n’étant pas déclaré sédentaire, les prévôts, et avant eux les vicomtes de Paris, rendaient la justice dans le ressort, très étendu depuis Philippe-Auguste, des vicomté et prévôté de Paris.

Le Châtelet était le siège de ces juridictions. Le prévôt de Paris, chef du Châtelet, représentait le roi dans cette cour de justice. Saint Louis fit de grands travaux pour agrandir la demeure du prévôt, et faciliter le fonctionnement de l’institution; il consolida, il créa; mais les bâtiments tombant en ruines vers 1450, Charles VI transféra la juridiction au Louvre, et les officiers du Châtelet n’y reprirent leurs séances que sous Louis XII. Enfin, Louis XIV fit construire un nouveau Châtelet en 1684. On conserva de l’ancien plusieurs tours, on restaura les vieilles salles, on en créa bon nombre de nouvelles, les cours furent plus grandes, plus aérées; les prisons n’y gagnèrent rien, car on rapporte qu’elles surpassaient en horreur tout ce que peut inventer l’imagination. Bref, la juridiction du Châtelet fut installée de la façon la plus complète; la charge du prévôt et ce magistrat ou officier furent remplacés, en 1667, par la création d’un lieutenant-général de police.

Étaient établies au Châtelet les juridictions suivantes: le parc civil, le présidial, la chambre civile, la chambre de police, la chambre criminelle, la chambre du Procureur du roi, et l’audience des auditeurs. Le Châtelet devenait donc une maison de justice et de police; il avait cessé d’être une forteresse, bien qu’il en eût conservé les dehors menaçants et l’aspect farouche. Paris se souvenait encore, au début de notre siècle, du défilé noir, étroit, sinistre, que le passant devait traverser, sous la voûte du Grand-Châtelet, pour aller de la rive gauche à la rue Saint-Denis ou pour en revenir.

Il en était de même du Petit-Châtelet, situé au bout méridional du Petit-Pont, à l’entrée de la Cité qu’il défendait de ce côté comme le Grand-Châtelet faisait du sien. Même passage étranglé, sous même voûte rébarbative, pour le citadin qui rentrait rue Saint-Jacques. C’était d’ailleurs, comme le Châtelet, son aîné, une prison et des plus affreuses. Nous pouvons en donner une idée.

Au Grand-Châtelet on comptait huit divisions ou prisons particulières: le Berceau, la Grièche, le Paradis, la Gourdaine, le Puits, les Chaînes, la Boucherie, les Oubliettes. Une ordonnance d’un roi d’Angleterre, qui se qualifiait roi de France, Henri VI, mentionne, en 1425, quinze prisons, dont dix se payaient plus cher que les autres (car tout prisonnier payait son logement!) et par conséquent devaient être les moins horribles.

Les cinq moins chères, — un denier par nuit — s’appelaient la Fosse, le Puits, la Gourdaine, le Berceau, et les Oubliettes. Dans la Fosse, on descendait le prisonnier par une poulie comme un seau dans un puits. Ce cachot était peut-être la lugubre chausse d’Hypocras où le prisonnier, les pieds dans l’eau, ne pouvait ni rester debout, ni se coucher. Il y mourait ordinairement dans la quinzaine. Il y avait un autre cachot, Fin d’aise, cloaque affreux de boue et d’ordure, peuplé de rats et de reptiles.

Le Grand et le Petit-Châtelet furent, sous le règne de Charles VI (12 juin 1418), le théâtre d’un abominable carnage. Les Cabochiens, maîtres de Paris pour le duc de Bourgogne, poursuivaient impitoyablement les Armagnacs, partisans du duc d’Orléans. Ils arrêtèrent et enfermèrent dans ces deux forteresses tout ce qu’ils purent trouver de personnages de marque, et les y égorgèrent avec des raffinements de cruauté. On les précipitait du sommet des tours, et la populace, toujours la même, recevait ces malheureux corps sur le fer des piques, le tranchant des faux, et les achevait sans miséricorde. Quatre mille victimes, dit-on, périrent ainsi dans cette exécrable journée.

Le Grand-Chàtelet était destiné, 374 ans plus tard, à en voir encore deux autres pareilles.

Paris sous Louis XIV : monuments et vues

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