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DE L’ÉQUITATION
ОглавлениеVANT de commencer à portraicturer les principaux hommes de cheval que je rencontre chaque matin dans les allées cavalières du Bois, je crois devoir déclarer que je procéderai de la même manière que pour mes Hommes d’Épée et pour mes Tireurs au pistolet, c’est-à-dire que je me contenterai simplement de faire un rapport sans décorer personne. Ce serait difficile du reste de handicaper des hommes de cheval comme ceux dont je vais parler. Esquisser la physionomie des meilleurs et des plus sympathiques, tel est mon but.
Avant, cependant, de les présenter au public, je crois devoir, pour bien faire comprendre mon travail, dire ce que je pense de l’équitation.
A mon sens, l’équitation est la connaissance des moyens théoriques et pratiques qui permettent d’employer le cheval à tous les services qu’il peut rendre à l’ homme, aussi bien attelé que monté.
Mais, en la considérant seulement dans cette dernière acception, je définirai ainsi l’équitation. L’art qui donne et démontre la position que l’homme doit prendre sur un cheval, pour y être avec le plus de sûreté et d’aisance; qui lui fournit, en même temps, les moyens de conduire le cheval et d’obtenir de lui, par les actions les plus simples et en le fatiguant le moins possible, l’obéissance la plus exacte et la plus parfaite, en tout ce que sa constitution et ses moyens peuvent lui permettre.
Cette manière d’envisager l’art de monter à cheval permet de déduire les qualités qui constituent l’homme de cheval, de même que celles qui constituent le cheval dressé.
L’homme de cheval est celui qui, solide et aisé sur l’animal, a acquis la connaissance de ce qu’il peut lui demander, ainsi que la pratique des moyens raisonnes les plus simples, pour le soumettre à l’obéissance.
Le cheval dressé est celui qui, soumis à la volonté du cavalier, répond avec justesse, légèreté et force, aux indications qu’il reçoit.
Ces deux dernières définitions développées forment l’ensemble des connaissances théoriques qui devront servir à éclairer la pratique de l’équitation.
Le cavalier s’efforcera donc, avant tout, d’acquérir une position dans laquelle il aura de la tenue.
Sans cette condition, il ne serait plus maître de son corps, ni des moyens de conduite dont il doit disposer pour gouverner et diriger son cheval.
La tenue réside dans le rapport d’équilibre et dans l’union harmonieuse et souple de toutes les parties du corps du cavalier.
Toutes les fois que l’une d’elles n’a plus de fonctions et ne coopère plus au maintien de cet équilibre, les déplacements de corps et d’assiette sont provoqués au moindre mouvement et ne sont évités ou simplement atténués que par l’emploi des forces de pression qui permettent bien au cavalier de rester plus ou moins longtemps à cheval, mais lui enlèvent la faculté d’agir à propos, toutes les parties de son corps étant en contraction.
Aussi, précisément dans les moments où la justesse dans l’emploi de ses mains et de ses jambes lui est le plus nécessaire, est-il empêché d’agir par l’emploi qu’il en fait dans le but unique de se tenir.
Cette position, et la tenue qui en résulte, étant acquises, le cheval se trouve pour ainsi dire enveloppé par les aides du cavalier et, si les effets que celui-ci produira sont coordonnés par le tact indispensable, ils provoqueront l’allure et régleront la vitesse suivant le but déterminé qui aura motivé leur concours.
L’emploi des aides, qui enveloppent ainsi le cheval, semblerait représenter assez exactement ce jeu des écoliers qui, rangés en cercle, et en plus ou moins grand nombre autour d’un camarade choisi comme victime, le repoussent à tour de rôle vers différents points opposés de la circonférence, sans lui permettre de s’arrêter.
Mais la comparaison n’est juste que si elle s’applique à un cheval monté par un cavalier dont les rênes flottantes et les jambes éloignées ne permettent pas ce rapport intime, mais léger, doux ou ferme, suivant les circonstances qui ne doivent jamais cesser d’exister entre l’animal et l’homme qui prétend à le gouverner.
Cet écolier, lancé d’un point de la circonférence à l’extrémité du diamètre d’où, en y arrivant, il est lancé de nouveau vers un autre point, n’est plus le maître de ses forces et ne peut se maintenir en équilibre.
De même, le cheval, surpris par le contact subit d’une jambe trop éloignée pour pouvoir graduer son effet au moment voulu, se jette sur l’autre jambe qui, trop éloignée aussi, ne peut que recevoir brusquement cette masse qui lui arrive et la renvoyer sur la première avec une brusquerie pareille.
Les rênes flottantes ne pourront également produire que des effets de surprise, lorsque le cavalier devra s’en servir; parce qu’il n’aura pas le temps nécessaire pour les ajuster et les tendre par degrés à l’instant précis où une cause plus ou moins imprévue nécessitera leur action.
Au contraire, si l’écolier est entouré de ses camarades, assez rapprochés pour le maintenir en respect au milieu d’eux, en le soutenant de tous côtés; si les efforts que font ceux-ci se produisent seulement en raison de ceux qu’il fait lui-même pour s’échapper, il est clair que ces efforts qui se manifestent avec à-propos autour de lui le maintiendront immobile et en place, s’ils sont égaux ou équivalents.
Mais, si certains éléments de ces efforts communs viennent à manquer ou à s’éloigner, il est clair aussi que le patient s’échappera de leur côté par sa volonté propre, son désir de fuir, et en raison de la latitude plus ou moins grande qui lui sera laissée de se porter dans ce sens.
Il y sera de même poussé par les degrés respectifs de pression exercée par les uns, et de relâchement opéré par les autres.
C’est bien là le cas du cavalier et du cheval.
Les forces dominatrices du premier et soumises du second doivent être constamment dans un rapport d’équilibre relatif à l’allure, à la vitesse et à la direction qu’il s’agit d’obtenir.
Mais, tout en conservant le sentiment de ce contact, que nous venons de reconnaître indispensable, il faut éviter les compressions continues entre les aides opposées, parce qu’elles ont le plus souvent pour résultat d’émousser, sinon de détruire, la sensibilité des chevaux, quand il n’en résulte pas des défenses que le cavalier n’est pas sûr de pouvoir toujours dominer, et dans lesquelles il peut s’exposer à ne pas avoir le dessus.
Les jambes agiront donc graduellement pour éviter de précipiter brusquement la masse dans le sens de leur action. Les mains recevront graduellement l’impulsion communiquée par les jambes, évitant ainsi un départ désordonné ou un rejet violent de cette masse en arrière.
Elles l’amèneront, au contraire, à l’état d’équilibre qui convient au mouvement voulu et n’auront plus qu’à laisser dépenser l’action, tout en maintenant la position qui règle l’allure, la vitesse et le sens de la marche.
Mais la véritable difficulté pour arriver à cet accord des aides consiste dans l’appréciation exacte des conditions d’action et d’équilibre dans lesquelles se trouve le cheval mis ou à mettre en mouvement.
C’est là que réside le tact de l’homme de cheval, tact qui se perfectionne par une longue pratique; le cavalier doit apporter en outre dans cet exercice, afin de ne pas se fourvoyer, un grand esprit d’observation joint à une attention réfléchie.
Tels sont les principes généraux qui doivent, selon nous, servir de règle fondamentale à tous les hommes de cheval vraiment dignes de ce nom.
BARON DE VAUX