Читать книгу Les hommes de cheval depuis Baucher - Charles-Maurice de Vaux - Страница 19

Оглавление

LE GÉNÉRAL L’HOTTE

Table des matières

Si j’inaugure cette galerie avec le général L’Hotte, c’est parce que je lui ai dédié les Hommes de cheval, en souvenir des bonnes années passées sous ses ordres, tant à Saumur qu’au régiment. Je l’ai dit, je ne suivrai aucun ordre et, comme je me contente simplement de faire un rapport, je ne handicaperai personne.

Le général L’Hotte qui fut, après le colonel Guérin, écuyer en chef de l’École de cavalerie, est un ancien élève de Baucher et du comte d’Aure, Pour lesquels il a de tout temps professé la plus grande admiration. Toutefois, je crois que le général a une préférence marquée pour la méthode Baucher. Je n’en veux pour preuve que sa manière de procéder.


Envoyé à Saumur en qualité de sous-lieutenant élève, le général L’Hotte en sortit avec le numéro1. C’était déjà à cette époque un homme studieux, dont le goût pour l’équitation se manifestait chaque jour. Il employait tous ses loisirs à suivre de la tribune du manège les leçons de l’écuyer ou le dressage des chevaux.

Revenu à l’école comme lieutenant d’instruction, le général L’Hotte apporta les mêmes aptitudes à ses études, et au sujet de l’équitation il laissa percer sa prédilection pour la méthode Baucher, ce qui était alors dangereux, le comte d’Aure étant écuyer en chef. C’était si dangereux, qu’au moment du classement et comme le lieutenant L’Hotte méritait sans conteste le no I, on lui reprochait ses opinions bauchéristes.

Que fit-on? Le conseil d’instruction réuni, le général de Goyon fit appeler le lieutenant L’Hotte, et là, devant tous les membres du conseil, on lui dit que ses opinions bauchéristes étaient la seule objection à son no I. «Comme si la pensée et l’opinion qu’un élève peut avoir devrait influer sur son classement», on lui demanda si cela était vrai et pourquoi? Trop loyal pour nier, et l’appât de l’honneur du no I ne pouvant l’emporter sur celui du courage de son opinion, le lieutenant L’Hotte répondit au général qui lui demandait de prendre l’engagement de ne plus se dire élève de Baucher et de ne plus pratiquer sa méthode: «Je ne saurais renier mon premier maître, ni cesser de reconnaître ce qu’il m’a appris, mais en venant à Saumur, je savais aussi y trouver d’utiles enseignements, et si je suis revenu à l’école de cavalerie, c’est attiré, surtout, par le désir de m’instruire à l’école de M. d’Aure.»

Le comte d’Aure prit la parole et dit: «Je me charge de ramener M. L’Hotte à mes principes,» et le lieutenant eut son no I.

Ces débuts du jeune officier parlent trop haut pour qu’il soit utile d’insister davantage sur la droiture des sentiments qui l’ont suivi dans sa carrière.

M. L’Hotte rentra dans son régiment, devint capitaine-instructeur et homme de devoir. La méthode Baucher étant défendue, il n’en fit pas usage, mais libre de sa pensée ou plutôt esclave de sa conviction, il dressa dans le silence Zégris, un cheval gris, de race bretonne, qui avait été pris dans les rangs d’un régiment de cuirassiers, où il était cheval de troupe.

Quoique ayant fort peu de sang, Zégris, qui était bien bâti et généreux, était arrivé au plus haut point de dressage qu’il soit possible d’atteindre.

Il se trouve encore à Paris quelques amateurs d’équitation qui se rappellent avoir fait le voyage de Saint-Cyr pour aller voir le travail de Zégris, alors que son maître commandait la cavalerie de cette école. Ce cheval gris fut remplacé à sa mort par Sicambre (ex Cinq Juillet); un pur sang qui avait été acheté à un entraîneur de Chantilly. C’était un cheval ramingue présentant une conformation tout opposée à celle recherchée pour le cheval de selle, ce qui ne l’empêcha pas d’arriver à faire un travail juste et compliqué, présentant une combinaison d’allures naturelles et artificielles. Entre autres difficultés Sicambre, comme Zégris du reste, exécutait des figures de manège d’une et de deux pistes en changeant de pied aux4, 3et2temps, ou à chaque foulée de galop. Le plus ou moins grand rapprochement des changements de pied était réglé au gré du cavalier. Ce qui frappait particulièrement, c’était l’immobilité du cavalier qui se faisait pour ainsi dire oublier. Aucun mouvement n’était apparent et le cheval semblait se livrer de lui-même à ces mouvements variés pour lesquels aucune initiative ne lui était, cependant, jamais permise. Le travail de manège ne constituait pas, du reste, une spécialité pour ces chevaux, qui étaient également employés comme hacks et chevaux d’armes.

De nombreux officiers ont été mis à même de juger du dressage de Sicambre, au moment où le général L’Hotte était écuyer en chef de l’école de Saumur; et à Paris l’on a pu voir le travail de ce cheval lorsque les écuyers de Saumur sont venus monter au Palais de l’Industrie, en1866, pour le premier concours de la Société hippique française.

Le commandant L’Hotte, écuyer en chef, fit à Saumur ce qu’il avait fait avant, c’est-à-dire que conservant son opinion personnelle, il se conforma à l’ordre de proscription de tout emploi de la méthode Baucher, et il exigea que tout son personnel: écuyer, sous-écuyer, maître et sous-maître de manège, en fît autant. Mais, chose étrange, et sous les yeux des chefs qui applaudissaient à sa fermeté, il montait et stupéfiait d’admiration par le travail de Sicambre ceux mêmes qui criaient anathème sur la méthode!

Un fait prouvera jusqu’à quel point le dressage de ce cheval était fixé. L’ancien écuyer en chef de Saumur commandait alors un régiment de dragons. Il s’était séparé de son cheval au moment de la guerre de1870et la campagne était terminée depuis plusieurs mois lorsqu’il le fit revenir près de lui. Le cheval ne faisait qu’arriver lorsqu’un ami du colonel, M. Gaussen, bien connu par ses travaux et ses écrits équestres, vint le voir et lui demanda de vouloir bien monter son cheval. C’était à Rambouillet, il n’y avait pas de manège alors, on se rendit dans le parc et, sur un terrain assez inégal, monté une première fois après une si longue inaction, ce cheval exécuta son ancien travail sans manquer un seul mouvement.


Le squelette de ce cheval est à l’École de Saumur, celui de Zégris est conservé à l’École de Saint-Cyr.

Bien que dans son amour passionné pour l’équitation le maître de ces chevaux ait souvent, comme je viens de le dire, porté les efforts de son travail vers les difficultés équestres, son enseignement n’a jamais varié, et lorsque, devenu général, le commandement de l’École de cavalerie lui fut confié, en dehors des sauteurs, les allures artificielles étaient rigoureusement proscrites pour tous les chevaux appartenant à l’École. L’enseignement se limitait exclusivement aux seules choses vraiment utiles au cheval de guerre. Il ne faisait en cela que maintenir les traditions léguées par nos écuyers militaires de renom, les d’Auvergne, les de Bohan, les Ducroc de Chabannes, etc.

Pour perpétuer le nom des hommes qui ont illustré l’art équestre en France, l’ancien écuyer en chef de Saumur, alors qu’il commandait l’École, fit inscrire sur des tables de marbre placées dans le manège des écuyers, les noms des écuyers français célèbres qui, depuis la Renaissance, ont été signalés par leur talent personnel et leur enseignement ou pour avoir fixé les étapes parcourues par l’art équestre dans ses transformations successives.

Ces noms sont les suivants: seizième siècle, de la Broue, Pluvinel; dix-septième siècle, de Solleysel, du Plessis, de la Vallée, de Vendeuil, Saunier; dix-huitième siècle, de la Guérinière, de Nestier, de Salvert, de Lubersac, de Montfaucon de Rogles, de Neuilly, Dupaty de Clam, d’Auvergne, Mottin de la Balme, de Bohan et de Boisdeffre; dix-neuvième siècle, vicomte d’Abzac, marquis Ducroc de Chabannes, Rousselet, comte d’Aure, Baucher, et d’autre part les noms des Écuyers en chef qui ont commandé le manège de Saumur depuis la réorganisation de l’École par le général Oudinot (1825).

Comme on voit, le général L’Hotte n’a pas oublié le nom de son maître, et s’il n’a pas dépendu de lui d’enseigner sa méthode, il l’a du moins traduite sur deux de ses chevaux.


Les hommes de cheval depuis Baucher

Подняться наверх