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XI - Cadichon malade

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Le lendemain, je n’eus d’autre occupation que de promener les enfants pendant une heure. Jacques venait me donner lui-même mon avoine, et, malgré les observations de Bouland, il m’en donnait de quoi nourrir trois ânes de ma taille. Je mangeais tout; j’étais content. Mais… le troisième jour, je me sentis mal à l’aise; j’avais la fièvre; je souffrais de la tête et de l’estomac; je ne pus manger ni avoine ni foin, et je restai étendu sur ma paille.

Quand Jacques vint me voir:

«Tiens, dit-il, Cadichon est encore couché! Allons, mon bon Cadichon, il est temps de te lever; je vais te donner ton avoine.»

Je cherchai à me lever, mais ma tête retomba lourdement sur la paille.

«Ah! mon Dieu! Cadichon est malade, s’écria le petit Jacques; Bouland, Bouland, venez vite. Cadichon est malade.

— Tiens, qu’est-ce qu’il a donc? reprit Bouland. Il a pourtant eu son déjeuner de grand matin.»

Il s’approcha de la mangeoire, regarda dedans et dit: «Il n’a pas touché à son avoine; c’est qu’il est malade… Il a les oreilles chaudes, ajouta-t-il en me prenant les oreilles; son flanc bat.

— Qu’est-ce que cela veut dire, Bouland? s’écria le pauvre Jacques alarmé.

— Cela veut dire, monsieur Jacques, que Cadichon a la fièvre, que vous l’avez trop nourri, et qu’il faut faire venir le vétérinaire.

— Qu’est-ce que c’est qu’un vétérinaire? reprit Jacques de plus en plus effrayé.

— C’est un médecin de chevaux. Voyez-vous, monsieur Jacques, je vous le disais bien. Ce pauvre âne a eu de la misère; il a souffert cet hiver, cela se voit bien à son poil et à sa maigreur. Puis il s’est échauffé à courir très fort le jour de la course des ânes. Il aurait fallu lui donner un peu d’avoine, et de l’herbe pour le rafraîchir, et vous lui donniez de l’avoine tant qu’il en voulait.

— Mon Dieu! mon Dieu! mon pauvre Cadichon!… il va mourir! Et c’est ma faute! dit le pauvre petit en sanglotant.

— Non, monsieur Jacques, il ne va pas mourir pour cela; mais il va falloir le mettre à l’herbe et le saigner.

— Ça va lui faire mal de le saigner, reprit Jacques pleurant toujours.

— Pour ça non, vous allez voir; je vais le saigner tout de suite en attendant le vétérinaire.

— Je ne veux pas voir, je ne veux pas voir, s’écria Jacques en se sauvant. Je suis sûr que cela lui fera mal.»

Et il partit en courant. Pendant ce temps, Bouland prit sa lancette, me la posa sur une veine du cou, la frappa d’un petit coup de marteau, et le sang jaillit aussitôt. À mesure que le sang coulait, je me sentais soulagé; ma tête n’était plus si lourde; je n’étouffais plus; je fus bientôt en état de me relever. Bouland arrêta le sang, me donna de l’eau de son, et une heure après me lâcha dans un pré. J’allais mieux, mais je n’étais pas guéri; je fus près de huit jours à me remettre. Pendant ce temps, Jacques et Jeanne me soignèrent avec une bonté que je n’oublierai jamais: ils venaient me voir plusieurs fois par jour; ils me cueillaient de l’herbe afin de m’éviter la peine de me baisser pour la brouter; ils m’apportaient des feuilles de salade du potager, des choux, des carottes, ils me faisaient rentrer eux-mêmes tous les soirs dans mon écurie, et je trouvais ma mangeoire pleine des choses que j’aimais le mieux, des épluchures de pommes de terre avec du sel. Un jour, ce bon petit Jacques voulut me donner son oreiller, parce que, disait-il, j’avais la tête trop basse quand je dormais. Une autre fois, Jeanne voulut me couvrir avec le couvre-pied de son lit pour me tenir chaud la nuit. Un autre jour, ils me mirent des morceaux de laine autour des jambes, de crainte que je n’eusse froid. J’étais désolé de ne pouvoir leur témoigner ma reconnaissance, mais j’avais le malheur de tout comprendre et de ne pouvoir rien dire. Je me rétablis à la fin, et je sus qu’on projetait une partie d’ânes dans la forêt avec les cousins et cousines.

Les Oeuvres Complètes de la Comtesse de Ségur

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