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IV

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L’importance du service rendu au diagnostic et à la thérapeutique par la séro-agglutination, dans un cas particulier, m’a vivement engagé à répéter la tentative de Widal pour une autre affection, la tuberculose, où elle pouvait rendre un service plus important encore, si le succès couronnait mes efforts.

En effet, quoi qu’on en dise généralement, la tuberculose, même la tuberculose pulmonaire, est la plus curable des maladies chroniques. Elle peut guérir spontanément: a fortiori peut-elle guérir ou tout au moins s’améliorer par des soins appropriés.

Les moyens thérapeutiques les plus puissants que nous connaissions à l’heure actuelle appartiennent à la médication hygiénique et diététique, telle qu’elle est pratiquée dans les Sanatoria. Des médecins autorisés prétendent que cette médication peut guérir 25 pour 100 des tuberculeux, soit 30.000 par an pour notre pays.

Mais le succès exige que le traitement hygiénique soit employé aussitôt que possible après le début de la maladie.

Malheureusement, la tuberculose pulmonaire au début se diagnostique très difficilement. L’auscultation à cette période fournit rarement des signes perceptibles. Elle est simplement soupçonnée, d’après des symptômes de second ordre. Or, sur un simple soupçon, le médecin n’ose pas se prononcer; le mot tuberculose cause une si grande frayeur, qu’il recule devant les conséquences d’une si grosse révélation. Il se contente d’émettre des doutes, qu’il s’empresse, d’ailleurs, d’atténuer dans une grande mesure par des artifices oratoires. Lorsque l’entourage du malade se rend enfin à l’évidence, il est habituellement trop tard pour entreprendre le traitement avec des chances de succès.

Il est donc indispensable de rompre avec cette pusillanimité. Mais il est non moins indispensable que le médecin puisse étayer son diagnostic sur des bases aussi solides que possible, sinon, il restera toujours circonspect.

La recherche du bacille dans la tuberculose débutante est parfois impossible ou infructueuse, l’épreuve par la tuberculine est redoutée pour l’homme, la radioscopie et la radiographie peuvent n’apporter qu’un secours insignifiant dans les formes légères et étroitement localisées.

Conséquemment, il était indiqué de trouver un procédé auxiliaire du diagnostic sur la valeur duquel on pourrait toujours compter et qui soit constamment inoffensif.

J’ai réussi dans cette recherche, en mettant à profit le pouvoir agglutinant spécifique du sérum sanguin des tuberculeux, comme Widal avait utilisé le pouvoir agglutinant du sang des typhiques.

J’ai dit précédemment que le pouvoir agglutinant s’exerçait sur les bacilles tenus librement en suspension dans des émulsions homogènes. La liberté et l’indépendance des bacilles, l’homogénéité des émulsions sont des conditions sine qua non.

Ce n’est pas sous cet état que se présentent d’ordinaire les bacilles de Koch, qu’ils aient végété sur des milieux solides ou dans des milieux liquides.

Mon premier soin fut donc d’obtenir des cultures sur pomme de terre facile à émulsionner, et ensuite, des cultures homogènes en bouillon glycériné. Ce sont ces dernières qui conviennent le mieux pour étudier le pouvoir agglutinant des sérums; ce sont elles que j’entretiens régulièrement dans mon laboratoire.

Quand on mélange, en proportions convenables, dans un petit tube de verre cylindrique une certaine quantité de culture homogène de bacilles de Koch et de sérum provenant de sujets imprégnés expérimentalement de tuberculine ou de bacilles tuberculigènes, ou de sujets frappés de tuberculose spontanée, les bacilles ne tardent pas à s’agglutiner. Le sérum de sujets sains appartenant à certaines espèces peut agglutiner aussi les bacilles de Koch, mais avec beaucoup moins d’activité que celui des sujets ayant subi le contact du virus tuberculeux. La différence, convenablement mesurée, sert de base au séro-diagnostic de la tuberculose.

Ainsi, le pouvoir agglutinant du sérum des hommes tuberculeux oscille autour de 1/10, c’est-à-dire qu’une goutte de sérum entraîne l’agglutination des microbes contenus dans 10 gouttes de culture; rarement il s’élève au-dessus de 1/20. En résumé, ce pouvoir est assez faible; aussi, pour le constater et le mesurer exactement, faut-il prendre plus de précautions que s’il s’agissait du pouvoir agglutinant des typhiques.

J’ai fait connaître le résultat de mes premières recherches au Congrès de médecine interne de Montpellier, en 1898. Le sérum des personnes atteintes ou supposées atteintes de tuberculose vraie agglutinait le bacille de Koch 94 fois sur 100; celui des malades frappés de tuberculose chirurgicale, 91 fois sur 100, et celui de personnes supposées saines, 22 fois sur 100.

La proportion des résultats positifs permettait d’augurer favorablement du parti que l’on pourrait tirer, en clinique, de l’agglutination du bacille de Koch.

Depuis cette date, en collaboration avec Paul Courmont, nous avons réalisé un nombre considérable de séro-agglutinations. Malgré cela, les rapports que nous venons d’indiquer ne se sont pas modifiés sensiblement. Leur signification prend, de ce fait, une plus haute importance.

Aussi n’avons-nous pas hésité à préconiser notre procédé comme un moyen de diagnostic très sérieux.

La séro-agglutination est d’autant plus précieuse qu’elle donne ses plus beaux résultats dans les cas où les lésions sont peu étendues et, conséquemment, difficiles à reconnaître par les procédés habituels. Il est vrai qu’elle est médiocre dans les cas où les lésions tuberculeuses sont graves, étendues, confluentes, où la résistance du patient est vaincue par le mal; mais alors les symptômes habituels ont une telle évidence que le concours de l’agglutination est inutile.

Notre opinion sur la valeur de l’agglutination dans le diagnostic de la tuberculose est corroborée par des essais pratiqués hors de Lyon.

Mongour, de Bordeaux, a confirmé nos résultats et deux thèses, dont les conclusions sont favorables, ont été soutenues devant la Faculté de médecine de cette ville. Bendix, assistant du professeur von Leyden, de Berlin, a essayé la séro-agglutination dans des cas assez variés. Le procédé est non seulement sorti victorieux de cette épreuve, mais encore Bendix lui a reconnu une certaine valeur au point de vue du pronostic à porter sur les affections tuberculeuses que l’on soumet à ce genre d’examen.

La confiance que peut inspirer la séro-agglutination repose encore sur la comparaison de nos résultats avec ceux obtenus par un autre procédé de diagnostic, je veux dire la tuberculination.

La tuberculine a causé de tels mécomptes comme agent thérapeutique, que généralement on n’ose s’en servir comme agent de diagnostic. Il en est autrement à l’Institut des maladies infectieuses de Koch, à Berlin. 2137 malades qui se sont présentés à cet institut pour des causes diverses ont été soumis à l’épreuve de la tuberculine. L’examen ultérieur de ces malades a permis de les répartir entre plusieurs catégories et de déterminer les relations existant entre la tuberculose et les réactions à la tuberculine. Max Beck a fait connaître les résultats de cette importante enquête. Les chiffres qu’il a publiés concordent aussi exactement que possible avec les nôtres. Or, tout le monde est d’accord pour reconnaître à la tuberculine une très grande valeur diagnostique.

La séro-agglutination peut donc se comparer à la tuberculination, avec cette différence toutefois que le séro-diagnostic est d’une innocuité absolue. Aucune considération médicale ne s’opposant à son emploi, il serait bon de s’en souvenir pour déceler hâtivement la tuberculose. Sans doute, elle jettera prématurément, quelquefois, l’alarme dans les familles. Mais on lui pardonnera vite à la pensée qu’à ce prix, et à ce prix seulement, peut s’acheter la guérison des personnes pour qui elle nous a fait trembler.

Tel est l’épisode que je désirais exposer devant la réunion.

Ce n’est probablement ni le dernier, ni le plus intéressant de la crise bactériologique actuelle.

N’oublions pas que la composition chimique et les propriétes physiologiques du sang sont les témoins des actions et des réactions qui s’accomplissent dans nos tissus. Nombreuses et variées à l’état normal, ces réactions sont encore plus nombreuses lorsque le sang transporte des microbes et leurs poisons.

Etant donné les obscurités qui règnent encore en hématologie et les difficultés du sujet, on peut être convaincu que la sérologie, au point de vue seulement où se place le bactériologiste, nous ménage plus d’une agréable et importante surprise.

L'Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon

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