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ESQUISSE ETHNOGRAPHIQUE ET ANTHROPOMÉTRIQUE

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Lu dans la séance du 29 mai 1900

PAR

M. Ernest CHANTRE

Membre titulaire de l’Académie.

On désigne sous les noms de Bicharieh et d’Ababdeh deux tribus de la famille nubienne ou Bedjah qui habite cette vaste région désertique entrecoupée de montagnes et d’oasis, comprise entre l’Egypte et l’Abyssinie. Elle est exactement limitée au nord-est par la mer Rouge à Kosseir; au nord-ouest par le Nil à Keneh; au sud par le plateau éthiopien; à l’ouest par le Nil Bleu et le Grand-Nil à la hauteur de la deuxième cataracte. Cette famille, ainsi que celle des Bogos, des Danakils, des Gallas et des Somalis, appartient au grand groupe éthiopien ou Coushito-Khamite. Les Nubiens ou Bedjah sont certainement les anciens Ethiopiens de l’Afrique du Nord, car Strabon indique, d’après Erastostène, cette population comme distincte des Nègres et des Egyptiens, leurs voisins.

Les Bedjah se divisent en un certain nombre de tribus parmi lesquelles on remarque surtout les Bicharieh au nord et les Hadendhoa au-dessous d’eux au sud. A l’est entre Kassala et Souakim, les Allenka, les Chinterab, les Merafab, etc.; quelques tribus musulmanes plus ou moins arabisées, telles que celle des Ababdeh en partie sédentaires, qui habitent à côté des Bicharieh, puis celle des Beni-Amer à l’est de ces derniers; celle des Djalin à l’ouest, et celles des Hassanieh et des Choukourieh dans le bassin inférieur du Nil Bleu.

Le nom de Bicharieh est souvent employé comme synonyme de Bedjah. Il semble que, par son importance, cette tribu représente à elle seule la famille tout entière des Bedjah.

Une inscription de Séti Ier (XIXe dynastie) cite les Bukas, parmi les Ethiopiens vaincus, et celles des monumeuts d’Axoum en Erythrée contiennent les noms des Bugas et des Bugaïtes.

L’auteur arabe Macrissi raconte, d’après les traditions locales, que les Bedjah furent jadis les ennemis des Pharaons. Dans les armées des rois pontifes de Napata, des souverains d’Ethiopie, tels que Piankhi, Meiamoun et Schabuk (Sabaron) figurent des ancêtres des Bedjah.

Cette population connue des Grecs et des Romains sous le nom de Blemmyes fut refoulée dans la Haute-Nubie par les légions des Césars et de leurs alliés. Ils furent plus tard rebelles à la prédication de l’islam, et Ibn-Hanqual les décrit comme des païens. Macrize parle d’un roi des Bedjah résidant à Djezireh-el-Bedjah entre l’At-bara et le Sennaar. D’après l’historien arabe, le trône se transmettait dans cet État suivant la ligne maternelle. D’après le même auteur, ces Bedjah étaient idolâtres; mais on a des raisons de croire que quelques tribus étaient déjà chrétiennes, tandis que d’autres étaient devenues musulmanes. Maçoudi raconte, en effet, que 3000 Nubiens nomades et mahométans montés sur des dromadaires aidèrent les Arabes à s’emparer des mines d’or qui avaient probablement valu son nom à la Nubie, car Noub signifie en ancien égyptien l’or.

Au moyen âge le nom de Bedjah semble avoir disparu de la scène politique. Il n’est plus question que des tribus Bicharieh Adendhoa, etc. On se trouve donc en. présence des restes d’une nation en décadence fatalement destinée à disparaître, mais que l’on ne doit pas laisser dans l’oubli à cause du rôle important qu’elle a joué dans l’antiquité.

Tous les voyageurs et les historiens qui depuis les auteurs arabes ont écrit sur la Nubie et la Haute-Egypte ont parlé des Bedjah. Ceux qui ont séjourné chez quelques-unes de leurs tribus, tels que Linant de Bellefond, par exemple, ont donné des renseignements sur leur pays, leurs coutumes et leur type en général; mais aucun n’a fourni des renseignements précis touchant leurs caractères morphologiques et pouvant permettre de rattacher cette population à celles auquelles. on l’a dite apparentée. On possède pourtant quelques observations anthropométriques de ces Nubiens ou Bedjah dont on a annexé de 1877 à 1880 quelques petits groupes dans les jardins d acclimatation de Paris, de Genève et de Berlin. A Paris, ils ont été étudiés par MM. Bordier , Girard de Rialle et Letourneau; à Genève, c’est M. Déniker qui a pu les observer en 1880, et, à Berlin, c’est M. Virchow qui les mesure en 1879.

Les observations de ces savants anthropologistes ont porté sur quatre Hadendhoa, deux Hamrah, quatre Hallenka, et quelques autres individus d’origine incertaine. En tout une quinzaine de sujets.

Ces résultats étaient certes précieux mais ils portaient sur un trop petit nombre de sujets pour que l’on ne puisse pas désirer étendre ce genre de recherches sur des séries plus importantes de représentants de cette race si intéressante et si peu connue. Aussi n’ai-je pas manqué durant mes deux derniers voyages dans la Haute-Egypte d’étudier avec soin l’anthropométrie des Bicharieh et des Ababdeh dont on rencontre un grand nombre d’individus dans les environs de Louqsor et surtout d’Assouan. Dans ces deux localités, j’ai recueilli sur près d’une centaine de sujets des renseignements nouveaux et intéressants pour compléter l’étude des peuples de cette région.

L'Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon

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