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BICHARIEH
ОглавлениеActuellement le gros du peuple Bicharieh s’étend dans toute la Basse-Nubie, entre la grande courbe occidentale du Nil à Berbera et de la mer Rouge à Soua Kim.
Le point qu’ils considèrent pourtant comme leur véritable patrie est le pays montagneux de l’Etbaye, au centre de la région que je viens d’indiquer. Là ils vivent à l’état de semi-nomades au nombre de 200.000 environ, et au contact des Ababdeh qui les ont vaincus sous Mehemet-Ali et à qui ils payent un tribu de 10 pour 100 de leurs chameaux. Ceux-ci, beaux et robustes, sont la principale richesse des Bicharieh; ils en possèdent, dit-on, 300.000 têtes. L’impôt est payé au cheikh des Ababdeh qui a dû récemment, lui et ses tribus, servir comme auxiliaires dans l’armée anglo-égyptienne, lors de la reprise du Soudan. A ce moment tous les chameaux des Bicharieh ont été réquisitionnés, Dieu sait à quelles conditions!
En dehors de leurs montagnes de l’Etbaye, où ils construisent des cabanes plus ou moins confortables, les Bicharieh habitent de misérables huttes en nattes de jonc et en torchis. Maint touriste ayant visité l’Egypte a pu les voir dans le camp qu’ils occupent en dehors d’Assouan, où ils viennent vendre leur provision de charbon de bois préparé dans l’Etbaye.
Famille Bicharich Aliab campée à Assouan.
Mais ces familles quoique belles sont trop pauvres, trop déshéritées, pour donner une idée de ce que fut cette race jadis. Leurs mœurs actuelles sont des plus primitives. La plupart de leurs ustensiles de ménage sont en pierre olaire rappellant ceux que l’on a découverts dans les tombeaux préhistoriques des environs de Thèbes et d’Abydos associés à des outils en silex.
Ils se drapent, hommes et femmes avec une suprême élégance, dans une pièce de cotonnade blanche qui prend vite la teinte grisâtre du désert. La chaussure leur est inconnue. Mais ce qui donne aux Bicharieh une note originale et qui fait qu’on ne saurait les oublier, c’est leur coiffure. Naturellement dotés d’une épaisse chevelure, ils la frisent de manière à en faire une toison haute et crépue. Séparée sur le haut de la tête par une raie qui passe un peu au-dessus des oreilles, une partie de la toison se dresse droite et ferme, tandis que l’autre partie descend en couvre-nuque jusque sur le cou et les oreilles, les protégeant ainsi des ardeurs du soleil brûlant du désert. Le Bicharieh s’en va toujours tête nue. Il a soin d’enduire de graisse ou de beurre ses cheveux. Chez les femmes, la chevelure est divisée en une infinité de petites nattes ornées de coquillages et de perles. Hommes et femmes se percent le lobe des oreilles pour y introduire des anneaux d’argent quelquefois assez gros et lourds.
Leurs armes se composent de lances en fer, souvent très ornées; d’un bouclier généralement fait d’une carapace de la grande tortue du Nil ou de peau de bufle; d’un sabre et d’un poignard qu’ils portent au bras gauche.
Les instruments de musique des Bicharieh se composent d’une monotone guitare, rhebab, à cinq cordes dont la caisse est une calebasse recouverte d’un morceau de peau non tannée, puis d’un tambourin ou petit tambour fait d’un morceau de bois creusé et recouvert de peau.
Depuis qu’ils vivent au contact des Égyptiens et des Arabes, ils en ont pris les usages et la religion; toutefois, celle-ci est mêlée de croyances chrétiennes et de pratiques bien antérieures à l’islam. Ils respectent les serpents et les perdrix. Enfin, ils sont d’une grande frugalité.
La langue des Bedjah la plus usuelle est certainement l’arabe. Cependant les dialectes primitifs de la race subsistent encore, du moins à l’état d’idiomes locaux, surtout dans les régions voisines de l’Ethiopie. Almquist, qui a rédigé une grammaire des langues bedjah, en a reconnu quatre dialectes principaux, sans compter les patois des chasseurs. L’idiome des Bicharieh, des Adendhoa et d’une partie des Beni-Amer est le bedaouié ou bedjavi, qui n’a rien d’arabe malgré son nom, mais qui se rapproche des langues sémitiques.
Les Bicharieh que j’ai étudiés à Assouan appartiennent aux deux sous-tribus des Aliab (66 sujets) et des Hamrah (25 sujets). Ils étaient récemment arrivés de l’Etbaye.
Au point de vue physique, le Bicharieh est remarquable par son type fin, nerveux, distingué. Il frappe par la beauté de son visage et la petitesse de ses extrémités. Les jeunes garçons ont les traits si fins, si doux, qu’on les confond avec les jeunes filles. Très bien proportionnés dans leur maigreur, ils sont d’une adresse surprenante et d’une endurance peu commune. Montés sur leurs chameaux, ils peuvent fournir sans fatigue les courses les plus longues. Grâce à la rude vie de ces hommes, la vieillesse les atteint de bonne heure et vient flétrir leurs traits réguliers, un peu anguleux.
Bicharich Hamrah arrivant de l’Etbaye.
La peau toujours saine est comme tendue sur les joues maigres. Les lèvres en s’entr’ouvrant laissent voir des dents magnifiques qui sont, d’ailleurs, une de leurs coquetteries.
La couleur de la peau très différente de celle des Négritiens n’a pas de reflets noirâtres, si ce n’est chez les individus métissés; elle est plutôt rouge-cuivre ou chocolat clair, comme celle des Indiens du Nouveau-Monde. La couleur des femmes diffère peu de celle des paysannes des Calabres et de la Sicile.
Le nez est droit chez les Bicharieh et s’avance en forte saillie. Ils sont cependant mésorhiniens: l’indice nasal est de 75,50 pour l’ensemble des individus que j’ai mesurés (74,46 pour les cinquante-trois hommes et 76,08 pour les treize femmes de la même tribu). Chez les vingt-cinq Hamrah visiblement métissés de Soudanais, cette mésorhinie augmente encore, car on voit cet indice monter chez eux à 83,70. On doit remarquer que des femmes de la tribu des Dinka, chez lesquels les Bicharieh du Sud prennent fort souvent leurs épouses, sont d’une platirhinie qui dépasse grandement l’indice de 94.
Mise en séries de l’indice nasal.
Le tableau ci-dessous montre les proportions dans lesquelles se trouvent les différents indices que j’ai constatés pour le nez des Bicharieh. On voit que trente-sept sujets ont des indices supérieurs à 80, tandis que vingt-six en présentent d’inférieurs à 70.
Le Bicharieh est sous-dolichocéphale; l’indice céphalique moyen des quatre-vingt-onze sujets que j’ai mesurés est de 79. Il est de 79 pour soixante et dix-huit hommes Aliab et de 80,22 pour les treize femmes de la même tribu.
On doit remarquer que chez les Aliab la dolichocéphalie est plus grande que chez les Hamrah: l’indice des premiers est de 78,14, tandis que celui des seconds est de 80,33. Cette tendance à la brachycéphalie que l’on a constatée déjà chez les femmes Aliab est due, bien certainement, à des alliances de plus en plus fréquentes avec des femmes soudanaises, principalement de la tribu des Dinak du Nil-Bleu chez lesquels j’ai trouvé des indices de 80,64 et même 83,37.
On sait que plusieurs groupes de Soudanais nilotiques sont mésaticéphales, tels que les Niam-Niam (ind. cép. 77,71) et les Nouba (ind. cép., 82,35).
On doit remarquer encore que les Aliab forment deux groupes distincts, car la moyenne de fréquence se trouve chez eux entre les indices de 77 (douze sujets) et 78 (huit sujets), puis entre ceux de 81 (six sujets) et 82 cinq sujets).
Mise en séries de l’indice céphalique des Bicharieh
Bicharieh Aliab.
Bicharieh Aliab.
La mise en séries de cet indice céphalique montre pour l’ensemble des Bicharieh que trente-trois sujets dont treize. Hamrah présentent des indices supérieurs à 80, tandis que quatorze sujets dont trois Hamrah et onze Aliab seulement les ont inférieurs à 75.
La courbe autéro-postérieure est souvent surélevée jusqu’ au vertex, l’indice de hauteur ou transverso-vertical (auriculo-bregmatique) est pour les quatre-vingt-onze sujets de 81,12.
Chez les Dinka ce même indice est de 85,5o pour seize sujets.
La face des Bicharieh est le plus souvent droite, beaucoup cependant présentent un certain prognathisme. Ce caractère négroïde se rencontre surtout chez les Hamrah.
Chez les Bicharieh les pommettes sont parfois saillantes quoique, d’une façon générale, la face puisse être qualifiée d’allongée. L’indice facial de cette population est de 104,12.
On doit remarquer toutefois que chez les femmes Aliab il monte à 112,96, tandis que chez les hommes de cette tribu il n’est que de 102,41.
Mise en séries de l’indice facial.
La mise en séries de cet indice montre d’autre part que trente-neuf sujets ont des indices supérieurs à 108, tandis que l’on n’en trouve que vingt et un qui soient inférieurs à 104.
La taille des Bicharieh est peu élevée. La moyenne est pourtant de 1m64. Chez les femmes elle n’est que de 1m50.
Mise en séries de la taille debout.
Mise en séries de la grande envergure.
La mise en séries montre que vingt-trois sujets seulement dépassent la taille de 1m70, tandis que quinze n’arrivent pas à 1m60.
La moyenne de la grande envergure est de 169 centimètres, mais on trouve quarante sujets chez lesquels elle dépasse 170 centimètres. On en voit au contraire vingt qui n’atteignent pas 164 centimètres. Elle est donc supérieure à la taille chez cinquante-six sujets tandis qu’elle lui est inférieure chez quatorze et égale chez neuf comme le montre la mise en séries ci-dessous.
Mise en séries de la grande envergure comparée à la taille.
L’indice inter-oculaire est de 32,26.
L’œil toujours noir ou brun est étincelant. Mi-clos devant la lumière aveuglante, il donne souvent à la physionomie quelque chose de cruel. On les accuse d’ailleurs de cruauté. Ils passent pour être sans pitié, avares, gais, loquaces et curieux.
Les observations ethnographiques et anthropométriques que j’ai recueillies aux environs de Louqsor et d’Assouan concordent en général avec celles de mes savants prédécesseurs. Toutefois, il existe entre les indices moyens de nos diverses séries quelques écarts qu’il importe d’expliquer.
Et, en effet, il serait difficile de comprendre l’écart de près de trois unités que l’on constate entre l’indice céphalique moyen (longueur-largeur) qui est de 76,68 dans la série de M. Bordier, tandis que j’ai trouvé celui de 79 dans la mienne si l’on ne discute pas l’ethnogénie des tribus qui les composent.
La comparaison seule des indices individuels des sujets étudiés par M. Bordier montre d’abord que les plus dolichocéphale (73 à 74) appartiennent à la tribu des Allenka de la région de Souakim et de Kassala, lesquelles sont manifestement mêlées d’Ababdeh et d’Arabes, tandis que certains Hadendhoa qui sont plus ou moins métissés de Soudanais sont comme les Hamrah mésaticéphales.