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AVANT-PROPOS

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Table des matières

Je me suis proposé, dans ce volume, non de tracer un tableau complet de la société du Consulat et de l’Empire, mais d’éclairer quelques aspects de cette société à l’aide de documents nouveaux, publiés dans ces dix dernières années. Ces documents ont le caractère que notre temps goûte de préférence, ce caractère vivant et intime qui nous rend un peu de la physionomie des générations disparues, un peu de l’âme et de la figure des personnages qui y ont brillé par le génie, la puissance, le rang, l’esprit, ou qui s’y sont fait une place distincte par leur façon propre de sentir et d’agir; ils nous apprennent des choses que nous ignorions, ils nous donnent de celles que nous savions une impression plus exacte et plus vive.

L’homme qui devait mener la France et l’Europe observé et décrit sur le vif, depuis ses premiers rêves de gloire et de pouvoir jusqu’au faîte de ses grandeurs; l’attitude et les sentiments des siens dans la fortune nouvelle que leur fait cette élévation inouïe; la composition, l’allure et le train de la cour impériale comparée à l’ancienne cour; les différences qui s’y marquent dans les manières, le langage, les mœurs, dans la forme et le ton de la galanterie; l’air étouffant qu’on y respire et le pli que le maître imprime à l’âme de ses courtisans et de ses familiers; l’esprit de la ville en opposition avec celui de la cour, Paris tour à tour indifférent, ironique ou boudeur, et par de là la cour et la ville, l’exaltation des vertus guerrières, les miracles d’une intrépidité fougueuse ou stoïque, l’énergie et la vitalité de la nation concentrées toutes dans les camps, voilà quelques-uns des objets que nous offrent les écrits où j’ai puisé.

Il en est d’autres qui n’ont pas moins de prix et d’attrait. Des correspondances privées, heureusement conservées ou recueillies, nous ouvrent l’intérieur de la famille, nous permettent de pénétrer dans l’intimité des affections domestiques, d’en apprécier et d’en sentir la force, la pureté, la délicatesse. Nous entendons des accents auxquels le dix-huitième siècle ne nous avait point accoutumés; on ne rougit plus de s’aimer entre époux, de se le dire, de se le répéter l’un à l’autre. La femme est par l’esprit et par le cœur la compagne de son mari, de ses pensées, de ses travaux: celui-ci fût-il un soldat, un héros, un gagneur de batailles, qui n’apparaît à son foyer que de loin en loin, elle lui garde une ardente fidélité ; ses sentiments, son langage, sa vie, s’imprègnent de ses mâles soucis, se teignent d’une sorte de couleur guerrière: le ménage du maréchal et de la maréchale Davout a je ne sais quelle tendresse et quelle grâce héroïque qui porte la marque d’une époque et qui enrichit d’une façon charmante les fastes de l’amour conjugal.

L’esprit sceptique, léger, sensuel de l’âge précédent n’a pas impunément traversé ces terribles crises qui ont bouleversé et renouvelé l’ancien monde: le caprice n’est plus l’unique lien des libres amours; la passion y entre; elle y mêle une exaltation où l’imagination et le cœur ont plus de part que les sens; elle y porte de rêveuses ardeurs, de fiers élans vers un irréalisable idéal, suivis de chutes douloureuses et d’invincibles tristesses. Mme de Beaumont et Mme de Custine vivent et meurent de cette façon d’aimer, qui aurait excité la surprise et peut-être la gaieté de leurs aïeules.

Ainsi va l’âme française, se modifiant, se transformant avec le temps et les circonstances, infiniment souple et diverse, capable de tout, même de sérieux, âme séduisante jusque dans ses caprices et ses erreurs qui ne réussisent pas à lasser les sympathies, âme surtout vivante, qui ne revêt jamais sa dernière forme, qui se rit des sinistres pronostics de ses envieux et de ses ennemis, et survit aux uns comme aux autres, semblable à cette fière et charmante cité dans laquelle elle semble s’incarner avec ses grâces et ses faiblesses, à ce Paris qui, vaincu et demi-captif, arrachait encore à M. de Metternich, en juillet 1815, alors qu’il le contemplait du haut du palais de Saint-Cloud, cet involontaire hommage qu’un autre homme d’Etat; plus grand que M. de Metternich, aurait pu lui rendre à son tour, il y a tantôt ving ans, dans les mêmes lieux, presque dans les mêmes circonstances, sans se rabaisser, ce semble, outre mesure:

En voyant du balcon cette immense cité qui brillait avec tous ses dômes au coucher du soleil, je me suis dit: «Cette ville et ce soleil se salueront encore quand on n’aura plus que des traditions de Napoléon et de Blücher et surtout de moi!»

ERNEST BERTIN.

La société du Consulat et de l'Empire

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