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ARRIVÉE A MOULINS. — RÉCEPTION. — FÊTES.

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Nous ne retrouvons plus ici l’antiquité de Bourges et de Nevers, et les traces éternelles des pas de César. Moulins n’était au dixième siècle qu’un rendez-vous de chasse. Elle ne prit quelque importance qu’au quatorzième siècle, lorsque les princes de Bourbon, quittant Souvigny, vinrent y fixer leur résidence. Elle a cependant son histoire et ses souvenirs. C’est dans ses murs que se conclut, en 1548, le mariage d’Antoine de Bourbon avec Jeanne d’Albret. C’est là que Catherine de Médicis convoqua cette assemblée qui devait rétablir l’union entre les huguenots et les catholiques, et où le chancelier de l’Hôpital montra tant de grandeur. Moulins s’honore d’avoir donné naissance au maréchal de Villars, qui sauva la France à Denain.

L’aspect de la ville est charmant. Située sur le bord de l’Allier, dans une plaine riante et fertile, elle avance de toutes parts autour d’elle de vertes promenades qui lui donnent à toutes les époques un certain air de fête; ses rues sont larges et bien alignées. Elle a des cours plantés d’arbres, qui rappellent les promenades du Midi. Si elle ne possède pas ces monuments historiques qui ne s’élèvent que dans les vieilles cités, elle a au moins, dans son ensemble, une harmonie qui séduit le voyageur.

Les habitants ont avec la ville je ne sais quel air de ressemblance. Ils sont aimables, polis, avenants. Il semble que le séjour des princes de la maison de Bourbon au milieu d’eux leur ait laissé un certain vernis de cour que le temps n’a pas effacé.

En entrant dans la ville, le cortége du Prince est entouré des populations accourues de toutes parts du département. Ce ne sont plus les mêmes physionomies que dans le Berri et le Nivernais. Le caractère original de ces provinces n’existe pas ici. On se croirait aux environs de Paris.

Dès le matin, toutes les populations arrivent des arrondissements voisins et de l’Auvergne. Les habitants de cette dernière province sont faciles à reconnaître entre tous par leurs vestes et leurs chapeaux à bords élancés. A midi, les députations des campagnes et des départements voisins, les anciens militaires de l’Empire, la garde nationale de Moulins, celle des communes du département; le 8e cuirassiers, colonel Royer en tête; les cent cinquante gendarmes à cheval, un bataillon du 15e de ligne, prennent position le long de la grande allée.

Deux compagnies de la garde nationale sont au rond-point. où sont réunis M. Jourdier, maire de la ville, les adjoints, le conseil municipal, le conseil général, le général de division Jacquemin; le colonel Pierre, chef de la légion de gendarmerie; le colonel Clément, du 15e de ligne; le colonel du 10e de chasseurs, et d’autres officiers supérieurs.

A une heure trois quarts, des salves d’artillerie saluent l’approche de la voiture Impériale. La plupart des maisons sont pavoisées. La rue de Paris, par laquelle il doit entrer, est sablée, et ses façades sont tapissées de guirlandes.

L’hôtel de la préfecture est le point vers lequel se trouvent disposées les décorations principales. Cet hôtel est loin d’offrir le caractère monumental des préfectures de Bourges et de Nevers, ni ce développement spacieux de constructions qui donnent à ces deux dernières l’aspect de véritables palais. C’est une simple maison bourgeoise, dont la façade n’est pas dénuée d’un certain mérite architectural, mais qui n’est nullement en rapport avec l’importance de sa destination actuelle.

Appréciant cette insuffisance, la municipalité et le conseil général, malgré l’exiguïté de leurs ressources, ont voté récemment une allocation de 25,000 francs, destinée à rendre l’hôtel préfectoral moins indigne de l’hôte illustre qu’il va recevoir. De son côté, M. le préfet a contribué largement aux travaux d’appropriation, afin de payer personnellement au chef de l’État sa dette de reconnaissance et d’admiration. Les appartements réservés au Prince sont décorés avec élégance et bon goût, et la salle de banquet, improvisée en quelques jours, offre le coup d’œil le plus gracieux.

La décoration de la façade principale attire tous les regards. Au centre, formant avant-corps, sont disposés trois écussons portant la lettre N, et entourés de drapeaux tricolores disposés en faisceaux. D’une fenêtre à l’autre serpentent des guirlandes de verres bleus s’enroulant de distance en distance, de manière à former un cercle au centre duquel la même lettre se dessine également.

Un magnifique transparent, que surmonte un aigle colossal, couronne cet ensemble et promet pour ce soir une décoration brillante. Il porte au sommet cette inscription: Dieu protége la France; puis ces deux autres aux extrémités: 7,500,000 voix. — 20 décembre!

Quant à la décoration de la ville, la nature s’est chargée d’en faire les frais. On sait que ce qui donne à Moulins sa réputation de ville riante, et qui lui fait une place à part parmi nos cités, c’est une splendide ceinture de promenades, aussi majestueuse que variée dans ses effets: là, c’est un berceau de tilleuls ou d’ormeaux; ici, une avenue de platanes ou un rideau de peupliers. Une double guirlande en verres de couleur, qu’accompagnent par intervalles d’autres guirlandes de feuillages, relie ensemble tous les arbres de chaque cours, et se prolonge dans tous les sens aux quatre points cardinaux de la ville.

Le cours de Bercy se distingue entre tous par sa largeur et la magnificence de ses plantations. C’est là que sont disposées, au milieu de guirlandes de fleurs et de feuilles, les tribunes dans lesquelles se placeront le Prince, les dignitaires qui l’accompagnent et les autorités de la ville, au moment du défilé. Un arc de triomphe, composé de feuillages et orné avec richesse de faisceaux d’armures, conduit aux tribunes. De toutes parts, et entremêlées dans la verdure des arbres, flottent des banderoles tricolores de l’effet le plus gracieux.

La voiture s’arrête au rond-point où étaient réunies les autorités de la ville et du département. Alors, il s’est opéré dans la foule un ébranlement tel, que les quelques hommes de service, qui étaient là pour maintenir l’ordre, n’ont pu résister. Chacun était avide de voir et d’approcher le Prince, et c’est avec peine que l’habileté des postillons a pu prévenir des accidents.

M. Jourdier, maire de la ville, a adressé au Prince le discours suivant:

«PRINCE,

«La ville de Moulins, que j’ai l’honneur de représenter, attend avec impatience Votre Altesse Impériale dans ses murs.

«Les sentiments de la nombreuse population qui se presse sur votre passage me sont d’autant plus faciles à exprimer, que je les éprouve moi-même.

«La ville de Moulins, qui a toujours lutté avec énergie et conviction contre l’esprit de désordre, a été saisie d’admiration et pénétrée de reconnaissance pour vous, lorsque l’acte héroïque du 2 décembre tira la France de l’anarchie.

«Aujourd’hui, Prince, que le vertige des mauvaises doctrines est comprimé et que l’ordre est assuré, la confiance se rétablit partout; mais, pour conjurer désormais les orages politiques quelque lointains qu’ils apparaissent, pour affermir la sécurité dans l’avenir, pour compléter enfin votre œuvre de réparation, nos populations n’aspirent qu’à la stabilité de votre puissance.

«Leurs vœux seront exaucés lorsque les destinées futures de la France vous seront irrévocablement confiées.

«Tels sont, Prince, les sentiments qui animent l’ancienne cité dont je suis fier d’être aujourd’hui le fidèle interprète auprès de Votre Altesse Impériale.

«Le 16 septembre sera un jour mémorable pour elle.

«Vive Louis-Napoléon!»

Une explosion de cris de Vive l’Empereur! a répondu à la voix du maire.

Le Prince-Président a écouté ce discours debout dans sa voiture et découvert. Il a remercié le maire en termes affectueux des sentiments qu’il lui exprimait au nom de la ville de Moulins.

Le cortége s’est ensuite dirigé vers la cathédrale. Dans la voiture du Prince se trouvaient M. le ministre de la guerre, le préfet et le maire de la ville.

M. le ministre de la police générale était descendu de voiture. M. de Maupas se trouvait, pour ainsi dire, en famille. Il est connu et aimé de ce département de l’Allier, qu’il a administré dans des circonstances difficiles, et où il a rendu d’immenses services. Sa présence a causé une véritable impression, et il a été l’objet des manifestations les plus flatteuses de tous les fonctionnaires et des notabilités qui ont eu des rapports avec l’habile administrateur,

Monseigneur de Dreux-Brézé, évêque de Moulins, assisté de ses vicaires généraux, des chanoines et d’une vingtaine de prêtres, est venu le recevoir au bas de l’escalier de la modeste entrée, où il lui a présenté le crucifix contenant un morceau de la vraie croix. Le Prince est entré, précédé du prélat, en chape et mètre en tète. Il a pris place sous un dais en velours rouge doré et surmonté de panaches blancs. Monseigneur de Dreux-Brézé lui a offert l’eau bénite et l’a encensé, puis il lui a adressé avec émotion quelques paroles que nous sommes heureux de reproduire:

«MONSEIGNEUR,

«Qu’il me soit permis, en ce moment solennel, de vous adresser l’hommage d’un double remercîment. Il a trait à un double bienfait, digne de la reconnaissance spéciale de l’Église. Le premier est de lui avoir rendu la liberté d’action nécessaire pour étendre et assurer son heureuse influence. Le second, d’avoir compris que la nation française, laissée à ses tendances naturelles, demeure toujours la nation très-chrétienne entre toutes les autres, et que la foi de ses pères est encore pour elle, après tant de secousses, le premier besoin de son intelligence et de son cœur.

«Si l’exiguïté de cette enceinte n’y formait un douloureux obstacle, une population plus nombreuse, en joignant ici ses vœux et ses remercîments aux nôtres, vous en aurait donné, Monseigneur, une manifestation consolante.

«Laissez-moi espérer qu’une parole créatrice, tombée de votre bouche, assurera, dans ce diocèse, au siège principal de la prière un plus convenable asile. La première expression de notre reconnaissance sera de demander à Dieu, avec les grâces qui sanctifieront votre mission dans le temps, la gloire qui en sera la récompense dans l’éternité.»

Le Prince a répondu:

«Deux vertus principales sont nécessaires, dans le temps

«où nous vivons, pour le maintien de la société : la foi et la

«charité.

«La foi, pour nous inspirer le courage d’accomplir la mission

«que la Providence nous donne ici-bas,

«La charité, pour faire aimer l’action qu’on exerce en accomplissant

«sa mission.

«Personne, mieux que vous, monseigneur, et votre clergé,

«ne sait pratiquer ces deux vertus.

«Je serai heureux de m’associer au vœu et au désir que

«vous m’exprimez, et soyez bien convaincu que je ferai tous

«mes efforts pour en hâter l’accomplissement.»

Le clergé s’est mis en marche; et, le prélat marchant immédiatement devant le dais, porté par six frères de la doctrine chrétienne, le Prince a été conduit, au son de l’orgue, au prie-Dieu réservé devant l’autel. Les chantres ont entonné le Domine, salvum fac Ludovicum Napoleonem. Après l’Oremus, chanté par Monseigneur l’évêque, le Prince a été reconduit à sa voiture en s’entretenant avec le prélat. Les cris de: Vive Napoléon! ont retenti dans l’église à sa sortie comme à son entrée.

Le Prince s’est rendu à la préfecture. Il a été reçu par madame Guyot, femme du préfet, qui lui a fait les honneurs de l’hôtel avec une grâce charmante.

Le mauvais temps a beaucoup contrarié l’ordre dans lequel devaient être rangées les populations rurales, les gardes nationales et les troupes, pour la revue, qui n’a pu avoir lieu.

L’eau tombait par torrents; la population cherchait vainement un abri sous les arbres séculaires des allées. Louis-Napoléon a assisté, du balcon de la préfecture, au défilé des députations, des maires ruraux, des gardes nationales, de la gendarmerie et du 8e cuirassiers. Ce défilé a eu lieu aux cris de: Vive l’Empereur! Une affluence considérable, bravant le mauvais temps, est restée toute la soirée devant l’hôtel de la préfecture, pour apercevoir le Prince, qui paraissait par intervalles.

Les danses, les jeux, les divertissements, qui ont tant d’attrait pour les masses, n’ont pu avoir lieu.

Vers quatre heures, le Prince, accompagné du préfet et du général Roguet, sans escorte, s’est rendu en calèche découverte à l’hôpital Saint-Joseph. Il a été reçu par madame la supérieure, qui l’a conduit dans toutes les salles. Il a remarqué que ce pieux établissement manquait de chapelle; il a promis à la supérieure de lui faire accorder 5,000 francs par le ministre de l’intérieur pour rendre à sa destination l’ancienne chapelle, transformée, depuis 1793, en salle des malades. Le Prince a également visité l’hôpital de la Charité, et s’est entretenu avec les sœurs des améliorations projetées pour leur maison.

A sa sortie des hôpitaux, le Prince est allé visiter les travaux de construction de la nouvelle église Saint-Nicolas, élevée dans le style gothique sur l’une des faces de la place d’Allier. Ce monument, à l’érection duquel participent la ville, le département et l’État, est parvenu à la moitié de la hauteur qu’il doit avoir, et formera, après son achèvement, un spécimen très-pur de l’art ogival du treizième siècle. Les ouvriers, qui s’y trouvaient réunis au nombre de cinquante environ, ont reçu le Prince par l’acclamation unanime partout répétée de: Vive l’Empereur!

S. A. Impériale a parcouru quelques quartiers de la ville, au milieu des acclamations d’enthousiasme; elle a pu se convaincre que, si Moulins ne possède pas un grand nombre de monuments, quelques-uns cependant méritent d’être remarqués.

On admire le beau pont jeté sur l’Allier par Rogemortes, et qui remplaça celui qui avait été construit par le célèbre Mansard, et qui fut emporté l’année même de son inauguration. A l’extrémité du pont, au delà du fleuve, s’élèvent des casernes monumentales.

Il ne reste, de l’ancien château des princes de Bourbon, qu’une grosse tour qui sert aujourd’hui de prison.

La cathédrale est malheureusement restée inachevée. Son style, du gothique le plus pur, annonce un plan primitif d’une noble conception. Les révolutions n’ont pas permis de terminer ce bel édifice. C’est un sort qu’ont subi beaucoup de cathédrales du centre de la France. Depuis quelques années, des efforts ont été tentés pour terminer ces monuments interrompus. La France entre dans une voie qui permet d’espérer qu’un jour elle verra s’accomplir ces œuvres de géants. En effet, le Prince a promis à Monseigneur de Dreux-Brézé que la cathédrale serait achevée .

Le monument où tout le monde se porte est le tombeau du connétable de Montmorency, placé dans l’ancienne église de la Visitation, devenue la chapelle du lycée.

On connaît l’origine de ce mausolée qui fut élevé par la piété de la duchesse de Montmorency, lorsque, après la mort tragique de son noble époux, tombé à Toulouse sous le fer de Richelieu, elle put se retirer dans le couvent de la Visitation de Moulins.

C’est une des œuvres d’architecture les plus remarquables qu’on possède en France. Elle est due au ciseau de trois sculpteurs célèbres: François Augier, Thomas Renaudin et Thiébaut Poissant. Augier était de Moulins.

Le mausolée est adossé au mur à côté du maître autel. Le socle et le sarcophage sont en marbre noir; le revêtement du mur et les statues, en marbre blanc. Le duc, à demi couché sur le sarcophage, appuie la main gauche sur un casque, et tient dans l’autre son épée nue. Sa tête est majestueuse, et le sculpteur a placé dans ses traits la sérénité de l’innocence. La duchesse, assise à ses côtés, lève vers le ciel ses yeux suppliants et son noble visage plein de douleur. Au bas du sarcophage sont couchées une statue d’Hercule, symbole de laforce, et celle d’une femme distribuant des richesses, symbole de la libéralité.

Au-dessus de la statue du duc, contre la muraille, s’élève une urne funéraire que deux génies entourent de festons. Aux deux extrémités du mausolée, deux statues, l’une représentant un guerrier couvert d’une armure antique, et l’autre une femme embrassant une croix, sont l’emblème de la noblesse et de la piété. Une épitaphe indique le nom et les charges de celui à qui ce monument fut consacré, et quelle fut la main amie qui le lui érigea. A Toulouse, nous trouverons un autre souvenir de Henry de Montmorency: c’est le couteau qui trancha cette tête si fière et que l’on conserve au Capitole.

Les environs de Moulins et tout le Bourbonnais contiennent des monuments curieux qui ont été décrits dans un ouvrage remarquable, publié, il y a quelques années, par M. Achille Allier, dont les arts n’ont pas oublié le nom et ont déploré la perte prématurée.

Rentré à la préfecture à cinq heures, le Prince a reçu les autorités, en commençant par les députés du département, MM. Desmaroux et le baron, de Veauce; M. de Parieu, président de section au conseil d’État; la cour d’appel de Riom, en robes rouges, ayant à sa tête M. Nicolas, premier président; l’évêque et le clergé, etc.

M. le premier président Nicolas a prononcé le discours suivant:

«MONSEIGNEUR,

«La Cour d’appel de Riom vient déposer à vos pieds l’hommage de son respect et de son dévouement.

«Les acclamations qui retentissent autour de vous et qui vont éclater partout sur votre passage sont l’expression de la reconnaissance de la France pour le Prince dont la sagesse et le courage l’ont sauvée des malheurs de l’anarchie, et des convulsions de la guerre civile.

«C’est à vous, Prince, qu’appartient la gloire d’avoir fait sortir l’ordre et la sécurité de cet horizon chargé d’orages, qui semblait annoncer le terme du règne des lois les plus parfaites et de la civilisation la plus avancée.

«Tout était condamné à périr sous ce beau ciel de France: vous avez tout ravivé par votre profonde et patriotique résolution contre la confusion des pouvoirs. Sous votre gouvernement protecteur des principes sur lesquels reposent les sociétés, l’industrie, pleine d’assurance dans l’avenir, s’est livrée à tout son essor; le crédit s’est développé dans la confiance; la propriété s’est rassise et se repose de ces commotions que lui faisaient éprouver, chaque jour, les doctrines antisociales que prêchaient impunément au peuple les prétendus apôtres de ses destinées.

«L’institution judiciaire, cette œuvre immortelle du génie qui, en couvrant la France de gloire, organisait toutes les administrations d’une main si ferme et si habile, vous doit aussi sa conservation; et la France n’oubliera jamais que vous n’avez pas voulu qu’on suspendît un instant les principes qui garantissent au peuple l’indépendance de la justice.

«Grâces vous soient rendues de tant de bienfaits, Prince! et daignez accueillir les vœux que forme la Cour d’appel de Riom pour l’accomplissement de vos grands et nobles desseins, pour le bonheur et la prospérité de la France.»

Le Prince a répondu:

«Je vous remercie des sentiments que vous me témoignez;

«mais ce n’est pas à moi seulement qu’il faut attribuer

«l’honneur d’avoir sauvé le pays: c’est aussi à tous les

«hommes d’énergie qui, comme vous, m’ont aidé dans la tâche

«difficile que j’ai entreprise, et que, grâce à votre concours,

«j’espère mener à bonne fin.»

M. Raynaud, ancien député et président du conseil général du département, a adressé au Prince les paroles suivantes:

«PRINCE,

«La gracieuse visite dont Votre Altesse Impériale daigne honorer ce département est un nouveau bienfait, vivement apprécié par le conseil général et qui restera profondément gravé dans tous les cœurs.

«Soyez le bienvenu parmi nous, Prince! Sur ce sol raffermi par votre courageuse initiative, une immense acclamation de reconnaissance et de dévouement salue le libérateur, le pacificateur de la France!

«A ces titres qui immortalisent votre dévouement à la patrie, Prince, la nation, les yeux tournés vers l’avenir, en ajoute un autre, dont nous appelons de tous nos vœux la consécration comme gage immuable de sécurité pour la société, la civilisation et la paix du monde.»

Le Prince a remercié, avec sa bienveillance habituelle, l’orateur des sentiments qu’il lui exprimait.

M. le recteur de l’Académie, en présentant les membres du Corps enseignant, a dit:

«MONSEIGNEUR,

«Permettez aux membres du Corps enseignant de l’Allier de saluer avec respect la bienvenue de Votre Altesse Impériale, en protestant de leur zèle à suivre de toute l’énergie de leur conviction votre Gouvernement dans la voie de régénération qu’il trace à l’éducation publique, jaloux qu’ils sont de s’associer à l’élan national en enseignant à la jeunesse de nos écoles ce que, à l’exemple des pères, les fils doivent de dévouement sans réserve au Sauveur de la patrie, au digne héritier de l’Empereur.»

Le Prince a répondu:

«MONSIEUR LE RECTEUR,

«Je vous remercie des sentiments que vous m’exprimez.

«Vous avez parfaitement raison: les intérêts de l’avenir, telle

«doit être la grande préoccupation de ceux qui sont chargés

«de former la jeunesse; et je suis heureux de savoir qu’ici

«vous l’ayez compris de cette manière,»

Le président de la Société d’émulation, en présentant ses membres, et en offrant au Prince l’album qu’elle a fait exécuter à l’occasion de l’exposition de tableaux à Moulins, en 1852, a prononcé un discours, auquel Louis Napoléon a répondu:

«J’ai reçu avec la plus grande satisfaction l’album que

«vous m’avez fait remettre. En toutes circonstances, je marcherai

«sur les traces de l’Empereur.»

Le Puy-de-Dôme avait envoyé à cette brillante réception un bon contingent. Nous avons remarqué les députations du conseil général, de la chambre de commerce; les sous-préfets de Riom, de Thiers, d’Issoire; les ingénieurs en chef; M. de Romeuf, receveur général du Puy-de-Dôme; MM. Léon de Chazelles, député ; Aubergier, adjoint du maire de Clermont; Pagès, premier président honoraire de la cour de Riom.

L’Auvergne, n’ayant pas encore été visitée par le Prince-Président, a voulu, par cette démarche pleine de spontanéité, lui prouver qu’elle s’associe de cœur et de pensée aux vœux exprimés par les habitants de l’Allier pour la durée de ses pouvoirs et la prospérité de son gouvernement.

Le Prince a fait espérer qu’il visiterait Clermont lors de l’inauguration du chemin de fer.

Le département du Cantal avait aussi envoyé M. de Parieu, ancien ministre, président de section au conseil d’État et du conseil général du département, et plusieurs autres fonctionnaires.

Le Prince a passé devant les maires des communes rurales, rangés sur deux rangs dans les salons.

Puis sont venus les anciens militaires de l’Empire, dont la mise révélait la détresse. Le Prince les a tous entendus avec honté, et a chargé un conseiller de préfecture du soin de recueillir leurs demandés. En attendant, il a distribué en nombreux secours une somme de 2,000 fr. à plusieurs de ces anciens serviteurs. L’un d’eux, nommé Berger, vieillard de quatre-vingt-treize ans, ayant combattu à Wagram, sous les ordres du général comte Guyot, a reçu une somme de 300 fr. D’autres non moins dignes d’intérêt, ont reçu en outre, de la main du Prince, une vingtaine de louis. Les pauvres de la ville n’ont pas été non plus oubliés, et une somme de 2,000 fr. a été remise par ordre du Prince à la supérieure de l’hôpital général, dont les revenus ne suffisent que bien difficilement aux besoins des malheureux. Cette pieuse femme s’est jetée aux pieds du Prince, qui l’a aussitôt relevée.

Malgré la pluie, les cours et les abords de la préfecture ont été constamment remplis d’une foule toujours désireuse de voir et d’acclamer Louis-Napoléon.

Dans la réception, le Président a remis la croix d’officier de la Légion d’honneur à M. Fournier, receveur particulier des finances à Montluçon, décoré de la main de l’Empereur à Wagram où il fut blessé ; et la croix de chevalier à MM. Bernier, directeur des contributions indirectes; Défougèrs, directeur des domaines et de l’enregistrement; Berger, conseiller de préfecture; Boudant, maire de Gannat et membre du conseil général; Donjan-Bernachez, commandant de la garde nationale de Moulins.

Après le dîner, auquel ont été invités les deux députés du département, l’évêque, le duc de Mortemart, le général Jacquemin, l’intendant militaire, le général Faucheux; les colonels de gendarmerie, du 8e cuirassiers, 15e de ligne et 10e chasseurs; le maire, le receveur général, le président du conseil général; M. Raynaud, ancien député sous la monarchie, S. A. 1. s’est rendue au bal dans la calèche du préfet, en passant près de la tour du beffroi, qui est le monument le plus ancien de Moulins. Elle remonte à 1200. C’est l’horloge de la ville.

Le bal avait lieu à l’hôtel de ville, dont la salle Était décorée avec élégance et richesse. La réunion était nombreuse, vive, brillante, animée. Le Prince a ouvert le bal avec madame la comtesse Guyot. M. le comte Guyot et madame Jourdier lui faisaient vis-à-vis. M. le ministre de la guerre dansait avec madame la baronne de Veauce. M. Jourdier faisait, vis-à-vis avec là femme du général. Madame Guyot portait un riche bijou que S. A. I. lui avait remis comme soutenir de son passage.

A onze heures S. A. I. fait le tour des salons, au milieu des vivats prolongée de la foule élégante qui se presse pour le voir.

A sa sortie du bal, les cris de: Vive l’Empereur! éclatent avec vivacité et l’accompagnent jusqu’à la préfecture.

La ville de Moulins avait fait de grands préparatifs pour la réception du Prince. Le mauvais temps a dérangé une partie de son programme. Mais l’accueil que S. A. I. a reçu de la part des habitants a compensé et au delà cette légère contrariété. Cette journée du 16 septembre, ainsi que l’a dit M. le maire, sera une journée mémorable pour la ville de Moulins; elle restera aussi dans les souvenirs du Prince comme un témoignage des sentiments d’affection et de dévouement des habitants du Bourbonnais.

Pour être complète, cette journée devait être marquée par quelques bonnes actions.

Louis-Napoléon, dont la main généreuse est toujours ouverte pour procurer des secours aux malheureux et du travail aux ouvriers, a distribué, en dons de toute nature, une somme de dix mille francs, dont profiteront l’hôpital Saint-Joseph, l’hôpital général, l’institution des Crèches et d’autres établissements de bienfaisance.

S. A. I. a fait remettre à M. Desrosiers, imprimeur, une, magnifique médaille en or. Enfin, sur la demande de M. le comte Guyot, préfet de l’Allier, le Prince a commué en internement la peine de la transportation plus à laquelle étaient soumis MM. Amaury (de la Palisse), Victor Défougères (de Vendat), Chassery, pharmacien. Le Prince a ordonné que ces décisions fussent mises à exécution le jour de son arrivée à Moulins.

Voyage de Sa Majesté Napoléon III, empereur des Français

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