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Beaumont sous quatre régimes

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Table des matières

Le duc de Savoie devient roi de Sardaigne

Par le traité d’Utrecht (11 avril 1713) et le congrès de Rastadt, Victor-Amédée II recouvre ses territoires, dont la Savoie, et obtient en plus la Sicile avec, en sus, le titre de roi de cette île. Cette royauté sera éphémère, la Sicile ayant été prise par l’Espagne, puis par l’Autriche.

Par le traité de Londres de 1718, le duc reçoit en compensation l’île de Sardaigne avec le titre de roi. La Savoie devient une province sarde.

C’est au duc Victor-Amédée II que l’on doit le cadastre. Ce travail dura dix ans en Savoie de 1728 à 1738. Nous tirons de l’Histoire de Savoie de Claude Genoux cette citation d’Hérau et Dorbier (La Savoie en 1833):

Ce monument est un cadastre général de toute la Savoie accompagné d’une carte géographique de chaque commune... sur une échelle de un sur la carte pour 2 400 sur le terrain. Cet ouvrage admirable a été fait avec la plus scrupuleuse exactitude... C’est à la Savoie que la France a emprunté le système de cadastre qu’elle a établi chez elle depuis 1805.

L’armée espagnole occupa la Savoie de 1742 à 1749. Elle se conduisit en conquérant, levant des impôts, effectuant maintes réquisitions...

Beaumont, Jussy, Le Châble sont réunis à l’intendance de Genevois pour la justice en 1749.

La création de la province de Carouge en 1780 mettra fin à l’existence de deux régimes différents dans notre commune, ce qui la divisait.

La République en Savoie

A la tête des troupes françaises, le général Montesquiou entre en Savoie sans coup férir le 22 septembre 1792. Le 24, il est à Chambéry; de là, il fait publier et afficher dans les villes de Savoie la proclamation suivante :

Liberté ! Egalité ! De la part de la nation française, guerre aux despotes, paix et liberté aux peuples. Donné à Chambéry, le 24 septembre 1792, l’an quatre de la liberté et le premier de l’égalité. Le général de l’armée française: Montesquiou .

Les habitants de toutes les communes savoyardes furent invités à élire pour chacune un député, le 14 octobre 1792, avec mission de se rendre à Chambéry le 21 suivant, pour discuter de la réunion de la Savoie à la France. Jean-Claude Taponier, cabaretier au Châble, ancien syndic, fut élu et votera le rattachement. La réunion de tous les députés prit le nom d’«Assemblée législative des Allobroges». Le 23 octobre, elle votera, à une écrasante majorité, l’annexion de la Savoie à la France. La Convention nationale entérinera ce vote le 27 novembre:

La Convention nationale, après avoir reconnu que le vœu libre et universel du peuple souverain de la Savoie, émis dans les assemblées des communes, est de s incorporer à la République française; considérant que la nature, les rapports et les intérêts respectifs rendent cette réunion avantageuse aux deux peuples; déclare qu’elle accepte la réunion proposée et que, dès ce moment, la Savoie fait partie intégrante de la République française.

La Savoie devient ainsi le département du Mont-Blanc, avec pour chef-lieu Chambéry. Beaumont en fait partie. Il dépend du district de Carouge, canton de Viry.

Le 15 avril 1798, l’armée française occupe Genève qui devient, le 25 août suivant, chef-lieu du nouveau département du Léman dont fera partie Beaumont. Cet état de fait durera jusqu’en 1814, année où Genève entre dans la Confédération helvétique.

En 1801, Saint-Julien remplace Viry comme chef-lieu de canton.

La Savoie fait retour au royaume de Sardaigne

Le traité de Paris du 30 mai 1814, consécutif à la défaite napoléonienne, a partagé la Savoie. Une partie fait retour au royaume de Sardaigne, tandis que l’autre partie reste française. Cette dernière comprend trois arrondissements: Chambéry, Annecy et Rumilly; la commune de Beaumont est rattachée à ce dernier. Cette anomalie crée des problèmes aux habitants de notre commune car, pour aller commercer à Genève, ils doivent traverser Carouge... ville sarde!

Fort heureusement, le traité de Vienne du 20 novembre 1815, intervenu après les Cent-Jours et Waterloo, réunifie la Savoie. Beaumont dépend de la province de Carouge, chef-lieu Saint-Julien.

Par ce même traité, ainsi que par celui de Turin du 16 mars 1816, le territoire savoyard sera amputé de vingt-trois communes au profit de la république et canton de Genève. On peut voir à Carouge, au Rondeau, un monument qui célèbre cet événement.

Ce même traité de Turin a institué, au profit de Genève, une zone franche autour de son canton. Cette zone, dite zone sarde, qui existe encore de nos jours, a partagé la commune de Beaumont, créant des inconvénients notamment aux habitants de la partie située en territoire douanier.

Mentionnons les combats entre Français et Autrichiens et l’occupation par l’armée autrichienne qui s’ensuivit en 1814 et 1815, et dont la commune de Beaumont eut à souffrir. De plus, une imposition extraordinaire vint alourdir le budget communal.

Par suite de la suppression de la province de Carouge en 1838, Beaumont dépend de la province du Genevois, chef-lieu Annecy.

Réunion de la Savoie à la France sous le Second Empire

Le traité de Turin du 24 mars 1860, conclu entre la royauté sarde et le régime impérial français, unissait la Savoie (ainsi que le comté de Nice) au destin de la France, sous réserve d’une consultation des populations. Elle le furent grâce à un plébiscite organisé le 22 avril 1860, dont les résultats se passent de commentaires .


Notons que 71 bulletins étaient pour la réunion à la Suisse.

Nous donnons, ci-dessous, extrait du procès-verbal du plébiscite dans la commune de Beaumont:

Electeurs: 178 – Oui et Zone: 175 – Oui: 1 – Non: 1 – Nul: 1.

La prise de possession du territoire savoyard sera faite officiellement par le sénateur Laity au nom de l’Empereur.

Notons que le plébiscite a été précédé d’une active campagne en faveur de l’annexion, notamment par les comités français de Chambéry et d’Annecy. Nous en donnons un exemple, en annexe, par un article paru dans le journal Le Bon Sens .

Il y eut, en Savoie du nord, une propagande pour la réunion de cette partie de la province à la Suisse.

Depuis la IIIe République, proclamée le 4 septembre 1870 à la suite de la capitulation de Napoléon III à Sedan deux jours plus tôt, Beaumont fait partie de l’arrondissement et canton de Saint-Julien, hormis une éclipse de 1926 au 1er janvier 1934, pendant laquelle notre commune était rattachée à l’arrondissement d’Annecy, suite à la suppression de celui de Saint Julien.

Alors que la guerre civile (la Commune), avec son triste cortège de destructions et de crimes abominables, dure depuis deux mois, que la guerre avec la Prusse n’est pas terminée (elle le sera le 30 mai 1871 par le traité de Francfort), le conseil municipal de Beaumont réuni en séance extraordinaire le 11 mai, vote l’adresse suivante aux députés de l’Assemblée nationale:

Réuni pour la première fois, le conseil municipal de la commune de Beaumont croit de son devoir de vous adresser l’expression de ses vœux qui sont aussi ceux de la population.

Nous voulons que l’Assemblée nationale reconnaisse et acclame la République et la maintienne par tous les moyens possibles. C’est le seul moyen de gouvernement qui puisse sauver la France, en faisant taire toutes les prétentions et les rivalités des partis qui la divisent et en nous permettant de faire des économies sérieuses pour relever nos finances et nous débarrasser des hordes étrangères qui souillent notre territoire.

Nous demandons aussi que l’Assemblée nationale fasse cesser la guerre civile et qu’elle ne se refuse plus aux offres de conciliation qui pourraient mettre fin à cette lutte fratricide.

Vive la République.

1939. La guerre, baptisée la “drôle de guerre” ; la bataille de France, mai-juin 1940; l’appel du général de Gaulle depuis Londres le 18 juin; l’armistice avec l’Allemagne le 22 juin et avec l’Italie le 24. Les hostilités cesseront le 25 à 1 h. 35 puis, le 10 juillet, un nouveau régime dénommé État français est instauré, siégeant à Vichy. La France est coupée en deux par une ligne de démarcation; au nord de cette ligne, la zone occupée, au sud, la zone soi-disant libre (Beaumont appartient à cette dernière). Cet état de fait durera jusqu’à l’occupation totale en novembre 1942. Pendant toute la durée des hostilités et encore au-delà, nous connûmes, comme entre 1914 et 1918, les restrictions, le rationnement, les cartes d’alimentation, de textiles, les réquisitions. Ce qui ne pouvait être fourni par le marché “officiel” l’était par le marché noir. L’échange de produits manufacturés contre des produits alimentaires était courant. On le nommait “monnaie machoires”, par analogie aux bons de “monnaie matières”, attribués par l’administration aux industriels et artisans.

Dix-sept habitants de la commune connaîtront une longue captivité dans les stalags.

ANNEXE

Habitants de la Savoie

Victor Emmanuel, devenu, par suite des derniers événements, roi de Haute-Italie, a compris lui-même que nos intérêts ne nous permettaient plus de faire partie d’un royaume italien et nous attiraient irrésistiblement vers la France; il a cédé tous ses droits sur la Savoie à l’empereur des Français.

Napoléon III, bien qu’il ait déjà reçu l’adhésion de la Savoie par l’organe de ses corps constitués, n’a pas voulu consommer cette annexion avant qu’elle ait été consacrée par l’acclamation universelle de tous les Savoisiens.

A cette question: Voulez-vous être réunis à la France? nos députés, nos conseillers provinciaux, nos conseillers communaux, représentants naturels de nos sympathies et de nos intérêts, ont déjà répondu avec enthousiasme: OUI, nous le voulons. C’est à notre tour de répondre: OUI.

Qu’un vote unanime fasse connaître à l’empereur Napoléon que nous serons heureux d’appartenir à la grande nation française!

Demain donc, nous serons citoyens français et nous jouirons de tous les avantages attachés à ce titre glorieux!

Plus de contingent! plus de seconde catégorie! plus de garde mobile! Nos enfants enrôlés depuis sept ans seront immédiatement libérés; ceux qui sont enrôlés depuis quatre ans rentreront dans leurs foyers en congé renouvelable. Telle est la loi française.

Elle atteint moins d’hommes que chez nous, car nous avons maintenant 17 000 hommes au service du Piémont, tandis qu’en devenant Français nous n’en n’aurons que 4 000 sous les armes.

Plus de douane! Nous achèterons à bon marché nos habillements, nos outils d’agriculture, nos instruments de tout genre, et nous vendrons avec facilité et avantage nos vins, nos bois, nos bestiaux, nos fromages, toutes nos denrées, tous nos produits.

Plus de passeport! Nous nous établirons librement sur tous les points de la France, et partout nous serons chez nous. Français, toutes les places de l’empire seront accessibles pour nous.

Nous aurons le sel à 3 sous le kilo; notre agriculture sera encouragée et deviendra florissante.

Nous ne paierons plus au Piémont 12 millions par an, dont la moitié se dépensait en Italie, sans avantage et sans profit pour nous.

Nous aurons enfin un bon gouvernement: plus de loi qui permette l’usure. Les impôts seront bien répartis, sagement calculés, et se reverseront dans le pays en dépense de toute sortes. Le gouvernement français contribuera pour une forte part aux dépenses que nos communes supportent seules aujourd’hui: églises, maisons communales, écoles, routes, ponts, diguements, etc, etc. Il paiera lui-même les traitements de nos curés et de nos maîtres d’école, que le gouvernement piémontais laissait presque en entier à notre charge.

LE CHABLE (Beaumont) et le Salève


Tout prendra chez nous une nouvelle vie: nos industries seront encouragées, nos mines exploitées, nos cours d’eau utilisés; nos eaux minérales verront accourir les étrangers.

Nous aurons des fabriques et des usines pour occuper les bras inactifs; nos ouvriers auront enfin du travail dont ils manquent depuis longtemps. Enfin nous aurons affaire à un gouvernement qui parlera la langue de nos représentants, qui comprendra nos mœurs, nos habitudes, qui ne sera pas un étranger pour nous, qui saura écouter nos demandes et faire justice à nos réclamations.

Chers concitoyens, c’est la France qui nous appelle et nous tend les bras! Répondons-lui avec enthousiasme! Que le 22 avril devienne une date impérissable dans l’histoire de notre patrie; que chacun de nous tienne à l’honneur de déposer son OUI dans l’urne électorale; que chaque ville, chaque commune se fasse remarquer par son empressement!

A l’ombre du drapeau de la France, ce glorieux étendard que nos pères ont suivi de victoire en victoire, et qui fait aujourd’hui l’envie et l’admiration du monde, la Savoie redeviendra heureuse et prospère. Saluons de nos acclamations l’empereur des Français, le digne héritier de Napoléon-le-Grand: il a promis de réaliser toutes nos espérances. Et que cette acclamation nationale apprenne à nos fils et à nos frères, encore au service en Piémont, qu’ils sont enfin libres de revenir dans leurs familles pour redire avec nous le cri national: Vive l’Empereur! Vive la France! Vive la Savoie française! (...)

Le Bon Sens, 21 avril 1860

LA VIE AU VILLAGE


31. - LE CHABLE (Beaumont). - Vue centrale


Le Châble Vue générale


Beaumont : Haute-Savoie : 1814-1940

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