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Les loisirs

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Table des matières

• La lecture – C’est au marché, au cabaret, par les colporteurs, à la sortie de messe le dimanche, plus tard aux fruitières, que l’on apprenait “les nouveaux”. Quelques personnes achetaient l’almanach du Messager Boîteux, et des parutions publiées à Genève. Les revues: La Veillée des Chaumières, La Propagation de la Foi étaient parmi les plus lues. La presse parisienne est parvenue jusqu’ici avec notamment Le Petit Journal et son supplément hebdomadaire Le Petit Journal Illustré. Il existait également une presse locale, avec les hebdomadaires L’Echo du Salève, paru entre 1866 et 1892, Le Cultivateur Savoyard entre 1877 et 1963. Bien évidemment, seuls quelques privilégiés les achetaient ou s’abonnaient. Quelquefois, l’abonnement était payé par plusieurs: on se passait le journal!

La petite Savoyarde n’a pas froid aux yeux

Au siècle dernier, une jeune fille du Châble, Andréanne D., est en place à Lyon dans une maison bourgeoise. En l’absence de ses patrons, elle recevait gentiment son «promis». Un jour, on sonne à la porte cochère. Par précaution, avant d’ouvrir, Andréanne regarde par la fenêtre ouverte; deux jeunes gens attendent. «Que voulez-vous» dit-elle? Un des garçons, s’adressant à son ami, lui demande: «Sommes-nous dans une ménagerie quand les singes sont aux fenêtres» ? Sans plus attendre, notre jeune Savoyarde rétorque: «Non, Messieurs, vous êtes dans une maison de meunier et les ânes attendent à la porte».

Eugénie veut se marier

Vers 1880, Eugénie C. du Châble, avec l’assentiment de ses parents est partie à Paris dans une bonne maison; son travail lui plaît et, périodiquement, elle donne de ses nouvelles aux parents. Dix-huit mois se sont écoulés depuis son départ quand arrive une lettre: Eugénie veut se marier! Père et mère sont abasourdis; quelle sorte de garçon a-t-elle pu rencontrer? Sans plus tarder, des renseignements sont demandés. La réponse ne se fait pas attendre. Ce jeune homme est Vendéen et travaille au PLM . La Vendée, disent les parents, c’est à l’autre bout de la France; puis le PLM! ce n’est pas du travail, que peut-on faire? Après mûres réflexions, les parents se rendent à Saint-Julien consulter un homme de robe, un avoué. Mis au courant, ce dernier s’écrie: «Employé au PLM! Mais c’est une référence! Que votre fille se marie bien vite».

Ernest Corajod, du Châble, aimait lancer des boutades. Les dames aimaient faire toilette que, du reste, elles portaient avec une certaine affectation. Quant à leurs chapeaux, vers 1900, c’étaient de véritables chefs d’œuvre.

On nous rapporte que c’était le cas de celui de dame Louise Mottet, qui était garni de fleurs, de plumes et même d’un oiseau aux couleurs vives.

Son voisin Ernest, qui avait travaillé quelques années à Paris et avait même traversé l’Atlantique, disait quand il voyait cette dame: «On dirait le Bois de Boulogne qui se promène».

• Jeux et paris – Il se faisait parfois, entre hommes, des paris quelque peu grotesques; peut-être après avoir ripaillé ! On nous en a rapporté quelques-uns: à celui qui porterait la plus lourde charge? Les gros bras exhibaient leur force! Malheur à celui qui ne pouvait décoller la charge du sol! Cela se terminait par des rires et... un bon coup à boire!

Il en était de même lorsque, après avoir mis un ou deux litres de cidre ou de vin dans une “brande” , c’était à celui qui arrivait à les boire en élevant ce récipient, en bois à l’époque et non en plastique, à hauteur de la bouche. Que de rires devait-il y avoir!

• Les veillées – On se réunissait le soir, en hiver entre amis, voisins, à tour de rôle, dans une maison du village; c’était la veillée qui, le plus souvent, était laborieuse. Elle se passait, en principe, au “pèle”. Au centre de cette pièce se trouvait un poêle, appelé vulgairement “la pipe”, autour duquel étaient installés bancs et chaises.

On écossait les fèves; anciennement cette légumineuse entrait pour une part importante dans la nourriture. On “gromaillait” le plus souvent. Ainsi on cassait les noix pour en extraire les cerneaux qui étaient transportés au moulin à huile. On “tillait” (rouissait) le chanvre . Cela consistait à détacher les filaments qui étaient ensuite filés avec un rouet spécial. Le chanvre était employé notamment pour la confection des draps, des chemises, etc. On rempaillait les chaises à l’aide de “blaches”, une herbe qui pousse dans les terrains humides. On réparait ou fabriquait les «bénons», ces petites corbeilles revêtues de tissu à l’intérieur, dans lesquelles on mettait la pâte une fois pétrie pour donner forme au pain.

Tout en travaillant, on “blaguait” (discutait) des problèmes internes aux familles, des événements qui s’étaient produits dans la commune ou aux alentours, des charges financières (l’impôt, sous des noms différents, a de tout temps existé !).

Certains aimaient raconter leur temps passé “aux Armées”, certainement en “brodant” quelque peu! N’oublions pas que, pour certains jeunes gens, si le sort leur était défavorable, ils partaient pour sept ans outre-Alpes (d’où la chanson «Il est parti pour le Piémont servir le Roi...»). Il arrivait que l’on se détende; jeunes et vieux, entraînés par un “violoneux”, dansaient .

Plus proche de l’époque actuelle, la lanterne magique occupait nos soirées. J’ai gardé le souvenir de quelques moments captivants passés chez Louis Taponier, alors que Charles Brand effectuait des projections, parfois de vues prises par lui-même. La TSF (télégraphie sans fil) nous procurait également d’intenses émotions. Au cours de l’hiver 1920-1921, un “événement” fut l’objet de maintes conversations dans le village. Auguste Cusin avait réussi à capter, avec un appareil récepteur de sa fabrication, une émission probablement émise depuis la Tour Eiffel. O combien, enfants, avons-nous été fascinés d’entendre une voix ou de la musique venant... de si loin!

La Guerre de 1914-1918 avait considérablement ralenti la vie du village. L’absence des hommes se faisait ressentir; femmes, jeunes gens, hommes âgés, assuraient les divers travaux. Les chevaux avaient été réquisitionnés par l’armée, et cela entravait encore un peu plus le travail des champs. Les denrées étaient rationnées.

En 1918, la terrible épidémie de la grippe espagnole occasionna un certain nombre de décès dans la commune.

Songeons aujourd’hui à l’anxiété des familles qui avaient un (ou plusieurs) des leurs sur le front.

Les acteurs du concert d’avril 1918 au profit du «colis du soldat».


Beaumont : Haute-Savoie : 1814-1940

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