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L’alimentation

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La nourriture était sans doute plus abondante ou variée sur la table des familles aisées. Néanmoins, la pitance journalière variait peu. La soupe mijotée dans le chaudron restait l’aliment de base; quand cela était possible, un morceau de lard l’améliorait. A la belle saison, elle était mise dans des pots de terre cuite et maintenue à température constante sur le potager. Souvent, femmes ou enfants les transportaient aux champs pour le repas de midi.

La pomme de terre, cuite sous la cendre, était accompagnée de quelques légumes. On mangeait quelquefois un cabri, une chèvre “réformée”, dont la viande était mise au saloir... quand on avait suffisamment de sel. Le poulet (ou la poule) était réservé pour les jours de fête religieuse (on préférait le plus souvent les vendre pour “se faire quelques sous”). Le fromage était fait en général à la maison. Des fruits cultivés ou sauvages (châtaignes, sorbes...) faisaient office de dessert. Dans les familles quelque peu “nanties”, on tuait le cochon élevé à la maison. Cette opération se déroulait selon un rituel immuable et se prolongeait toute la journée par la découpe de la viande, la fabrication des boudins, atriaux, longeoles, saucisses, etc. J’ajoute que la vessie de la bête, soigneusement lavée et séchée, sera utilisée comme blague à tabac dans laquelle l’herbe à Nicot conserve fraîcheur et arôme.

Une anecdote: au début de novembre 1868, Auguste Folliet, cultivateur au Châble, “tuait le caïon”. Quelques voisins étaient conviés (c’était coutume). La bête saignée fut mise dans “l’empatière” , et le sang recueilli pour le boudin. Les participants allèrent à la cuisine “casser la croûte”. Au retour, stupeur! Le cochon avait disparu! Bien évidemment on chercha. Ce ne fut que vers les deux heures de l’après-midi que la bête fut découverte... sous un tas de fascines. Etait-ce une farce ou le cochon avait-il pu se traîner dans cette cachette pour agoniser? Mystère! On a bien ri au village où tous les habitants étaient en alerte!

Un autre moyen pour se procurer de l’alimentation carnée consistait à braconner. Il était pratiqué par quelques possesseurs de “pétoires”, au pied du Salève, près des Aralles, au Creux du Vuarger, pour améliorer l’ordinaire sans doute, mais également par passion.

La femme était mise journellement à contribution par les multiples tâches que nécessitaient l’entretien du ménage et l’éducation des enfants. Elle soignait également le bétail, s’occupait de la traite des chèvres, éventuellement de la ou des vaches, de la fabrication des fromages. Il lui revenait en outre de pétrir la pâte pour le pain, tous les quinze jours ou plus, de filer la laine au rouet, de tricoter et d’aider aux travaux des champs. Bien souvent les femmes allaient au marché, à Carouge, vendre les produits de la ferme. Le marché se tenait les mardis et samedis. Les hommes s’y rendaient avec des barots (petite charrette à deux roues et à bras), quelques-uns à l’aide de petites voitures hippomobiles. En revanche, il n’était pas rare de rencontrer des femmes se rendant à Carouge, un panier posé sur la tête (à l’aide d’un coussinet), marchant en tricotant, un second panier au bras. Que de prodiges elles devaient effectuer pour “joindre les deux bouts” !

Dans ce monde dur, les femmes étaient souvent battues par leur “homme”. Parfois les rôles étaient inversés. Témoin cette anecdote qui m’a été rapportée et qui eut pour théâtre une maison du Châble-Haut:

Certain jour, le mari rentre à la maison certes pas à jeun, ce qui lui arrivait de temps à autre, et cherche noise à sa femme qui reçoit des coups. Le lendemain, la pauvre femme (connue sous le sobriquet de Paillassonne) racontant ses malheurs conjugaux à sa voisine “dame Quine” (sobriquet), cette dernière lui dit:

«Ecoute-moi bien, la prochaine fois que cela se produit, tu m’appelles et, à nous deux, on entoure ton homme d’un drap que l’on coud, puis ce sera nous “les bourreaux” !!!» C’est ainsi que quelques jours plus tard, J. B. reçut une sévère correction.

Beaumont : Haute-Savoie : 1814-1940

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