Читать книгу La religion et la politique de la société moderne - Frédéric Herrenschneider - Страница 24

DÉMONSTRATION DE LA DUALITÉ ESSENTIELLE.

Оглавление

ERREURS FONDAMENTALES DU SPIRITUALISME.

Un fait que l’on aurait pu croire acquis à la science, c’est l’observation de M. Cousin sur l’état concret de notre nature; car dans la réalité rien n’est simple ni abstrait. Ce n’est que par la nécessité inhérente à notre esprit que l’on procède à l’analyse, à la distinction et à la dissection des choses; que du concret on arrive à l’abstrait, que l’on entre dans les détails et que l’on sépare les éléments entre eux. C’est là une vérité que notre illustre philosophe a parfaitement établie, mais qu’il abandonne dès qu’il entre dans le corps du problème, et qu’il se met à étudier l’âme dans ses manifestations intimes. Alors l’âme dans son système n’est plus qu’un être simple, quelque diverses qu’en soient les fonctions, et tous les phénomènes psychologiques qu’il découvre sont ramenés à un seul chef: la spiritualité absolue. Voici sa théorie à ce sujet, je la transcris dans son entier, parce que c’est là le fond du débat:

«Il est impossible, dit M. Cousin , de connaître quelques phénomènes de conscience, les phénomènes de la sensation ou de la volition ou de l’intelligence, sans qu’à l’instant même nous les rapportions à un sujet un et identique qui est nous-mêmes, de même nous ne pouvons connaître les phénomènes extérieurs de la résistance, de la solidité, de l’impénétrabilité, de la figure, de la couleur, de la saveur, etc., sans juger que ce ne sont pas là des phénomènes en l’air, mais des phénomènes qui appartiennent à quelque chose de réel, qui est solide, impénétrable, figuré, coloré, odorant, sapide, etc. D’un autre côté, si vous ne connaissiez aucun des phénomènes extérieurs de résistance, de solidité, d’impénétrabilité, de figure, de couleur, etc., vous n’auriez aucune idée du sujet de ces phénomènes, dont les caractères, suit des phénomènes de conscience, soit des phénomènes extérieurs, sont pour vous les seuls signes de la nature des sujets de ces phénomènes. Parmi les qualités des phénomènes sensibles, est au premier rang la solidité, laquelle vous est donnée dans la sensation de la résistance, et inévitablement accompagnée de la forme, etc., Au contraire, lorsque vous examinez les phénomènes de conscience, vous n’y trouvez pas ce caractère de résistance, de solidité, de forme, etc.; vous ne trouvez pas que les phénomènes de votre conscience aient une figure, de la solidité, de l’impénétrabilité, de la résistance; sans parler d’autres qualités, qui leur sont également étrangères: la couleur, la saveur, le son, l’odeur, etc. Or, comme le sujet n’est pour nous que la collection des phénomènes qui nous le révèlent, plus son existence propre en tant que sujet d’inhérence de ces phénomènes, il s’ensuit que sous des phénomènes marqués de caractères dissemblables et tout à fait étrangers les uns aux autres, l’esprit humain conçoit des sujets dissemblables et étrangers.. Ainsi, comme la solidité et la figure n’ont rien à voir avec la sensation, la volonté et la pensée, comme tout solide est étendu pour nous, et que nous le plaçons nécessairement dans l’espace, tandis que nos pensées, nos volitions, nos sensations sont pour nous inétendues, et que nous ne pouvons pas les concevoir et les placer dans l’espace, mais seulement dans le temps, l’esprit humain en conclut, avec une rigueur parfaite, que le sujet des phénomènes extérieurs a le caractère de ceux-ci, et que le sujet des phénomènes de la conscience a le caractère de ceux-là ; que l’un est solide et étendu, et que l’autre n’est ni solide ni étendu. Enfin, comme ce qui est solide et étendu est divisible, et comme ce qui n’est ni solide, ni étendu n’est pas divisible, de là l’indivisibilité attribuée au sujet qui n’a ni étendue ni solidité. Qui de nous, en effet, ne se croit pas un être indivisible, un et identique, le même hier, aujourd’hui, demain? Eh bien! le mot corps, le mot matière ne signifie pas autre chose que le sujet des phénomènes extérieurs, dont les plus éminents sont la forme, l’impénétrabilité, la solidité, l’étendue, la divisibilité ; le mot esprit, le mot âme ne signifie rien autre chose que le sujet des phénomènes de conscience, la pensée, le vouloir, la sensation; phénomènes simples, inétendus, non solides, etc. Voilà toute l’idée de l’esprit et toute l’idée de la matière. Voyez donc tout ce qu’il faut pour ramener la matière à l’esprit ou l’esprit à la matière: il faut prétendre que la sensation, la volition, la pensée sont réductibles, en dernière analyse, à la solidité, à l’étendue, à la figure, à la divisibilité, etc.; ou que la solidité, l’étendue, la figure, etc., sont réductibles à là pensée, à la volonté, à la sensation.»

Tel est l’argument de la spiritualité de l’âme. En apparence il est très-rigoureux, et semble ne devoir laisser aucune incertitude. Toutefois en le considérant attentivement l’on remarquera qu’une erreur fondamentale s’est glissée dans les inductions qu’il renferme. Ainsi M. Cousin part de ce principe «que le sujet n’est pour nous que la collection des phénomènes,» sans nous dire ce qu’il comprend par phénomène. Or il y a une grande différence entre une qualité et une fonction. La première est un attribut inhérent au sujet et peut nous faire connaître le sujet; ainsi l’activité est une qualité de l’âme et nous pouvons en conclure que l’âme est une force. La seconde, au contraire, est un acte produit à l’aide d’une propriété, et celui-ci nous révèle la propriété mais non le sujet de la propriété ; ainsi la volonté et la pensée sont deux fondions, deux emplois de l’activité de l’âme; la pensée et la volonté nous révèlent donc l’activité de l’âme, mais nous ne pouvons pas en conclure que l’âme est la pensée, ni la volonté, ni l’activité. Il nous faut faire un pas de plus, et après avoir conclu de la pensée à l’activité, conclure de l’activité à la force. De même en ce qui concerne la sensibilité. La sensibilité est une faculté de l’âme; elle n’en est pas une qualité. Je ne puis donc pas induire de l’inétendue de la sensibilité à l’inétendue de l’âme, car une fonction est un acte qui n’est rien en lui-même. Il faut que je me demande comment l’âme peut être sensible? quelle qualité ou propriété l’âme doit posséder pour pouvoir recevoir des impressions? et alors j’ai le droit d’en induire que l’âme doit offrir dans ce but quelque étendue et quelque résistance pour pouvoir être touchée. La sensibilité, loin de me conduire à la spiritualité de l’âme, me porte donc à lui attribuer la qualité de la substantialité solide et étendue, c’est-à-dire une qualité différente de celle de l’activité. L’illustre philosophe, en confondant les facultés et les qualités dans le mot phénomène, s’est ainsi mis dans le cas de dévier de la ligne droite de l’induction, et de conclure à la simplicité spirituelle de l’âme, au lieu de sa dualité essentielle: force et substance.

Examinons encore d’autres arguments du maître éminent, afin d’apprécier toute la portée de cette erreur..

«Le corps, dit-il , d’abord, est composé de parties, il peut diminuer ou augmenter, il est divisible, essentiellement divisible, et même divisible à l’infini. Mais ce quelque chose qui a conscience de soi et dit: je, moi, qui se sent libre et responsable, ne sent-il pas aussi qu’il n’y a pas en lui de division, ni même de division possible, qu’il est un être un et simple? Le moi est-il moi, plus ou moins? y a-t-il une moitié de moi, un quart de moi? Je ne puis pas diviser ma personne. Elle est ce qu’elle est, ou elle n’est pas. Elle demeure identique à elle-même sous la diversité des phénomènes qui la manifestent. Cette identité, cette indivisibilité, cette unité de la personne, c’est la spiritualité. »

Il y a plusieurs observations à faire sur ce paragraphe, mais pour être bref je ferai remarquer seulement:

1° Que l’unité et l’identité sont l’unité et l’identité, mais non pas la spiritualité, comme nous venons de l’entendre dire.

2° Je me sens un, et néanmoins mon sentiment est souvent opposé à ma raison, et ces deux fonctions de mon âme se livrent en moi des combats incessants. Il s’ensuit donc que l’unité et la division existent indubitablement dans mon unité personnelle et ne s’excluent pas.

3°. Notre substance étendue est en effet mécaniquement divisible; mais cela n’établit pas que chimiquement elle soit composée de substances diverses. Étant chimiquement simple, elle est incorruptible, et les parties violemment séparées pourront se rapprocher et se confondre de nouveau, de mille façons. L’étendue de la substance de l’âme et de sa divisibilité même n’est donc pas contradictoire avec son immortalité et son unité de personne. Ce second argument ne prouve donc rien contre la dualité de notre essence.

Plus loin M. Cousin observe encore:

«Lorsqu’on me presse le bras, j’aperçois la sensation que j’éprouve comme un effet indépendant de moi et de mes déterminations; c’est là toute la passivité du moi. A proprement parler, le moi n’est jamais, ou du moins ne se sait jamais purement passif, car il ne se connaît qu’autant qu’il s’aperçoit, et apercevoir c’est déjà agir. De plus, le moi agit sans cesse tant qu’il est; nous agissons dans la sensation même. La sensation n’est pas un acte de moi, mais la sensation n’est sentie, n’est vraiment sensation, que parce que le moi qui en prend connaissance est déjà constitué, et il ne l’est que par l’action. Si le moi était purement passif, il faudrait un autre moi actif pour prendre connaissance de la. passion du premier; il y aurait deux moi, ce qui est absurde: le moi est un être indiviible, et son indivisibilité est celle de l’action.»

Ce troisième argument demande également quelques observations, car il est fortement affirmatif sur quelques principes. Ainsi je remarquai, premièrement que le moi est constitué par son essence double et par son aspect double, mais nullement par l’action. L’activité est une des propriétés de l’âme, mais non pas son indivisibiité, ni sa constitution. Il y a donc là confusion de deux idées distinctes.

Secondement: «le moi agit sans cesse tant qu’il est;» cette proposition renferme une grande inexactitude, car souvent il dort, le moi, du sommeil du juste et n’a nulle conscience de lui-même. La pensée, la volonté. l’attention, l’activité sont en nous éminemment intermittentes, ainsi qu’Aristote l’a déjà fait remarquer; car certainement notre activité organique n’est pas à comprendre dans l’activité du moi conscient, et chacun sait que le repos nous est nécessaire pour la réparation de nos forces. Il est certain cependant, comme l’observe M. Cousin, que l’on ne se sait jamais purement passif, car le savoir, comme je l’ai déjà fait remarquer, n’a lieu que par un effort volontaire; mais cela n’empêche pas que l’on ne soit passif en dormant, car personne ne se sait dormant. Dans la sensation également, on est passif, et si complètement passif, comme j’aurai l’occasion de prouver, que l’on reçoit et conserve en soi des sensations sans s’en apercevoir d’abord, et par conséquent sans le savoir; puisque la mémoire automatique nous les rappelle seulement plus tard.

Troisièmement: Quant à l’acte de la perception, il est certain que notre moi y est actif et que la perception n’aurait pas lieu si la pensée n’y intervenait. Mais il n’est pas moins certain aussi que la perception ne pourrait avoir lieu si la sensation n’avait pas précédé. En conséquence l’égalité entre les deux éléments de notre essence se maintient dans cette fonction de notre âme, et doit être reconnue en psychologie, car elle n’a rien d’absurde ni de contradictoire.

Voilà à peu près les principaux arguments sur lesquels le chef de l’école spiritualiste s’appuie pour établir la simplicité et la spiritualité de l’âme. Ils sont loin, à mon avis, d’être concluants, puisque la plupart des faits invoqués y sont incomplètement appréciés et le plus souvent s’élèvent même contre le principe qu’ils ont pour but d’établir. Les autres partisans de cette doctrine n’y ont pas ajouté de meilleures preuves, bien que la science et le bon vouloir ne leur aient pas fait défaut. Ainsi, par exemple, voici quelques arguments de M. Tissot, l’éminent et infatigable anthropologiste:

«La difficulté, dit-il , revient maintenant à savoir comment l’âme, par ses facultés de concevoir et de percevoir, peut se concevoir en elle-même et s’observer dans ses états. Telle est la véritable difficulté. Eh bien! cette difficulté, qui parait grande, parce qu’il semble qu’il y ait un sujet observant et un sujet observé, malgré la simplicité absolue de l’âme, serait bien autrement grande si l’âme n’était pas simple, puisque l’objet ne pourrait alors être qu’en lui-même, et que le sujet, en tant que connu de lui, ramènerait la question de savoir comment un sujet peut se reconnaître sans se dédoubler, et que s’il se dédouble, pour ainsi dire, outre la difficulté de concevoir ce dédoublement dans un être simple, la question de la connaissance du sujet par le sujet même se reproduit à l’infini..... Le fait est qu’il n’y a pas de dualité réelle.»

Plus loin l’illustre doyen de la Faculté des lettres de Dijon ajoute:

«Et ceci, qu’on le remarque bien, est éminemment d’accord avec ce qu’on dit en parlant du sens intime ou de la conscience, à savoir, qu’il n’y a qu’un être simple qui soit capable de connaître et surtout qu’on ne peut connaître que lui, précisément parce que lui seul n’est pas en dehors de soi, n’est pas objet pour soi.»

Oui, voilà la question telle qu’elle se présente. M. Tissot la précise admirablement. Il s’agit de savoir «comment l’âme peut se concevoir elle-même et s’observer dans ses états.» Et la réponse ne serait pas moins claire si M. Tissot acceptait sans réticence ce que sa conscience lui révèle, puisqu’il «lui semble qu’il y a un sujet observant et un sujet observé.» Mais non, dans cette circonstance son esprit si pénétrant se dérobe, pour ainsi dire, pour écouter ce parti pris «malgré la simplicité absolue de l’âme» et «le fait est qu’il n’y a pas de dualité réelle.» Bien plus, il observe ce double-phénomène dans sa conscience, et soutient pourtant ensuite qu’il n’y a qu’un être simple qui soit capable de se connaître. Pourquoi cette contradiction? car il est certain que si je ne vois pas d’objet je ne puis rien percevoir. Or, un être simple ne voit rien en lui-même; puisqu’il est simple il ne. pourrait donc se connaître que par le non-moi. C’est là l’avis des panthéistes, qui soutiennent, par exemple, que l’Être absolu ne peut se connaître, n’ayant point de non-moi. En vérité je ne comprends pas ce que la science peut gagner à soutenir que l’âme, qui se sent double et une, est d’une simplicité absolue, au lieu d’admettre qu’elle est telle que l’observation nous la montre. Sans doute cette unité dans la dualité est d’abord un mystère; mais tout est mystère pour nous; et je préfère celui qui est conforme aux faits à celui qui les contredit.

Ensuite le phénomène de la conscience de soi ne s’explique absolument que par la dualité. Je me sens un parce qu’il n’y a qu’une force vive en moi qui m’impressionne, et je perçois ce sentiment d’unité parce que ma force dans sa fonction rationnelle se mire, pour ainsi dire, dans l’impression unique qu’elle a produite dans ma substance. Par contre, la force ne peut se percevoir sans l’aide de la substance, et celle-ci ne peut se sentir sans l’activité de la force, de sorte que le sentiment et la perception ne se portent que sur un phénomène et ne trahissent qu’un seul être. La notion de l’unité par le moyen de ma double essence se comprend donc très-bien et «la question de la connaissance du sujet par le sujet même» ne se reproduit pas à l’infini comme le pense le célèbre philosophe.

Ces exemples nous prouvent que la notion de la dualité de l’essence de l’âme devrait être acquise à la science par les observations mêmes de nos éminents psychologues, si une idée fixe ne les privait pas, dans cette circonstance, du sentiment de l’évidence. Cependant ce n’est pas à eux que l’on doit imputer la culpabilité de ces réticences. Le vrai coupable de ces contradictions de. la raison et de l’expérience, c’est le grand Leibnitz, parce que c’est lui qui a construit l’argument du dynanisme que voici, et que j’emprunte au regrettable Émile Saisset.

Suivant Leibnitz, toute substance est essentiellement une force; qu’on l’appelle corps, âme ou esprit, brin d’herbe ou soleil, ange ou bête, peu importe. Minéral, plante, animal, homme et Dieu même, tout être réel est un principe capable d’action. La force, l’activité sont le signe et la mesure de l’existence. Plus une substance agit, plus elle a d’être, plus elle s’élève dans l’échelle de perfection. Supposez un être entièrement inerte, vous donnez un corps à une abstraction; ce qui n’agit pas n’est pas, et l’être absolu et infini, c’est l’infinie et absolue activité.»

Il résulte de ce raisonnement, adopté par l’école spiritualiste, que Leibnitz s’est dit: puisque, d’une part, la substance est le substratum de tout être, et que, de l’autre, l’être agit, il faut évidemment que la substance soit une force simple et inétendue. Cette proposition semble rigoureuse comme une démonstration géométrique. Mais, s’il en était ainsi, il faudrait admettre que la substance et la force fussent une seule et même chose. Or, cela n’est pas, puisque l’humanité a inventé deux mots si différents; et puisque la philosophie, jusques et y compris Descartes et son école, a attaché une idée différente à ces deux mots. Quoi qu’en disent Leibnitz et ses successeurs, la substance, à mon avis, sera toujours considérée comme étant le substratum de la matière, comme l’étoffe simple et irréductible de ce qui existe dans l’espâce: et la force, comme celui de l’activité, le principe fondamental de tout mouvement dans le temps. Aussi entre ces deux éléments la confusion est impossible, et comme elle existe néanmoins dans l’esprit de nos honorables spiritualistes, on doit y reconnaître toute la puissance de la tradition de l’école. Cependant, quoi qu’il en soit, il est certain que la substance et la force se distinguent entre elles, autant par leur nature et leur modalité, que parleur forme; et c’est une étrangeté inqualifiable que de prétendre, par un tour de phrase, identifier deux éléments aussi catégoriquement hétérogènes.

Malheureusement c’est là un procédé habituel de la raison humaine. Elle n’est que trop disposée à prendre tout ce qu’elle pense pour vrai et réel. Sa suffisance n’a pas de borne. N’est-elle pas allée jusqu’à se figurer qu’elle-même a construit le monde en le pensant! qu’elle est l’âme et qu’elle est Dieu! Son despotisme vraiment est intolérable, et il est temps qu’elle apprenne qu’elle n’est qu’une des formes de l’activité intellectuelle, et que l’expérience et le sens commun ne sont pas moins nécessaires à la science. Dans le sujet qui nous occupe, elle s’est surtout distinguée par sa suffisance; car, non-seulement, par Leibnitz, elle a fait disparaître la substance solide et étendue, pour la confondre avec la force inétendue et impalpable, mais par Kant elle est venue soutenir que le temps et l’étendue ne sont rien que les formes de l’entendement. De façon qu’à la croire, le monde et l’univers ne seraient nulle part, et que la réalité serait l’idée qui se déroule d’elle-même. C’est là le fond de cet idéalisme transcendant de la philosophie allemande dont nos honorables spiritualistes n’ont pas su se dégager complétement.

C’est à qui d’entre eux trouvera une démonstration de la subjectivité de la notion de l’étendue, puisque c’est là, en effet, le complément de la spiritualité absolue de l’âme. Mais, comme de juste, ils ne sont pas plus heureux dans cette tentative que dans l’autre. Ainsi, par exemple, puisque nous tenons M. Tissot et qu’il nous a déjà entretenu de la simplicité absolue de l’âme, écoutons-le aussi sur ce qu’il pense de la valeur objective et réelle de l’étendue.

«Le fameux argument, dit-il , de l’impossibilité, que ce qui est composé d’éléments inétendus donne la perception de l’étendue (je ne dis pas l’étendue) n’est qu’un sophisme: on confond l’étendue avec la perception d’étendue et même avec la conception d’étendue. A ce compte, pourquoi entendrait-on le bruit de la mer agitée, qui n’est qu’un composé d’une infinité de bruits imperceptibles formés par chacune des gouttelettes dont se compose la masse des eaux?»

En vérité ! Je ne sais pas à quel argument l’on doit adresser le reproche de sophisme: à celui de M. Tissot, qui veut nous faire concevoir l’étendue sans la conscience de l’étendue, ou à ses adversaires, qui se refusent à cette gymnastique scolastique! Car nous avons évidemment conscience de percevoir l’étendue et l’espace, et de ne pas créer cette conception par la pensée. Or, la conscience a seule qualité pour nous renseigner sur les phénomènes intimes, tandis que la raison n’en a point pour s’y opposer, puisqu’elle n’est pas l’origine de nos connaissances, ainsi que nous le verrons bientôt, et ce qui, du reste, est à peu près déjà généralement reconnu. Donc, puisque nous avons la perception de l’étendue et de l’espace, que le sens commun l’affirme, et que les sciences physiques et géométriques en font un usage de tous les instants, l’existence de cette dimension est certaine et incontestable quelles que soient les subtilités métaphysiques qu’on y oppose. Donc, la confusion que M. Tissot croit trouver entre l’étendue et la perception d’étendue ne saurait exister, puisque s’il n’y avait pas d’étendue on ne la percevrait pas. Au contraire, c’est la raison qui peut se tromper sur la conception d’étendue, puisqu’on peut bien ou mal s’expliquer et concevoir ce que l’on perçoit. Tel est, à mon avis, le cas de sa théorie subjective sur l’étendue, qui, non-seulement ne se fonde sur aucune donnée sensible, mais qui va à rencontre d’un fait de conscience universellement reconnu.

Ce qui est certain, c’est qu’il est impossible que des milliards d’éléments inétendus produisent la conception de l’étendue, aussi peu que l’étendue elle-même. L’exemple que le savant philosophe tire des gouttelettes n’est pas heureux. Effectivement, quelque infiniment petites qu’elles soient en comparaison des flots profonds de la mer, ces particules humides la composent pourtant en nombre incalculable, et, par conséquent, elles ont leur étendue réelle et incontestable. Le bruit des vagues qui s’entre-choquent est donc également le résultat du concours du sifflement particulier de chacune des gouttelettes qui fouettent l’air; et elles sont cause de ce bruit, puisqu’elles sont étendues, que l’air est étendu, que notre oreille l’est aussi et que notre âme l’est de même. Il reste à comprendre quel poids l’éminent professeur peut attribuer à cet exemple pour la démonstration de l’origine rationnelle de la notion de l’étendue?

M. Magy, un des jeunes disciples de l’école spiritualiste, et qui l’honore également par sa science et ses talents, croit, lui aussi, à l’origine subjective de la notion de l’étendue. Pour appuyer par l’observation cette. supposition superrationnelle, il examiné, dans son livre , le phénomène tactile avec tous les détails techniques désirables, luxe qui n’ajoute rien à la force de l’argument. Il suffit pour en faire sentir la portée et l’esprit d’en rapporter ici la conclusion:

«Ainsi une cause physique, le contact d’un corps antagoniste; une cause physiologique, le concours de l’organe et de l’encéphale; enfin une cause psychologique, l’intervention du l’âme; voilà, pour ainsi dire, les éléments essentiels de la perception de l’étendue tactile. Mais parmi ces trois éléments distincts et irréductibles, quel est le rôle dynamique de chacun dans le fait complexe où ils se rencontrent.....

«Que le corps antagoniste qui, dans la perception de l’étendue tactile, se trouve en rapport avec l’organe du toucher, agisse alors dynamiquement, c’est ce que chacun de nous éprouve par soi-même à tout instant. A tout instant, en effet, au contact d’un corps et de la main, nous sentons que. le corps oppose à la main une certaine résistance. Cette résistance est précisément ce qui suscite dans l’âme la sensation d’étendue tactile.»

Voilà le grand argument sur lequel repose, suivant ce philosophe, l’origine dynamique de la notion de J’étendue. Eh bien! on doit opposer à cette assertion incroyable un démenti direct! Ni lui, ni personne ne peut avoir conscience, au grand jamais, de ce que le corps antagoniste agisse dynamiquement en résistant à notre main. Son opposition n’est pas active, elle est entièrement inerte, il n’y a de sa part aucun déploiement de force. Sa résistance est un empêchement passif que ma main rencontre, un obstacle sans initiative propre, qui vient de ce que le corps soi-disant antagoniste occupe une certaine étendue de l’espace. Tel est le résultat de l’expérience des sens, et chacun peut constater à chaque moment cette inertie de la matière que l’on touche. La démonstration de M. Magy n’est pas, par conséquent, plus péremptoire que celle de M. Tissot et de tous les spiritualistes présents et à venir, puisque la raison ne peut aller contre la réalité de l’étendue de la substance et de sa différence catégorique avec la force.

Ces essais, pour faire disparaître la réalité de l’étendue, viennent de ce que la philosophie ne sait encore comment en expliquer l’origine; mais ce n’est pas le moment de nous occuper de cette question: je traiterai ce sujet dans le chapitre de la connaissance de Dieu. En attendant il est, dans ma pensée, bien établi que le spiritualisme ne possède aucun fait, ni aucun argument solide qui puisse infirmer la réalité de l’étendue comme forme de la substance de l’âme, ni celle de la dualité de son essence. Je ferai seulement encore remarquer qu’il pourrait se faire que l’erreur de messieurs les spiritualistes provienne, en partie, de ce qu’ils confondent l’idée de l’unité de l’âme avec l’idée de sa simplicité. Cependant ces deux notions sont bien distinctes; et si l’unité est nécessaire à l’âme, la simplicité en serait une monstruosité.

En effet, l’unité d’une chose s’établit par l’harmonie indissoluble des éléments divers qui la composent. L’unité implique donc au moins deux éléments. Un million d’éléments convenablement harmonisés et concourant à un même but, n’en empêcheraient pas l’unité réelle et vivante. Séparés, les éléments divers de l’unité en conservent l’empreinte ineffaçable. Ainsi, les chefs-d’œuvre de Raphaël se font remarquer par l’unité harmonieuse de leur composition, autant que par la vivante expression de tous les détails. Les différents personnages qui contribuent à l’effet commun, expriment bien la part qu’ils prennent à l’action générale que représente le tableau. Chacun y vit de sa propre individualité et reflète également le sujet principal. Que l’on découpe ces personnages de la peinture, qu’on les considère séparément, on ne les comprendra plus; ils auront l’air dépaysé, à moins qu’on ne se rappelle Je tableau dont ils sont séparés. Dans une œuvre bien conçue et bien exécutée l’unité se révèle donc dans l’ensemble et dans les détails, quel que soit le nombre des éléments qui la composent.

La simplicité, au contraire, c’est l’isolement complet. Un objet simple ne tient à rien, ne se rapporte à rien, ne dit rien, c’est un bloc sans vie. L’unité simple est la base du nombre, mais le nombre n’est pas la vie. La simplicité multipliée n’est qu’un assemblage incohérent d’individualités sans but commun, un rassemblement matériel que l’on peut augmenter et diminuer à volonté, sans dommage pour la simplicité des éléments qui le composent. Un amas de sable est une quantité de grains sans unité véritable. Un coup de pioché le fait tomber en poussière et le grain de sable qui en tombe n’en est pas modifié, et ne porte aucune trace de son état précédent. Unité et multiplicité est donc une opposition de mots et non d’idées, parce que la multiplicité est composée d’unités de nombre mais non d’éléments harmoniques. Unité et diversité, voilà l’opposition intelligente, parce que l’unité c’est l’ensemble, et la diversité, le détail quelque nombreux qu’il soit. Par contre l’unité d’un objet existe non pas parce que l’ensemble en est simple, mais parce que l’harmonie y respire.

L’âme, afin de posséder une unité réelle et vivante, ne peut donc être simple, comme le soutient l’école spiritualiste. Il faut au moins qu’elle soit double pour pouvoir être une unité véritable, et renfermer la diversité merveilleuse que nous lui connaissons. Il faut même que ses éléments aient une hétérogénéité complète, afin de ne pas y introduire des germes de dissolution, et. de se compléter nécessairement sans se contrarier. Donc énoncer la simplicité dans la définition de l’âme, c’est non-seulement commettre un non-sens, mais lui attribuer une véritable monstruosité.

En effet, si l’on suppose qu’elle n’est qu’une force, comme le soutient Leibnitz, et qu’elle est privée de toute substance étendue et solide, elle ne pourrait d’abord pas se mouvoir, puisqu’elle serait privée d’un point d’appui; et puis, elle ne pourrait ni avancer, ni reculer elle-même, ni faire avancer ni faire reculer le moindre brin d’herbe. Dans cet état d’isolement, la force ne pourrait avoir aucune relation avec quoi que ce soit, puisque n’ayant point d’étendue, elle n’occuperait aucun endroit dans l’espace. Elle ne pourrait même pas s’unir avec d’autres forces, puisque l’on ne se rencontre que dans un point de l’espace, et que toutes les forces réunies, n’ayant aucune étendue, ne se toucheraient nulle part. Une force isolée de toute substance est donc une impossibilité, et c’est par cette raison que l’on n’en trouve ailleurs que dans l’esprit des partisans du spiritualisme.

La substance sans force serait dans un cas analogue, puisqu’elle serait condamnée à l’inertie, et n’aurait aucune existence dans le temps, n’ayant qu’une seule dimension de la réalité, l’étendue. Concevoir l’être sans force, et seulement pétri de substance, c’est également nourrir une abstraction sans réalisation possible; aussi la substance isolée, sans force, est-elle introuvable dans la nature.

La substance et la force, quoique distinctes, ne peuvent donc exister que réunies dans l’être; et l’essence de l’âme, pour être créée viable, doit renfermer, à la fois, une substance et une force, qui lui soient propres. A cette condition seule elle en possédera les propriétés respectives; elle pourra exister dans l’espace, se mouvoir dans le temps, être passive et active, se sentir et se savoir, et avoir conscience de soi sans sortir de son for intérieur. C’est pour avoir-méconnu cette vérité que le spiritualisme renferme tant de contradictions, de fausses appréciations, et qu’il est resté impuissant en face des problèmes moraux, psychologiques, physiologiques, naturels et religieux des temps modernes. Sans doute, ses aspirations nobles, élevées, idéales, lui ont assuré une grande influence sur l’élite des penseurs, mais son impuissance est si évidente qu’elle est proclamée par ses partisans les plus éclairés, voire même par son fondateur en personne. Ainsi, par exemple, M. Tissot, dans son savant ouvrage, s’exprime comme suit:

«Longtemps, nous aussi, nous avons cru sur la parole de nos maîtres et d’après une observation superficielle que nous savions presque le tout de notre âme; longtemps nous avons été persuadé que l’âme, en tant qu’elle se connaît, qu’elle s’affirme, qu’elle peut dire moi, qu’elle sent, pense, agit avec conscience de son action, de sa pensée et de son sentiment, est tout l’âme. Mais une étude plus attentive des faits nous a porté à conclure, enfin, tout différemment. Non-seulement en ceci, mais en tout le reste, on ne connaît le tout de rien, mais, ce qu’il y a de plus, c’est qu’on ne connaît pas l’essentiel, le fondamental.»

M. Paul Janet a manifesté l’opinion que voici :

«La philosophie spiritualiste peut et doit aujourd’hui se mettre courageusement à l’étude des problèmes, et reprendre l’œuvre de construction dogmatique qu’elle avait interrompue.»

M. Abel de Rémusat croit devoir encourager les jeunes membres de l’école à se livrer à des recherches plus radicales. Après avoir exprimé le regret de s’être, lui-même, trop longtemps arrêté à des principes incomplets, il avoue qu’il ouvre nos traités de psychologie en vain. 11 consulte M. Garnier, M. Waddington, M. Nourrisson, mais ils gardent le silence sur les problèmes les plus importants 1

Du reste le fondateur même de la doctrine ne se fait pas illusion sur les défectuosités qu’elle renferme: à la fin de son ouvrage et de sa carrière il s’écrie avec un sentiment d’amertume:

«..... Ce n’est pas notre faute si Dieu a fait l’âme plus grande que tous les systèmes!...»

On le voit, l’autorité du spiritualisme est gravement compromise dans l’école même, à plus forte raison chez ses adversaires. Mais le difficile est de mieux faire, et tous les essais, comme je l’ai déjà rappelé au commencement de ce livre, sont restés stériles. Le système de la dualité de l’Essence me semble, au contraire, appelé à donner une nouvelle impulsion à cet ordre de recherches, et les développements qui suivront en assureront, je l’espère, le succès.

La dualité de l’âme n’est du reste pas une idée complétement neuve, ni dans l’ordre psychologique, ni dans l’ordre physiologique. Elle s’est présentée à l’esprit des penseurs depuis l’origine de la science, et les plus célèbres philosophes s’en sont occupés sans pourtant pouvoir trouver la vraie solution du mystère.

En psychologie, Socrate et Platon ont distingué en nous le Nous, principe de l’intelligence, et la Psyché, l’âme. Aristote a consacré notre dualité essentielle dans sa célèbre division de l’âme en puissance et de l’âme en acte. Saint Paul également s’était préoccupé de l’homme psychique et de l’homme pneumatique. Les gnostiques avaient accepté la dualité animique comme dogme fondamental de leur gnose. Ainsi les plus grands penseurs de l’antiquité s’étaient familiarisés avec cette idée. Depuis lors, il est vrai, la scolastique a incliné vers l’union de l’âme et du corps, selon la tradition chrétienne, qui ne les sépare point dans la résurrection. Descartes n’a distingué que la substance pensante et la substance étendue, l’esprit et la matière. Toute la philosophie allemande, à peu d’exceptions près, a élu domicile dans l’idée de l’infini et ne considère ni n’estime les travaux psychologiques. L’école écossaise s’est consacrée à l’étude ingrate des facultés, sans essayer aucune vue sur les hautes difficultés du problème. Maine de Biran, dans les derniers temps, nourrissait bien l’idée d’un moi tout nerveux et d’un moi tout spirituel; mais ses successeurs se sont déclarés, sous l’initiative de M. Cousin, complètement spiritualistes. La philosophie moderne s’est donc seule prononcée contre la dualité d’une manière presque absolue; mais l’antiquité en avait le pressentiment.

Les physiologistes de leur côté ont, au contraire, été entraînés vers la dualité de l’âme afin de trouver un lien entre l’esprit et le corps. Leurs vues diffèrent, mais tous en sentent le besoin. Descartes, à côté de la pensée, a inventé les esprits animaux; Cudwort une âme plastique; Van Helmont une archée; Stahl un type inné, et nos physiologistes naturalistes le principe vital, la vie, l’âme du corps, le fluide nerveux, etc.

On peut donc affirmer que de tous les temps l’idée de la dualité de l’âme s’est imposée aux meilleurs esprits des deux camps; mais il faut aussi reconnaître que jamais on n’est parvenu à l’approfondir suffisamment pour qu’elle ait pu obtenir droit de cité dans le sanctuaire de la science. Essayons donc de soulever assez haut le voile qui en cache les secrets, afin de l’éclairer de façon à pouvoir en faire une étude complète. Pour réussir dans ce projet, n’oublions jamais que l’unité et la dualité de l’essence de l’âme doivent être considérées comme entières, que jamais la substance et la force de l’âme ne peuvent être séparées puisqu’elles ne sauraient exister séparément, mais que néanmoins chacune d’elles conserve dans leur union son autonomie, de manière à ce que les propriétés respectives puissent s’en distinguer sans difficulté.

Toutefois, avant d’entrer dans les détails, fixons-nous de nouveau sur la détermination précise des propriétés des deux éléments de l’âme et sur les conditions de leur union. Ce sera le moyen de résumer cette démonstration et de faire pressentir par anticipation les résultats des considérations qui vont suivre.

I. La substance de l âme est une étoffe simple, incorruptible, inerte, étendue, solide et sensible. Elle est le principe potentiel qui, par sa subtilité et sa ténuité corporelle, reçoit toutes les impressions, se les assimile, les conserve et se transforme, sous cette action incessante, de manière à renfermer en elle toute notre nature morale, intellectuelle et pratique. De plus certaines parties de cette substance forment le type invisible de notre organisme, qui, au moyen d’un revêtement matériel, constitue notre corps et nous permet de séjourner et de vaguer dans le milieu visible de la terre. Les propriétés de la substance animique sont donc à la fois psychologiques et physiologiques, et tout ce qui existe et tout ce qui est permanent en nous n’existe et n’est permanent que par elle.

II. La force de l’âme est le principe de toute notre activité morale, intellectuelle et dynamique. Elle n’a point d’étendue et ne se manifeste que dans le temps; elle varie en intensité et est intermittente. La orce animique est le principe actif ou vital dans l’ordre psychologique et dans l’ordre physiologique.

III L’union de ces deux éléments de l’âme doit être considérée comme pleine et entière; mais telle que chacun d’eux y conserve son autonomie. Partout où il y a notre substance, partout il y a également notre force. Aucune fonction ne se produit en nous sans avoir pour base un organe substantiel, et pour principe d’activité la concomitance de notre force; de sorte que dans toute faculté psychologique et dans toute fonction organique nos deux éléments concourent comme facteurs indispensables. De plus, dans cette union intime et indissoluble, la force agit sur la substance, et celle-ci communique avec la force de deux manières distinctes: l’une directement, spontanément, instinctivement, sans intention de notre part, et l’autre volontairement, intentionnellement, tant au moral que dans le fonctionnement intellectuel, pratique et organique. De ce double rapport de nos deux éléments essentiels naissent deux ordres moraux intellectuels et pratiques: 1° l’ordre naturel, substantiel, instinctif et sensible, qui dépend plus particulièrement de notre substance et de ses propriétés; et 2° l’ordre virtuel, spirituel, actif, volontaire et réfléchi, qui découle plus spécialement de notre force et de ses qualités.

Tel est l’aperçu général des propriétés de nos deux éléments essentiels et des effets de leur union indissoluble. L’étude qui va suivre comprendra 1 application de ces principes à la formation de nos facultés, à leur fonctionnement et à celui de notre organisme; et traitera 1° de la nature de l’âme, c’est-à-dire de l ordre substantiel, potentiel, instinctif ou sensible; 2° de la force de l’âme, c’est à-dire de l’ordre virtuel ou réfléchi; 3° du caractère des hommes et 4° du génie des nations.

La religion et la politique de la société moderne

Подняться наверх