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II
Baptêmes.

Table des matières

«Dieu ne regarde pas à la condition,» dit un chant populaire de Bretagne.

Pierre, l’enfant de rien,–Georges, le fils de quelque chose, furent baptisés par le même prêtre, dans la même église, le même jour et presque à la même heure. Seulement, les gens de la métairie ayant devancé ceux du château, il arriva que l’enfant enveloppé de haillons fit attendre l’enfant enveloppé de dentelles.

Cette circonstance passa presque inaperçue. Seul, le bon curé, sans y voir une leçon de la Providence, en fit la remarque, et, se rappelant que tous les hommes sont égaux devant Dieu, bénit avec une égale sollicitude les deux créatures dont il faisait des chrétiens.

–Qui des deux sera le meilleur et le plus digne de cette bénédiction? La prospérité, comme l’adversité, engendre des vertus et des vices. D’un côté, je vois la richesse et l’orgueil, de l’autre, la pauvreté et l’envie; partout je trouve l’avarice, la paresse et l’appétit égoïste des jouissances; mais la bienfaisance, la charité, le dévouement, se trouvent aussi de l’un et de l’autre côté. Il n’y a d’inégalité qu’en apparence, ô mon Dieu! car les épreuves de la vie, bien qu’infiniment diverses, sont réparties également.

Pierre, pauvre petit Pierre, tu nais misérable, et tu subiras sans doute toutes les tentations de la misère qui déprave: mais toi, Georges, enfant gâté de la fortune, tu seras exposé à tous les dangers de l’opulence qui corrompt. Aux yeux du monde, Pierre, tu es le plus mal partagé; mais l’Evangile, loi d’amour pour les pauvres, ne contient de menaces que pour les riches. Pour les riches, la porte du ciel est plus étroite; ils ont reçu davantage: ils auront des comptes plus sévères à rendre; enfin, dans le royaume de Dieu, les premiers sont les derniers et les derniers sont les premiers.

Ainsi réfléchissait le prêtre, qui pria longtemps avec onction pour les deux enfants dont les destinées si contraires avaient profondément frappé son esprit et profondément ému son cœur paternel.

La foule se dispersa. Au nom de la dame châtelaine, non-seulement on distribuait à profusion les dragées et toutes sortes de petits présents, mais encore il fut apporté un trousseau complet pour le petit Rouget, et des secours abondants pour son infortunée mère.

Tous les gens du canton applaudirent.

Les maîtres du château firent mieux encore. Ils donnèrent un emploi à la jeune veuve, qui les servit durant plusieurs années avec un zèle reconnaissant. Du reste, ils n’avaient point tardé à savoir qu’elle était cette orpheline de Saint-Maurin que sauva de l’inondation l’intrépide Pierre aux cheveux roux.

–Ah! ma pauvre enfant! dirent-ils, que n’avons-nous connu plus tôt votre douloureuse histoire?

Pierrette, levant les yeux au ciel, réunit dans une même prière les noms de ses bienfaiteurs, celui du mari qu’elle avait perdu et celui de l’enfant souffreteux qu’elle craignait de perdre.

Rouget et Noiraud

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